Traite d'êtres humains dans le Cantal : deux ans ferme pour un exploitant forestier

Traite d'êtres humains dans le Cantal : deux ans ferme pour un exploitant forestier

    Un exploitant forestier a été condamné jeudi par le tribunal correctionnel d'Aurillac (Cantal) à trois ans de prison, dont un an de sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, pour traite d'êtres humains. Ce Franco-Marocain de 45 ans avait séquestré, extorqué et réduit quasiment en esclavage deux jeunes hommes venus de son village natal au Maroc.

    Le fils du quadragénaire, qui comparaissait pour complicité d'enlèvement et d'extorsion avec violence, a écopé pour sa part d'un an de prison avec sursis. L'affaire débute en mars 2014 lorsque les deux hommes font venir du Maroc deux jeunes désireux de travailler en France, moyennant la somme de 7.000 euros chacun.

    Mais à leur arrivée dans le Cantal, les deux jeunes, âgées de 21 et 22 ans, se voient confisquer leur passeport. Assistés d'un interprète, ils ont affirmé à la barre avoir travaillé dix heures par jour à l'arrache de la gentiane, tous les jours de la semaine, sans être payés pendant un mois. Le salaire viré sur leur compte est immédiatement reversé à leur employeur. Logés dans des conditions indignes dans un studio à Aurillac, les jeunes travailleurs subissent par ailleurs violences, intimidations et chantage.

    Une version niée par l'exploitant forestier. «Ils ne voulaient pas travailler. Il fallait bien quand même qu'ils me remboursent les frais d'avion, d'immigration et les charges de l'appartement», s'est emporté le prévenu.

    Après un signalement de l'hôpital d'Aurillac où les victimes se plaignent lors d'une consultation, une enquête est ouverte en août par les gendarmes. Un autre signalement émanant de proches de l'une des familles marocaines alerte aussi les enquêteurs sur leur calvaire. Mais en septembre, les prévenus emmènent les deux jeunes au Maroc pour récupérer une partie des 7.000 euros qui n'avait pas encore été réunie par la famille de l'une des victimes. Sur le trajet, en Espagne, l'un d'eux réussit à s'enfuir tandis que son compagnon d'infortune est finalement relâché.

    Menacés d'un couteau pour signer des documents

    L'un des deux Marocains reviendra ensuite porter plainte à Aurillac. Le père et son fils ont été interpellés en décembre. Les passeports confisqués, de même que des documents vierges (que les victimes avaient été obligées de signer sous la menace d'un couteau) ont été retrouvés à leurs domiciles. Des véhicules, des téléphones et une corde ayant probablement servi lors de la séquestration, ont également été saisis. Lors de l'audience, les deux victimes ont confié «vivre désormais dans la peur».

    «Le père est coupable d'avoir organisé une filière pour exploiter ces jeunes et profiter financièrement de leur faiblesse», s'est insurgé le substitut du procureur, Marc Rous. «Il faut qu'un salarié arrache 180 kilos de gentiane chaque jour pour que ça soit rentable. C'est énorme comme travail. Plus personne ne veut le faire», a-t-il précisé pour souligner la dureté de la tâche.

    De son côté, l'avocat de l'exploitant forestier a insisté sur les «insuffisances de la procédure». «Hormis les déclarations des salariés, nous n'avons aucun élément matériel», a dit Me Laurent Lafont.

    Le prévenu, qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire, a été immédiatement incarcéré