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Migrants : la Birmanie se dit stigmatisée au sommet de Bangkok

La réunion sur la crise des migrants en Asie du Sud-Est est censée s’attaquer aux racines de cet exode qui prend sa source en Birmanie et au Bangladesh.

Le Monde

Publié le 29 mai 2015 à 11h23, modifié le 29 mai 2015 à 16h21

Temps de Lecture 4 min.

Des délégués de 17 pays, de l'Australie au Bangladesh en passant par les Etats-Unis, étaient réunis vendredi 29 mai en Thaïlande pour tenter de trouver une solution à la crise des migrants en Asie du Sud-Est.

Les délégués de dix-sept pays – de l’Australie au Bangladesh en passant par les Etats-Unis – étaient réunis sous l’égide des Nations unies, vendredi 29 mai, à Bangkok, en Thaïlande, pour tenter de trouver une solution à la crise des migrants en Asie du Sud-Est, un exode qui prend sa source en Birmanie et au Bangladesh. Ils ont réussi à se mettre d'accord sur la nécessité de « s'attaquer aux racines et d’améliorer la vie des communautés à risque », avec des « créations d'emplois » et des « aides au développement » dans leurs « zones à risque ».

« Le principal dossier est de sauver des vies et de s’attaquer aux réseaux », a déclaré le chef de la diplomatie thaïlandaise, Tanasak Patimapragorn, évoquant un « afflux de migrants illégaux » ayant « atteint des niveaux alarmants ». « Nous avons déjà donné l’autorisation aux Etats-Unis d’entrer dans l’espace aérien thaïlandais », a-t-il annoncé, alors que jusqu’ici Washington menait ses vols de surveillance avec la Malaisie, la Thaïlande faisant bande à part. La police thaïlandaise continue à chercher des camps de migrants illégaux abandonnés à la frontière avec la Malaisie, où plus de cent trente corps ont été retrouvés dans des fosses communes en pleine jungle, pour des migrants morts en route. Vendredi, un bateau transportant sept cents migrants a aussi été découvert au large de la Birmanie.

Résoudre les causes de la crise « nécessitera que la Birmanie assume entièrement ses responsabilités, envers tous ses habitants », a déclaré Volker Turk, haut-commissaire adjoint de l’ONU pour les réfugiés. Visiblement énervé par des remarques du représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le chef de la délégation birmane, Htin Lynn, a dénoncé cette mise en cause qualifiée de « politisation » de la part de l’organisation onusienne. « Vous ne pouvez pas stigmatiser mon pays », a-t-il lancé.

« Déni des droits élémentaires »

En Birmanie, les quelque 1,3 million de Rohingya, qui prennent la mer par milliers, sont victimes de multiples discriminations dans ce pays marqué par un fort nationalisme. Vus comme une menace pour l’identité bouddhiste du pays, les membres de ce groupe ethnique sont apatrides et n’ont accès ni aux hôpitaux, ni aux écoles, ni au marché du travail. La montée des violences communautaires a fait en 2012 quelque deux cents morts, essentiellement des musulmans, et cent quarante mille déplacés. Cela a accéléré un exode en mer existant déjà depuis plusieurs années.

Mais le sujet est tabou, et le terme « rohingya » non reconnu par la Birmanie, qui considère cette minorité musulmane comme des immigrés du Bangladesh voisin, même si certains vivent sur place depuis des générations. La déclaration finale adoptée vendredi prend d’ailleurs bien soin de ne pas mentionner ce terme.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les Rohingya de Birmanie condamnés à l’exil

Alors que la plupart des pays de la région n’osent pas hausser le ton face à la Birmanie sur le sujet, l’ONG Human Rights Watch (HRW) appelle les participants à « faire pression sur la Birmanie comme la principale source du problème ». « Demandez aux délégués birmans de cesser immédiatement les mesures répressives et le déni des droits élémentaires qui conduisent les Rohingya à fuir », ajoute l’ONG sise à New York dans un communiqué.

Le silence d’Aung San Suu Kyi sur la crise des migrants rohingya est, lui, dénoncé et ébranle son aura internationale. Le dalaï-lama, entre autres personnalités, l'a pourtant appelée à sortir de sa réserve. « Aung San Suu Kyi est une déception », critique Phil Robertson, représentant de Human Rights Watch en Asie, sinterrogeant sur ce qui reste aujourdhui de la femme qui reçut le prix Nobel de la paix en 1991. Selon certains analystes, elle est prise au piège de son obsession de ménager une opinion publique birmane marquée par un puissant sentiment antimusulman. Mais, plutôt qu’un « simple calcul politicien », l’analyste Renaud Egreteau voit dans cette « discrétion » le reflet de « la gêne et de l’incompréhension des élites birmanes », au-delà d’Aung San Suu Kyi, en proie « [à] un malaise et [à] une méconnaissance de l’autre plutôt qu[’à] un simple calcul électoraliste ».

Milliers de boat people abandonnés en mer

La problématique s’est retrouvée sur le devant de la scène depuis que des milliers de boat people ont été abandonnés en mer par leurs passeurs, à la suite d’une politique soudain répressive de la Thaïlande, pays de transit habituel, ayant eu pour effet de désorganiser les filières. Ces dernières semaines, plus de trois mille cinq cents migrants affamés sont arrivés en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie. D’autres seraient encore pris au piège dans des bateaux en mer. Les pays de la région s’étaient attiré les foudres de l’ONU et d’organisations humanitaires en refoulant vers le large des navires de migrants, avant que l’Indonésie et la Malaisie ne fassent volte-face récemment et annoncent qu’elles allaient secourir et offrir un accueil temporaire aux candidats à l’exil.

La question de l’accueil à long terme de ces milliers de migrants devait aussi être au centre des discussions. Le Qatar a annoncé jeudi l’octroi de 50 millions de dollars à l’Indonésie pour l’aider à les accueillir. Les Etats-Unis ont envoyé la secrétaire d’Etat adjointe pour la population, les réfugiés et la migration, Anne Richard, mais les pays de la région n’ont mobilisé que des responsables diplomatiques de rang inférieur, faisant craindre que la réunion à Bangkok accouche d’une souris. La diplomate a prononcé le mot « rohingya » devant la presse, prenant le risque de susciter, elle aussi, la colère des Birmans.

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