Vendredi 3 juillet, un internaute du nom de Dan Diebold a partagé sur le forum Reddit ce qui serait les images d’une console jamais commercialisée, et qui a pourtant joué un rôle charnière dans l’histoire de l’industrie, la Play Station. Coproduite par Nintendo et Sony, elle est l’un des chaînons manquants de l’histoire du jeu vidéo : la brouille entre les deux partenaires avait conduit Sony à reconvertir le projet en PlayStation (sans espace), sa fameuse console au succès planétaire.
La demi-dizaine d’images postées par l’intéressé montre une carcasse légèrement jaunie. On distingue un logo Sony PlayStation sur la partie supérieure, tandis que la partie inférieure comporte deux ports pour des manettes, de type Super Nintendo, mais elles aussi labélisées Sony PlayStation.
Le trésor était dans le grenier
Le prototype semble correspondre au descriptif donné par le New York Times en 1991. Le quotidien évoquait à l’époque une « machine basée sur la dernière technologie Nintendo », qui ne « lit pas seulement les cartouches de jeux Nintendo mais aussi les CD », « développée en partenariat avec Nintendo » et prévue pour fin 1991 au Japon et 1992 aux Etats-Unis. Le lendemain, dans un volte-face fameux, Nintendo annonçait un partenariat concurrent avec Philips, obligeant Sony à jouer sa partition en solo.
Comment cette pièce rarissime aurait-elle atterri dans le grenier de Dan Diebold, comme il le prétend ? Par l’entremise d’Olaf Olafsson, ancien président de Sony Corporation puis de la holding bancaire Adventa, où le père de Dan Diebold s’occupait de la maintenance, raconte-t-il à Polygon. C’est à l’occasion de la faillite de cette dernière que Terry Diebold, au moment de l’inventaire final, serait tombé sur cette étrange console qu’il s’est refusé à jeter.
Une authenticité à prouver
Depuis, sur les réseaux sociaux et les forums de jeux vidéo, une seule question, obsédante : s’agit-il bien de la fameuse console disparue, ou d’un fake ? Plusieurs éléments accréditent la thèse d’une authentique découverte. Comme l’ont relevé plusieurs amateurs d’histoire du jeu, son design est très proche du brevet déposé par Sony en Europe à l’époque, ainsi que de certains visuels diffusés dans la presse internationale au début des années 1990.
Et puis, il y a les partisans du doute légitime. La communauté des joueurs ne manque pas de talentueux faussaires, et l’art du poisson d’avril est profondément ancré dans la culture : en 1995, plusieurs médias spécialisés s’étaient concertés pour annoncer une fausse console, l’Enterprise de Sharp, obligeant le constructeur japonais à un démenti. Certains éléments, comme le jaunissement étrange de la façade ou le nombre de broches des ports manettes, appellent à la prudence.
« Ce qui est sûr, c’est que la console existe »
Aujourd’hui, le marché des collectionneurs est tel que concevoir son propre faux peut être financièrement intéressant et techniquement accessible. « Il est tout à fait possible, en ayant les moyens et une imprimante 3D professionnelle ainsi que des outils de façonnage, de réaliser son prototype maison, explique Vadu Amka, une artiste belge spécialiste dans la fabrication de boîtiers de consoles. Et là, je parle d'une simple coque vide. »
« Il ne s’agit pas d’un faux, elle n’a pas été fabriquée par un Russe », assure maladroitement Dan Diebold dans une vidéo. Mais la machine exposée par Dan Diebold ne s’allume pas, faute de bloc d’alimentation, et celui-ci préfère « éviter de prendre des risques » en cherchant à l’allumer à tout prix. « Ce qui est sûr, nuance Vadu Amka, c'est que la console existe. Qu'elle soit réellement de chez Sony ou faite maison. Donc le terme fake n'est pas approprié. »
Plusieurs générations de prototypes
Et puis, il reste l’autre question. A supposer que le prototype fonctionne bel et bien et ne soit pas un simple moulage 3D réussi, s’agit-il bien d’une Nintendo Play Station, le prototype coproduit par Nintendo et Sony, comme le prétend Dan Diebold ?
Plusieurs éléments historiques clochent. Comme la graphie PlayStation en un seul mot, née de la brouille entre Nintendo et Sony et de l’impossibilité de réutiliser Play Station en deux mots. L’absence du nom de la société de Mario sur le boîtier est également étonnante pour une console conçue en partenariat.
De même, la cartouche accompagnant le prototype est datée de juin 1992, soit plusieurs mois après l’abandon en juin 1991 d’un périphérique commun aux deux entreprises. Enfin, la console correspond visuellement à un brevet déposé par Sony en Europe, certes, mais en février 1992, après la rupture de son contrat avec Nintendo.
Enfin, l’usage de manettes Super Nintendo ne prouve pas forcément grand-chose : il est fréquent que des consoles en cours de développement utilisent, faute de contrôleurs définitifs, des manettes déjà disponibles dans le commerce. Durant la conception de la Nintendo 64, c’est avec des manettes Sega Saturn que les prototypes fonctionnaient. En somme, s’il est authentifié, il pourrait s’agir d’un prototype de fin 1991 ou début 1992, et donc postérieur à la fameuse collaboration entre les deux géants japonais.
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