Le vote est passé presque inaperçu, un amendement au milieu d’une dizaine d’autres en plein débat du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Pourtant, à 18 voix contre 11, c’est une disposition phare du texte qui a été votée par les députés, vendredi 24 octobre : la fin de l’uniformité des allocations familiales et leur modulation en fonction des revenus des parents.
Sans surprise, la droite a dénoncé d’une seule voix la « remise en cause de l’universalité des allocations familiales » et la « casse de la politique familiale ». « Il y aura des conséquences très mauvaises pour les familles », a prévenu le député UMP Marc Le Fur (Côtes-d’Armor), craignant que cela ne soit les prémices d’une mise sous conditions de ressources d’autres types de prestations. Mais les critiques sont aussi venues des bancs de la gauche. Député écologiste de l’Hérault, Jean-Louis Roumegas a déploré un « coup de rabot déguisé en réforme de la politique familiale ». « Nous aurions pu éviter tout cela si l’on n’avait pas fait le pacte de responsabilité », a-t-il poursuivi, soutenu par Jacqueline Fraysse, député Front de gauche des Hauts-de-Seine.
« Solution de rattrapage »
Surtout, des élus de tous bords ont critiqué l’improvisation de l’exécutif, qui a trouvé ce point d’accord sur les allocations avec la majorité, juste à la veille de l’examen en séance du texte, mardi. A juste titre, Marc Le Fur a regretté l’« absence d’étude d’impact, de consultation du Conseil d’Etat et de travail en commission » sur la disposition, quand Jean-Louis Roumegas a jugé que ce n’était qu’« une solution de rattrapage face au tollé qu’avaient soulevé les propositions initiales du texte ».
Celles-ci, qui prévoyaient notamment une baisse de la prime à la naissance ou la modulation des aides à la garde d’enfant selon les revenus, avaient été mal accueillies dans la majorité. A la place, seules les allocations familiales seront donc touchées : divisées par deux pour les parents gagnant plus de 6 000 euros par mois et par quatre pour ceux gagnant plus de 8 000 euros, avec un mécanisme de lissage pour éviter des effets de seuils trop abrupts.
12 % des familles touchées
Effective à partir du 1er juillet 2015, la mesure devrait permettre d’économiser 400 millions d’euros la première année, puis 800 millions par an et touchera 12 % des familles, selon Marie-Françoise Clergeau (PS, Loire-Atlantique), rapporteuse de la branche famille et à l’origine de la mesure. De quoi apaiser au moins temporairement la majorité socialiste, tout comme l’autre mesure symbolique adoptée le matin même : la suppression des franchises médicales pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS), soit les personnes aux ressources faibles mais supérieures au plafond fixé pour l’obtention de la couverture maladie universelle.
Présenté par le gouvernement, l’amendement a rencontré un certain consensus au sein de l’hémicycle puisque adopté avec les voix de tous les députés de gauche présents, ainsi que celle du centriste Francis Vercamer (Nord) et l’abstention d’une partie de l’UMP. Pour ces mêmes bénéficiaires de l’ACS, le texte prévoit par ailleurs la généralisation du tiers payant (dispense d’avance de frais) à partir du 1er juillet 2015.
Vote solennel mardi
Enfin, les députés ont également adopté, sur proposition du gouvernement, un allégement des cotisations sociales pour les emplois à domicile, mais uniquement pour la garde d’enfants. Alors que la commission des affaires sociales avait souhaité que cet allégement de 1,50 euro par heure (contre 75 centimes actuellement) concerne tous les emplois, il sera restreint aux salariés assurant des gardes d’enfants de 6 à 14 ans, dans la limite de 40 heures par semaine.
Au total, le texte prévoit 4,6 milliards d’économies selon le gouvernement et poursuit la traduction du pacte de responsabilité, combattu par une partie du groupe socialiste. Si la modulation des allocations familiales ou la suppression des franchises médicales pour les plus pauvres devraient permettre de limiter la casse à gauche lors du vote solennel de mardi prochain, celui-ci devrait tout de même être au moins aussi tendu que pour le budget, adopté mardi avec onze voix d’avance et l’abstention de 39 socialistes. Plus que jamais, le gouvernement ne s’interdit pas l’utilisation du « 49-3 », cette arme constitutionnelle qui permet d’empêcher le rejet d’un texte par l’Assemblée, à moins de renverser le gouvernement.
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