Irak : l'EI détruit des joyaux culturels à coups de bulldozers

L'EI a "pris d'assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers", a dit le ministère du Tourisme et des Antiquités.

Source AFP

Lithographie de Baynes représentant le palais de Nimroud.
Lithographie de Baynes représentant le palais de Nimroud. © Eileen Tweedy / The Art Archive / The Picture Desk

Temps de lecture : 4 min

Après les masses, les bulldozers. Le groupe État islamique a commencé jeudi à détruire au bulldozer la ville de Nimroud, joyau archéologique du nord de l'Irak, une semaine après la diffusion par les djihadistes d'une vidéo de la destruction de sculptures préislamiques inestimables à Mossoul. L'ONU a annoncé dans le même temps que quelque 28 000 personnes avaient fui en quelques jours la région de Tikrit, plus au sud, où les forces gouvernementales ont lancé une offensive d'envergure pour en chasser l'EI. L'EI a "pris d'assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers", a dit le ministère du Tourisme et des Antiquités sur sa page officielle Facebook.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Un responsable des Antiquités a confirmé ces informations. "Jusqu'à présent, nous ne pouvons pas mesurer l'ampleur des dégâts", a dit ce responsable sous couvert d'anonymat. Nimroud, une cité fondée au XIIIe siècle avant J.-C., est située sur les rives du Tigre à quelque 30 kilomètres de Mossoul, la grande ville du nord de l'Irak, contrôlée par l'EI depuis juin. Jeudi dernier, l'EI avait diffusé une vidéo sur laquelle des djihadistes réduisaient en miettes des sculptures préislamiques du musée de Mossoul. Pour l'organisation djihadiste, statues, tombeaux et représentations "favorisent l'idolâtrie" et méritent donc d'être détruits.

Saccage à Mossoul

Après leur saccage à Mossoul, les djihadistes auraient lancé aux gardiens du musée que Nimroud était leur prochaine cible. "C'est l'une des plus importantes capitales assyriennes, on y trouve des bas-reliefs et des taureaux ailés (...) Cela serait un véritable désastre", avait alors indiqué à l'AFP Abdelamir Hamdani, un archéologue irakien de l'université Stony Brook de New York. La destruction des trésors de Mossoul avait été condamnée par la communauté internationale, la directrice générale de l'Unesco Irina Bokova réclamant à la Cour pénale internationale (CPI) de se saisir du cas.

L'EI a lancé une offensive fulgurante en juin 2014 en Irak, s'emparant de larges pans du territoire, notamment au nord de Bagdad. Les forces gouvernementales, appuyées par les raids aériens de la coalition internationale dirigée par les États-Unis, tentent depuis plusieurs mois de reprendre le terrain perdu. Elles ont notamment lancé lundi une offensive mobilisant 30 000 hommes pour reprendre Tikrit, la deuxième plus importante ville conquise en Irak par l'EI après Mossoul.

Déplacement d'environ 28 000 personnes

"Les opérations militaires dans et autour de Tikrit ont précipité le déplacement d'environ 28 000 personnes vers Samarra", ont indiqué les Nations unies dans un communiqué jeudi, ajoutant que des "mouvements de déplacement supplémentaires" étaient toujours en cours au quatrième jour de l'assaut. Les 28 000 personnes déplacées cette semaine viennent gonfler les rangs des 2,5 millions d'Irakiens chassés de chez eux par les violences, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Cependant, Amnesty International et Human Rights Watch s'inquiètent des dangers encourus par les civils à Tikrit après plusieurs menaces de représailles formulées par les miliciens chiites, dont des milliers de recrues ont été massacrées par l'EI dans le secteur en juin. Des tribus sunnites avaient alors été accusées de complicité.

Dans la bataille de Tikrit, les Irakiens n'ont pas demandé l'aide de la coalition, qui poursuit ses frappes quotidiennes contre l'EI ailleurs en Irak. La coalition mène également des frappes contre l'EI dans la Syrie voisine. Les États-Unis ont en revanche confirmé la participation de l'Iran dans cette bataille. Le secrétaire d'État américain John Kerry, en visite à Riyad, a indiqué jeudi que le général Ghassem Souleimani, chef de la Force Qods, une unité d'élite des Gardiens de la révolution, a été présent en Irak.

Capacité du pays à rester uni ?

"Est-ce que le général Souleimani a été sur le terrain, est-ce qu'il joue un rôle ? La réponse est oui", a déclaré John Kerry, insistant cependant sur le fait que l'opération était sous contrôle irakien. "Tout le monde sait qu'il y a un certain mouvement des forces iraniennes - à la fois dans et à l'extérieur du nord de l'Irak - qui sont engagées dans les combats depuis le tout début. Mais ce n'est pas coordonné. Nous ne nous coordonnons pas avec eux", a-t-il ajouté. Il a par ailleurs appelé "toutes les forces irakiennes à éviter et empêcher les abus contre des civils et toutes activités qui violeraient le droit international ou alimenteraient les violences et divisions confessionnelles". Et d'ajouter : "Cela inclut également l'Iran."

En dépit de ces mises en garde, l'émissaire de l'ONU, Nickolay Mladenov, a affiché son optimisme sur la capacité du pays à rester uni, au terme de 18 mois de mission en Irak. Il s'est notamment félicité du fait qu'il était "devenu de moins en moins acceptable (pour les acteurs politiques irakiens) d'être ouvertement communautariste dans un discours" depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau chef du gouvernement Haider al-Abadi, il y a six mois.
Haider al-Abadi, de confession chiite, a cependant récemment assuré qu'il ne pouvait y avoir "de partie neutre" dans la bataille de Tikrit, estimant que toute personne choisissant la neutralité se rangeait de facto du côté de l'EI.






Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (21)

  • AdLib

    Celle-là, il fallait la trouver, merci de m'avoir fait bien rire !

  • AD36

    Voici au moins des individus dont le souci premier, des statues afghanes en passant par la mosquée et les manuscrits de Tombouctou, les musées irakiens ou les sites archéologiques assyriens, n'est pas le confort "cosy" d'une classe "patrimoniale", soucieuse de ses monuments et paysages, et susceptible ainsi de voguer "Vers l'Extreme" comme disent les deux sociologues Boltansky et Esquerre...

    Face à cette barbarie tout azimut, est-il encore possible que notre intelligentsia, en particulier celle qui préside à la pensée, si on ose l'appeler ainsi, des sciences humaines en France, puisse continuer à considérer comme réactionnaires, voire fascistes ceux qui défendent leur culture, dont le patrimoine fait intégralement parti, sans les soupçonner d'arrières pensées mercantiles, risquant d'offrir des arguments, ici comme là-bas, à ce néo-nazisme ?

    Entre l'argumentaire de gauche présenté ce matin dans Le Point, à propos d'un président démuni, et ces actes ne serait-il pas temps de demander à nos sociologues s'ils se rappellent ce que signifient pour eux les mots culture et civilisation ?

    Qu'ils n'oublient pas que ceux qu'ils classent dans les extrêmes réactionnaires ne font en l'occurrence que défendre, en France, une part de ce qui a permis l'éclosion des sciences humaines dans notre culture, d'Hérodote à Levy-Strauss ou R. Aron, cette recherche particulière de la compréhension de l'autre et de son histoire, et dont ces "savants" sont les héritiers, oubliant que, pour voir plus loin il faut grimper sur les épaules des géants qui nous ont précédés disait Anselme de Cantorbéry et non renier ce patrimoine, qu'il soit littéraire, scientifique, ou artistique et architectural. Il n'est jusqu'au paysage, façonné par des millénaires d'effort de paysans pour nous nourrir, qui ne mérite le respect. Sans lui nous ne serions pas.

    La réflexion intellectuelle de la gauche est en perdition et Hollande n'en a pas besoin pour s'enfoncer un peu plus, se suffisant à lui-même.

  • Forban78

    Le doux parfum de la révolution française et de la Commune de Paris... Chaque peuple et chaque période ont les tarés qu'il méritent... Ce n'est pas franchement une question de culture mais de circonstances... La nature humaine reste quant à elle invariante.