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Un plan pour l’égalité filles-garçons sans mauvais « genre »

Najat Vallaud-Belkacem présente mardi 25 novembre une centaine d’outils qui succèdent aux très décriés ABCD de l’égalité, avec la volonté manifeste de rendre le sujet consensuel.

Par  et

Publié le 25 novembre 2014 à 00h52, modifié le 19 août 2019 à 14h13

Temps de Lecture 5 min.

On l’attendait pour la rentrée de septembre. Il aura fallu patienter près de trois mois pour connaître le détail du « plan d’action pour l’égalité entre filles et garçons » divulgué, mardi 25 novembre, par la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Une centaine de « pistes pédagogiques » sont rendues publiques, avec la volonté manifeste de rendre le sujet de l’égalité entre les sexes consensuel, en tout cas de dédramatiser au maximum l’enjeu après des mois de crispations.

Les grandes lignes de ce plan – formation initiale et continue de tous les personnels, implication des parents d’élèves, production d’outils pédagogiques – avaient été communiquées, le 30 juin, par le prédécesseur de Mme Vallaud-Belkacem, Benoît Hamon. À lui aussi avait incombé la lourde tâche d’annoncer, juste avant l’été, la « non-généralisation » des « ABCD de l’égalité », ce dispositif de lutte contre les stéréotypes sexués pris pour cible par les lobbys traditionalistes, sans donner l’impression de reculer. Un exercice d’équilibriste auquel l’ancien ministre, poussé vers la sortie peu avant la rentrée, a probablement laissé quelques plumes.

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Outil conceptuel étoffé

Depuis son installation rue de Grenelle, Najat Vallaud-Belkacem avait maintenu le silence radio. Une façon de ne pas donner prise aux militants « anti-genre » ? « Il fallait prendre le temps nécessaire pour élaborer les nouvelles ressources et le site Internet dédié qui s’adressent, désormais, autant aux enseignants qu’aux parents d’élèves », répond-elle lundi 24 novembre. « Les associations représentatives, FCPE et PEEP notamment, ont été associées tout au long du processus », insiste la ministre. Une façon de reconnaître que cette concertation avait auparavant fait défaut.

L’outil conceptuel a été étoffé. Les séquences pédagogiques utilisées dans les « ABCD de l’égalité », pensées pour l’école primaire (de la grande section de maternelle au CM2), n’étaient qu’une dizaine. Elles couvrent désormais « tous les niveaux de la scolarité, de la maternelle au baccalauréat ». Sur le site qui les héberge, exit le terme d’« expérimentation », qui avait fait craindre à certaines familles que leurs enfants ne servent de cobayes. Idem du « genre », concept au cœur de la polémique, soigneusement évité. La page d’accueil donne le ton, prenant appui sur la législation et s’inscrivant résolument dans une continuité : « Depuis 1989, la loi a confié à l’école la mission de favoriser l’égalité entre filles et garçons. »

L’éducation nationale entend jouer la transparence en permettant aux parents, en quelques clics, d’accéder aux « essentiels » – une présentation de la démarche et des enjeux du « plan d’action ». Les enseignants ont, eux, à leur disposition une « mallette pédagogique », sorte de « best of » de la lutte contre les inégalités. On y trouve des « pistes » et « outils » pour le travail quotidien dans et hors de la classe, niveau par niveau. En maternelle par exemple, il est suggéré de questionner le terme « l’heure des mamans » en réfléchissant à qui vient chercher les enfants à l’école. Autre piste : prendre des photographies en classe et dans la cour pour inviter à réfléchir sur les comportements des élèves (attitude au travail, durant le regroupement, les ateliers…). En élémentaire, les « jeux sportifs où la mixité et les différences de niveaux ne sont pas un handicap pour prendre du plaisir à jouer ensemble » sont encouragés.

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Farida Belghoul « discréditée »

En histoire, en classe de 5e, l’une des propositions vise à distinguer « d’un côté ce qui est demandé aux saintes, et de l’autre aux saints », afin de « mettre en exergue les valeurs qui sont attribuées à la féminité et à la masculinité aux Moyen Age », « relever les permanences et les mutations » et « montrer que ces critères sont des constructions sociales ». Autre préconisation : un travail sur les tableaux des hommes de la Renaissance ou de Louis XIV, pour « mettre en perspective des critères de virilité très différents de ceux de notre temps ». En 4e, on pourra étudier le discours féministe en poésie. En 1ère, l’œuvre de George Sand.

Des « ABCD de l’égalité » qui ne disent pas leur nom ? On ne nie pas, au ministère, avoir « conservé la partie la plus efficace » de l’expérimentation et chercher à mettre à profit l’expertise acquise, l’an dernier, par les enseignants des 250 écoles volontaires. Une maigre consolation pour des équipes souvent placées en première ligne, face aux campagnes lancées par la militante Farida Belghoul, que Mme Vallaud-Belkacem juge aujourd’hui « discréditée », ou les partisans de La Manif pour tous.

Reste le sentiment que, sans dispositif formalisé et volontariste, sans cadre imposé, la lutte contre les inégalités pourrait bien se diluer parmi les nombreuses autres missions de l’école. Cela fait trente ans que le combat contre les préjugés sexistes est inscrit parmi les objectifs de l’institution, sans qu’il dépasse le stade de l’injonction. « C’est la complémentarité des actions engagées qui permettra de changer la donne », veut croire la ministre. Avec l’objectif affiché de 25 000 futurs enseignants formés par an.

« Les garçons eux-mêmes souffrent de stéréotypes »

Sur le fond, Najat Vallaud-Belkacem ne renie rien de ce qu’elle prêchait au ministère des droits des femmes, et continue de revendiquer l’apport des études de genre. « Même si nous n’étions pas en faute dans la polémique sur la théorie du genre, j’estime qu’il faut tirer les leçons de l’épisode, reconnaît la ministre. Si nous avons commis une erreur, c’est de ne pas expliquer suffisamment pourquoi c’est si essentiel de lutter contre les inégalités dès le plus jeune âge, car cela joue concrètement sur les apprentissages. »

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Tout au long de leur scolarité, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons, et pourtant, elles s’orientent vers des filières moins compétitives et rémunératrices. Najat Vallaud-Belkacem l’illustre d’une image : « Si l’on donne aux petites filles un exercice en leur assurant que c’est un dessin, elles réussissent mieux que si on leur dit que c’est de la géométrie… »

Les garçons, qui faisaient un peu figure d’oubliés dans les « ABCD », sont davantage mis en valeur : « Eux-mêmes souffrent des stéréotypes, eux qu’on autorise à être plus agités sont davantage victimes d’accidents domestiques et fournissent le gros des bataillons de décrocheurs, poursuit la ministre. C’est aussi pour eux qu’il faut créer des conditions de réussite qui ne soient pas influencées par le sexe. »

L’intégration de l’égalité filles-garçons dans les outils classiques de l’éducation nationale est-elle à la hauteur de l’ambition initiale ? Quand on lui demande quand elle espère voir les premiers résultats de cette politique, la ministre n’avance aucune échéance.

 

Lire le récit : Najat Vallaud-Belkacem, bouc émissaire des « anti-genre »

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