Les Européens viennent d'annoncer une série de mesure pour venir en aide aux migrants en mer après une série de naufrages ces derniers jours et 1600 personnes portées disparues depuis le début de l'année. Les Européens avaient durci leur politique migratoire en 2014 pour freiner l'arrivée de nouveaux venus. François Gemenne, François Gemenne, chercheur au Ceri Sciences-Po, spécialiste des migrations, analyse les raisons de ce drame et démonte les idées reçues.

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Que peut-on faire pour éviter de nouveaux drames comme ceux survenus ces derniers jours?

Trois choses. Tout d'abord il faut faire face à l'urgence humanitaire. Relancer des missions de sauvetage comme l'opération Mare Nostrum, abandonnée fin 2014. Ensuite, il faut renforcer la lutte contre les passeurs, et enfin rétablir les voies légales d'accès à l'Union européenne. La politique de fermeture des frontières est en effet directement responsable de ces drames.

Comment peut-on lutter contre les passeurs?

De la même façon que l'on lutte contre le trafic de d'armes ou de drogue. Le trafic d'êtres humains est le troisième trafic illégal dans le monde. Bien sûr, c'est un travail de longue haleine.

Les opérations de sauvetage sont accusées par leurs détracteurs d'encourager la venue d'un plus grand nombre de migrants...

Cet argument n'est pas corroboré par les faits et est moralement discutable. Une politique migratoire répressive n'a aucune influence sur le nombre de migrants. Elle rend juste les trajets plus dangereux pour les candidats au départ. Il ne faut pas sous-estimer la détermination des migrants dont la motivation est économique. Leur projet de départ est souvent mûri depuis des années, préparé avec le soutien des familles. Quant aux autres, ceux qui fuient la guerre, ils n'ont bien souvent pas le choix. Ils prennent des risques parce que leur vie est en danger dans leur pays. L'augmentation récente des conflits en Afrique et au Moyen-Orient joue bien sûr un rôle d'accélérateur pour la migration. Nous faisons face aujourd'hui au plus important mouvement migratoire depuis la seconde guerre mondiale.

On a dit que les populistes en Europe tendaient à dicter l'agenda des dirigeants politiques européens...

On a en effet l'impression que l'Union européenne et les pays qui la composent sont paralysés par la peur de heurter une opinion travaillée par les idées, les slogans de l'extrême droite. Il y a un véritable travail pédagogique à faire pour démonter les clichés sur l'immigration. Si on se laisse dicter nos agissements par l'extrême droite, cela veut dire qu'elle a gagné. Aujourd'hui, le gouvernement italien est l'un des rares en Europe à avoir le courage d'une politique digne.

Y-a-t-il des exemples de politique migratoire plus souple qui fonctionne?

Oui, bien sûr. C'est le cas du Canada, de la Nouvelle Zélande, de la Suède. Même si la politique ambitieuse de Stockholm a fait monter l'extrême droite dans les sondages. La Grèce aussi vient de changer de politique, mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Certes, la géographie joue aussi un rôle dans les flux de population. Les pays de la rive nord de la Méditerranée sont les plus concernés parce qu'ils sont les plus faciles à atteindre. Il faudrait revoir la convention de Dublin dont les effets sont pervers : un migrant ne peut faire de demande d'asile que dans le pays par lequel il est entré en Europe. Cette règle fait peser un poids beaucoup trop lourd sur les pays du sud de l'Europe. Il faut absolument mettre en place une politique plus solidaire.


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