La souveraineté du peuple suisse n’est pas négociable

Par Philippe Barraud

«Revoter»: C’est le discours incontournable de tous ceux qui refusent la votation populaire du 9 février. Mais on peut retourner l’affaire dans tous les sens: revoter, c’est dire au peuple qu’il a eu tort, qu’il s’est trompé, et qu’il doit donc défaire ce qu’il a fait. C’est la négation même de la démocratie, et la soumssion à une forme d’Anschluss.
Malheureusement, force est de constater que beaucoup de nos ténors politiques, y compris à droite, n’ont guère de considération pour le peuple, sale gosse qui n’en fait qu’à sa tête, mais manifestent en revanche à l’égard de Bruxelles quelque chose comme l’attitude qu’avait Erich Honeker à l’égard de Moscou, autrement dit, la soumission veule de celui qui a délibérément abdiqué sa liberté et sa dignité, et se roule par terre en attendant un os à ronger – ou un coup de pied, car la lâcheté inspire le dégoût.
C’est ainsi qu’il se produit, aujourd’hui en Suisse, un glissement dans le débat: de la question pragmatique de l’immigration et des contingents, on arrive à une question de fond sur la souveraineté et l’indépendance de la Suisse. Et du coup, le débat devient beaucoup plus fondamental, plus grave, plus déchirant aussi: il faudra désormais choisir son camp. Voulez-vous vous soumettre aux intransigeants commissaires (quel mot bien choisi!) de l’Union européenne, guère connus pour leur mérites mais d’autant plus arrogants, ou défendre sans faiblir la souveraineté de la Suisse ? C’est le débat dans lequel nous engagent, sans bien s’en rendre compte, le Conseil fédéral et la classe politique, ce qui conduira nécessairement à désigner demain des patriotes et des traîtres. Autrement dit, à un débat politique âpre et détestable, en cela qu’il sera profondément diviseur. Ajoutez à cela l’excitation des élections prochaines, et nous verrons probablement une crise morale bouleverser le pays.
De toute façon, il ne suffit pas de seriner «Revoter ! Revoter !» pour trouver la solution. Sur quoi revotera-t-on ? Quelle sera la question posée aux électeurs ? «Voulez-vous supprimer de la Constitution l’article que vous y avez mis le 9 février 2014 ? » Personne n’osera aller à un tel degré de provocation; mais soyez tranquilles, on trouvera une formule, une clause en petites lettres, disant que si, par exemple, le peuple dit oui aux bilatérales, l’article voté le 9 février sera caduc. Ce sera donc, d’une manière ou d’une autre, un déni de démocratie, et un acte de soumission complet. Complet et honteux.
Notre gouvernement et nos élus, face à Bruxelles, ont toujours joué petit et perdant. Ils ne négocient pas vraiment, ils font semblant, tant ils sont persuadés que la partie adverse est si forte qu’il est inutile de lutter. Ils n’ont même pas le courage d’un Schuschnigg… L’UE, bien entendu, exploite habilement cette faiblesse affichée et assumée de la Suisse, et joue l’intransigeance: «la libre-circulation n’est pas négociable». Sauf que de telles attitudes de matamore ne sont, précisément, que des postures tactiques. Il est bien possible que face à la petite Suisse, l’Union puisse tenir une ligne dure; mais si d’autres pays entrent dans le jeu avec les mêmes exigences, le Royaume Uni par exemple, il n’est pas sûr que cette ligne soit tenable, surtout si elle précipite la sortie des Iles britanniques de l’Union. Par conséquent, l’intransigeance de façade de Bruxelles n’est peut-être pas plus solide que celle du Conseil fédéral, lorsque celui-ci affirmait que le secret bancaire n’était pas négociable. Quelle rigolade, quel ridicule, rétrospectivement…
L’exigence de respect de la démocratie est la meilleure arme entre les mains de la Suisse. Plutôt que de s’excuser d’avoir un peuple pareil face à Bruxelles, les représentants de la Suisse seraient bien inspirés de jouer à fond de cet argument, et de rappeler cette vérité fondamentale: la souveraineté du peuple suisse n’est pas négociable.
Peut-être faudrait-il l’inscrire dans la Constitution…

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