LE PARISIEN MAGAZINE. Sarkozy, manies et phobies

Stressé, agoraphobe et hypocondriaqueâ?¦ L'ex-Président est obsédé par sa santé et par l'hygiène. Le Parisien Magazine dresse le portrait d'un anxieux astreint aux bains de foule.

LE PARISIEN MAGAZINE. Sarkozy, manies et phobies

    Des mains, des milliers de mains. Qui le touchent, l'attrapent, l'agrippent, le papouillent, le griffent. Alors qu'il avale les kilomètres pour reprendre la présidence de l'UMP, Nicolas Sarkozy en serre, des mains de militants déchaînésâ?¦ Il ne l'avouera jamais, mais il n'aime pas trop ça. L'énergie des foules immenses le fait vibrer, oui. Ce sont elles qui l'ont porté pendant la campagne de 2012, avant qu'il ne se sente si seul face au mur de la défaite. « Si j'ai tenu, c'est grâce à ce soutien, à cette ferveur, à cet amour, à ces gens désintéressés », confiait-il il y a quelques mois. Mais le contact physique, ça, non. Lui qui est si tactile, il n'en raffole pas. L'ex-Président a une relation particulière au corps. On l'ignore, mais c'est un grand hypocondriaque ! Il suffit de lui demander comment il va. La réponse fuse, toujours la même : « Ã?a va. Enfin, au dernier check-up, ça allait. Mais c'est un état éminemment transitoire. »

    Il est hanté par les microbes

    La mort, la folie, le vieillissement, la maladie, à commencer par le cancer et Alzheimer, l'ont toujours hanté. Il en parle spontanément, les lèvres retroussées, l'air dégoûté. Le 21 septembre, face à Laurent Delahousse, il lançait sa phrase fétiche : « Quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare, il peut m'arriver de me rassurer. » Tout est dit. Mais c'est sa tirade « Vous me prêtez deux neurones ? » qui a frappé les esprits. Que s'est-il donc passé dans sa tête ce soir-là pour qu'il emprunte au vocabulaire de la psychiatrie ? « Comme s'il fallait trépaner les gens », lançait-il. Ou encore : « Personne n'a jamais lobotomisé mon cerveau. » A croire que ce grand fan de séries venait de regarder de sanglants épisodes de Dexterâ?¦

    La raison est ailleurs : la vie, le trépas, les névroses, le corps qui se détraque, tout ça le tracasse, le taraude. Les maladies de ses prédécesseurs Georges Pompidou, François Mitterrand et Jacques Chirac n'y sont sans doute pas étrangères. Du temps où il était chef de l'Etat et sillonnait le pays d'une à deux fois par semaine, il se livrait à des bains de foule, aussi brefs que possible, auprès de militants UMP triés sur le volet, qui criaient « Nicolas ! Nicolas ! », dans l'espoir d'une bise ou d'un frôlement de main. Une fois abrité des regards derrière les vitres teintées de sa berline, il a parfois été aperçu par des journalistes en train de se frotter frénétiquement les mains avec des lingettes désinfectantes. Le microbe, cet ennemi.

    Une sainte horreur des hôpitaux

    Le job est, il faut le dire, éprouvant. Les anecdotes sur ces contacts contraints de Sarkozy avec la foule pullulent. Un jour de février 2009, dans les allées chahutées du Salon de l'agriculture, cauchemar pour agoraphobe, un homme avait soudain attrapé son visage. Un officier de sécurité avait jailli, prêt à plaquer au sol l'importun. Qui avait juste collé un énorme bisou sur la joue du Président, éberlué, les yeux ronds comme des billes. Quelques jours plus tard, sur un vol Rome-Paris, on lui demandait s'il avait eu peur pour sa sécurité. Réplique bravache, pleine de testostérone : « J'ai failli mourir étouffé sous les baisers ! J'ai pas eu peur. Mais j'aime pas trop que les hommes m'embrassent ! » Sarkozy ne craint pas seulement les germes. Le jour de son grand meeting de la Concorde, le 15 avril 2012, avant de saluer les militants contenus par des barrières, il avait prestement rangé sa luxueuse montre Patek Philippe dans sa poche. Las, les milliers de mains avaient quand même arraché ses boutons de manchetteâ?¦

    Mais c'est l'épisode de son hospitalisation de juillet 2009, après son malaise vagal en plein footing, qui en dit le plus sur son rapport au corps. Sur un lit de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, couvert de fils et de sondes pour surveiller son cÅ?ur et sa tension, Sarkozy était de méchante humeur. « Il a engueulé tout le cabinet », racontait un conseiller de l'Elysée présent à son chevet. « J'étais déshydraté, sans doute plus fatigué que je ne l'imaginais. L'électrocardiogramme et l'IRM ont montré que je n'avais rien », confiait le célèbre patient peu après. Ajoutant aussitôt, comme tout hypocondriaque qui se respecte : « En tout cas, pour l'instant. » L'ancien Président n'aime pas les examens médicaux, se plie de mauvaise grâce aux check-up, et a une sainte horreur des hôpitaux.

    « Il n'aime pas les piqûres »

    En mai 2011, venu voir à l'hôpital son copain Patrick Balkany (le maire de Levallois-Perret), opéré des vertèbres, il avait grimacé devant les radios. Ses amis en témoignent, Sarkozy est toujours prévenant quand l'un de ses proches est frappé dans sa chair. Il avait fait rire Borloo, après sa pneumonie : « Tu te rends compte, Jean-Louis, t'as passé cinq ans avec Chirac, t'as pas eu un rhume. Cinq ans avec moi, pas une grippe. Tu passes un an avec Bayrou, on a failli t'arracher un poumon ! » Il n'aime pas non plus les seringues. L'auteur, qui lui avait demandé en 2009 s'il était vacciné contre la grippe A, s'était pris une volée de bois vert : « Une question qui fait honte à la France ! » Confession d'un proche : « Il n'aime pas les piqûres. » C'était donc ça.

    Nicolas Sarkozy, pourtant, n'a pas la peur physique de l'attentat, lui qui a reçu des menaces de mort, dont une lettre accompagnée d'une balle, durant son quinquennat. Il fait confiance à ses bodyguards et se targue d'avoir été ceinture marron de judo dans sa jeunesse. Il n'est qu'à voir les images de l'aéroport de Tel-Aviv (Israël) en juin 2008. Un coup de feu était parti alors qu'il était au pied de la passerelle de son avion avec Carla Bruni. La première dame avait prestement fait demi-tour. Pressé de se réfugier à bord par un officier de sécurité, Sarkozy avait ostensiblement repoussé sa main et était remonté tranquillement à bord. De même n'avait-il pas eu peur, mais simplement été surpris, lorsqu'un déséquilibré l'avait violemment agrippé lors d'une visite en juin 2011 dans le Lot-et-Garonne. Inutile de rappeler l'épisode de la prise d'otages de la maternelle de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) en 1993, lorsque le jeune maire avait mené les négociations pour faire sortir les enfants retenus par « Human Bomb ».

    Sujet aux grosses migraines

    Mais la maladie, c'est une autre affaire. D'autant que Sarkozy est sujet aux grosses migraines et aux petits bobos. Le 21 octobre 2007, trois jours après l'annonce de son divorce avec Cécilia, il avait été discrètement opéré d'un phlegmon avec staphylocoques dorés à la gorge. Comme s'il somatisait. Il a horreur de ça. Il déteste être « mal foutu », comme il dit. Sa santé, « Bionic » (comme il se surnomme lui-même) l'entretient avec grand soin. Il ne boit pas, ne fume pas, à part le cigare. Une énorme boîte jaune de la marque cubaine Cohiba â?? un must â?? trône dans la salle à manger de son bureau parisien du 77, rue de Miromesnil. Il observe un régime strict, évite les plats en sauce, trop gras, trop riches. Longtemps, il était capable de se gaver de chocolat : « Je suis compulsif. » C'est lui qui le dit. Désormais, les invités qu'il reçoit à sa table ont droit aux sucreries. Pas lui. « Je suis très gourmand, j'ai tendance à grossir, j'ai toujours fait attention : du sport, pas de dessert », avoue-t-il. Tous les jours ou presque, il court, souvent au parc Monceau, à deux pas de son bureau. Fait du tennis avec ses fils, de la natation, et du vélo en vacances, 50 kilomètres par jour. Sa fierté : l'ascension du col varois du Babaou, 9 kilomètres de montée à pic.

    Il met un point d'honneur à être toujours tiré à quatre épingles, ne va jamais devant une caméra sans être passé entre les mains de Marina Michenet, sa maquilleuse depuis onze ans. Ses anciens ministres â?? Brice Hortefeux peut en témoigner â?? ont eu droit à maintes remontrances dès qu'ils prenaient de l'embonpoint. D'autres se rappellent même l'avoir entendu parler de chirurgie esthétique, vantant les mérites du laser pour booster le collagène de la peau et donner un effet bonne mine !

    C'est dire si, en petit comité, Nicolas Sarkozy se lâche sur François Hollande. Tout y passe, sa prise de poids, ses lunettes embuées, ses costumes fripés, sa cravate de traversâ?¦ Convié par son successeur aux obsèques de Nelson Mandela à Soweto (Afrique du Sud), en décembre 2013, il s'était étonné de le voir garder le même costume. « Il ne pouvait pas en avoir un de rechange, non ? Le corps du Président, ça compte ! Il faut être propre, élégant, impeccable », martelait Sarkozy après coup, moquant le goût de son rival pour la bonne chère. Et que dire de l'âge d'Alain Juppé, 71 ans en 2017â?¦ « Il me fait passer pour jeune », se délecte-t-il. Le 28 janvier prochain, Sarkozy fêtera ses 60 ans. L'un des moteurs, sans aucun doute, de son retour en politique. Comme lui avait glissé Carla au lendemain de sa défaite du 6 mai 2012, pour le réconforter : « On a encore vingt ans de bon devant nous. »