Il est arrivé en milieu de matinée le vendredi 10 octobre à l’école Louis-Blériot, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), sur un simple coup de fil de l’académie de Créteil quelques heures plus tôt. C’est le troisième poste que Rachid M. (le prénom a été changé) enchaîne : après un CM2, une classe de grande section maternelle, c’est un CE1 qu’il doit prendre en charge au pied levé dans cette école classée REP + – appellation des nouvelles zones d’éducation prioritaires.
Sans aucune formation adaptée, le jeune homme de 21 ans a été « jeté dans la fosse aux lions » comme les quelques dizaines de contractuels que le rectorat continue de recruter, soit par le biais de son site, soit par Pôle emploi, pour boucher les trous en Seine-Saint-Denis.
Démarche chaloupée, look décontracté avec sa petite barbe, ses cheveux mi-longs coiffés en arrière et son chewing-gum dans la bouche, Rachid M. donne l’impression d’être tombé ici par hasard. Quand il est arrivé, il a trouvé les consignes que la maîtresse qu’il remplace avait laissées. Une chance, car le jeune débutant n’avait pas eu le temps de « préparer ». Par ce terme, il veut dire qu’il n’a pas pu consulter les programmes sur Internet. Car Rachid n’a jamais pensé devenir « instit » avant. Il cherchait plutôt « dans le commerce », un emploi de vendeur ou de chef de rayon. Sans succès. Sur les conseils d’un ami, il a postulé sur le site du rectorat.
« Faire avec »
Après un entretien, il a été jugé apte. Pourtant, avec son BTS de management des unités commerciales, Rachid M. n’a pas le diplôme adéquat pour être professeur des écoles. « On nous avait assuré des diplômés en master 2 [bac + 5] puis des M1. Maintenant, on nous promet des titulaires de licence mais même pas », se désole une collègue de l’école.
Malgré les assurances du rectorat, ils sont plusieurs comme lui parmi les derniers contractuels arrivés dans le « 93 ». Plus l’année avance, plus les exigences semblent baisser pour assurer la présence d’un adulte devant les classes et calmer les parents d’élèves. Le rectorat assure que « normalement » un accompagnement est fait auprès des petits nouveaux.
Pas pour Rachid M. ni ses jeunes « collègues » de Blériot. Alors il se débrouille comme il peut. Ne lâchant pas son manuel scolaire de la journée. Consultant Internet sur la manière de faire une séquence lecture. Se trompant aussi beaucoup : au milieu de la semaine, il a proposé à ses élèves de faire des multiplications. Sa voisine de classe lui a glissé qu’en début de CE1 les enfants ne connaissent que l’addition et qu’il valait mieux s’en tenir là.
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