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Décryptage

Bourse au mérite : l'ultime polémique

Selon un décret paru jeudi, la bourse au mérite passe de 1 800 à 900 euros, après avoir été supprimée puis rétablie…
par Marie Piquemal
publié le 29 mai 2015 à 15h08

La bourse au mérite, versée chaque année à quelque 7 000 étudiants, a une vie tumultueuse. Le décret paru jeudi au Journal officiel, qui la divise par deux, est un énième rebondissement… pour le plus grand bonheur de la droite. Retour en trois temps.

Episode 1 : le ministère annonce la suppression en plein cœur de l’été

Juillet 2014. Benoît Hamon est alors ministre de l'Education. Lors de son passage éclair rue de Grenelle (il n'y restera que quatre mois), il décide par voie de circulaire la suppression progressive de cette bourse au mérite, qui avait été créée par Lionel Jospin en 1998. Au départ, elle était versée sur décision d'un jury aux étudiants boursiers intégrant les filières publiques d'excellence. En 2008, la droite l'avait étendue aux bacheliers mention très bien qui touchent par ailleurs une bourse sur critères sociaux (quel que soit l'échelon). Environ 7 000 étudiants sont dans ce cas, et reçoivent ainsi 1 800 euros d'aide complémentaire par an, pendant trois ans.

Episode 2 : le Conseil d’Etat suspend la suppression

Le 25 juillet, au lendemain de la publication de la circulaire supprimant la bourse, une dizaine d’étudiants s’agitent sur Facebook. Ils s’organisent en collectif «Touche pas à ma bourse, je la mérite». Le sujet renvoie à un vieux clivage idéologique. La droite défend à fond cette bourse au nom de la valorisation des meilleurs élèves des classes populaires. Là où la gauche préfère l’égalité, et veut répartir cette aide entre tous les boursiers sur critères sociaux.

Antoine Vermorel, mobilisé depuis le début et étudiant à Sciences-po Paris, tempère : «J'insiste, notre association est transpartisanne, nous ne sommes rattachés à aucun parti ni camp politique. Nous ne sommes pas dogmatiques, on veut le maintien de cette bourse, car faire des études coûte tellement cher que toute aide supplémentaire est bienvenue.» La mobilisation prend (un peu) d'ampleur à la rentrée de septembre, et glisse très vite sur le terrain politique.

«Dans une enveloppe (budgétaire) contrainte, il faut faire des choix. Le choix a été fait de pouvoir aider, accompagner un maximum d'étudiants en difficulté sociale», avait alors justifié la ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, prenant la succession de Benoît Hamon. «Quand la nouvelle ministre a été nommée, on avait plein d'espoir. Elle vient d'un milieu ouvrier, on espérait qu'elle comprenne et revienne sur la décision», raconte Antoine Vermorel. Le collectif saisit alors le Conseil d'Etat. «La suppression est illégale sur la forme : la bourse avait été créée par un Premier ministre, elle ne peut pas être supprimée par un ministre. Dans la hiérarchie des normes, ça ne tient pas, tout élève en 1re année de droit sait ça», poursuit-il.

Le 17 octobre, le Conseil d'Etat suspend la mesure en attendant de trancher sur le fond. Dans l'intervalle, le gouvernement doit continuer à verser la bourse aux 7 000 étudiants concernés. Et se débrouiller pour trouver les 11 millions d'euros nécessaires, pas inscrits au budget 2015.

Episode 3 : Le ministère revient sur sa décision… puis divise par deux

Début février, la ministre Najat Vallaud-Belkacem fait paraître une circulaire : la bourse au mérite est rétablie. Fin de l'histoire… Jusqu'à ce nouveau décret, paru jeudi au Journal officiel. Le montant de la bourse sera divisé par deux. Les étudiants éligibles toucheront 900 euros (et non plus 1 800) d'aide par an, pendant trois ans. «La ministre l'avait annoncé au moment de la circulaire, c'est simplement la parution du texte», rappelle l'entourage de Najat Vallaud-Belkacem, voyant monter la polémique. Et de justifier : «C'est une aide complémentaire, d'un montant déjà signifiant. Dans le même temps, la réforme des bourses que nous avons lancée bénéficie à 160 000 étudiants supplémentaires. Le financement de cette réforme passait en partie par le redéploiement de la bourse au mérite, nous l'avons toujours dit.»

Antoine Vermorel l'a en travers. «On vient de le découvrir, nous n'étions pas au courant. La ministre ne respecte pas les règles du jeu, elle a court-circuité la justice (le Conseil d'Etat ne pourra pas se prononcer sur ce décret, le texte attaqué étant antérieur, ndlr). Elle se moque de nous.» Son collectif a lancé une nouvelle pétition jeudi soir, elle a déjà 500 signatures. La droite s'engouffre dans la brèche, avec délectation.

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