Une juge fédérale a ordonné l'expulsion de l'ancien militant italien d'extrême gauche et écrivain Cesare Battisti, condamné pour meurtres dans son pays. Cette sentence remet en question une décision de la Cour suprême qui avait rejeté une première demande d'extradition en juin 2010.
Il s'agit « d'un étranger en situation irrégulière au Brésil et qui, en tant que criminel condamné dans son pays pour meurtre, n'a pas le droit de rester » au Brésil, a expliqué la juge Adverci Mendes de Abreu dans son rendu. Joint au téléphone par Le Monde, Cesare Battisti a confirmé qu'il ferait appel de « cette énième tentative de déstabilisation orchestrée contre lui ».
La juge souligne que M. Battisti doit être expulsé au Mexique ou en France, pays où il est allé après voir fui l'Italie et avant de se réfugier au Brésil en 2004. Selon elle, cette décision n'est pas contradictoire avec celle de la Cour suprême ni celle de l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva de ne pas expulser Battisti, étant donné « qu'il n'est pas nécessaire de livrer l'étranger à son pays de nationalité ».
« La juge veut revenir sur une décision de la Cour suprême et du président (Luiz Inacio Lula da Silva en 2010) pour avoir donné un visa permanent à Battisti et c'est pourquoi nous allons faire appel », a immédiatement déclaré le nouvel avocat de Battisti Igor Sant'Anna Tamasauskas.
« ENVERS DU SYSTÈME JUDICIAIRE »
Cesare Battisti, 60 ans, est réclamé par l'Italie après avoir été condamné en 1993 par contumace à la réclusion à perpétuité pour quatre meurtres et complicité de meurtres à la fin des années 1970 – les années de « plomb » du terrorisme –, crimes dont il se dit innocent.
Arrêté en Italie en 1979, alors qu'il est membre du groupuscule des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), il est condamné dans un premier temps à douze ans de prison. Evadé en 1981 de la prison de Frosinone, près de Rome, il commence une longue cavale, qui le conduira au Mexique, en France, puis au Brésil.
« J'ai été condamné sur la foi des accusations d'un seul et unique repenti, Pietro Mutti, le chef de notre groupe, arrêté en 1982, et qui a collaboré en échange d'une remise de peine, a-t-il expliqué dans un entretien accordé en 2011 au Monde, à Cananeia un petit port colonial situé au sud de Sao Paulo. C'est l'envers du système judiciaire italien. »
Lorsqu'on lui rappela que divers acteurs de l'époque, avocats ou ex-militants d'extrême gauche, ont confirmé la fiabilité de certains propos de Pietro Mutti et de la procédure menée en Italie, sa réponse était immédiate : « Qu'on relise attentivement les saloperies du procès-verbal, personne aujourd'hui ne croira le vide qui entoure ce dossier ! »
QUATRE ANS DE DÉTENTION PRÈS DE BRASILIA
Cesare Battisti qui vit actuellement à une trentaine de kilomètres de Sao Paulo, ne dispose pas d'un statut de réfugié politique, mais d'un visa de résidence permanente accordé le 22 juin 2011 par le Conseil national de l'immigration. « J'ai appris la sentence de la juge ce matin [mardi 4 mars] et dois me réunir avec mon avocat jeudi », a-t-il précisé au téléphone.
Incarcéré pendant quatre ans près de Brasilia, Battisti avait été libéré le 9 juin 2011, quelques heures après que la Cour suprême du Brésil eut rejeté la demande d'extradition de l'Italie, provoquant la colère de Rome. Les juges ont estimé que l'Italie ne pouvait contester la décision « souveraine » de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva qui, au dernier jour de son mandat le 31 décembre 2010, avait refusé de l'extrader vers l'Italie. En représailles, Rome avait rappelé son ambassadeur à Brasilia.
Après Cananeia et un bref passage à Rio de Janeiro, Cesare Battisti s'est réfugié à Sao Paulo où il poursuit son travail d'écrivain. En avril 2012, il a lancé son roman, Au pied du mur, inspiré de ses quatre années de détention à la prison de Papuda, à Brasilia. Outre un roman policier, il a déjà écrit depuis son arrivée au Brésil Minha fuga sem fim (Ma cavale) et Ser bambu (une expression brésilienne qui signifie plier mais rester solide).
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