Procès d'Outreau : l'ex-juge Fabrice Burgaud sous le feu des critiques

L'ancien juge d'instruction Fabrice Burgaud a une nouvelle fois défendu vendredi à Rennes, avec difficultés, son instruction de l'affaire Outreau, à la barre du procès d'un des 13 acquittés d'Outreau, Daniel Legrand, accusé de faits de pédophilie

Procès d'Outreau : l'ex-juge Fabrice Burgaud sous le feu des critiques

    L'homme au coeur du fiasco judiciaire d'Outreau apparaît à l'écran. Au quatrième jour du procès de Daniel Legrand fils, qui comparaît devant la cour d'assises de Rennes (Ille-et-Vilaine) pour des viols commis lorsqu'il était mineur, le juge Fabrice Burgaud, en charge du dossier à l'époque, s'est expliqué une nouvelle fois devant le tribunal ce vendredi. Mais par visioconférence depuis Paris.

    Aujourd'hui âgé de 43 ans, l'ancien juge d'instruction de Saint-Omer, désormais auditeur auprès de la cour de cassation, commence par une déposition longue de 45 minutes.

    Legrand donnait «des détails précis»

    Il reconnaît avoir eu «des doutes sur la participation» de Daniel Legrand fils et même s'être demand?s'il n'était pas victime plutôt qu'auteur». Mais 15 ans après le début de l'affaire, il défend toujours son instruction même s'il a convenu, pour la première fois, de plusieurs faiblesses dans son travail.

    Il rappelle qu'avant de se rétracter, Daniel Legrand fils, alors âgé de 20 ans à peine, «a avoué les faits à trois reprises», sans «aucune pression» de sa part.

    Et d'ajouter : Daniel  Legrand «disait les enfants hurlaient, les enfants criaient.». Il donnait des «détails précis», qui ne pouvait provenir d'informations publiées par la presse. Selon l'ancien juge d'instruction, «quand des gens inventent des faits, ils ne donnent pas des détails de crédibilité» Pour lui, «il avait l'air sincère.» Autre circonstance troublante d'après Fabrice Burgaud : «Au moment de ses aveux, il s'est excusé spontanément au près des victimes pour le mal qui leur a fait.»

    La photo de Legrand jamais montrée aux enfants

    Une fois son allocution terminée, vient le temps des questions de la cour. Le travail du juge Burgaud, sévèrement critiqué par la commission d'enquête parlementaire en 2006, et pour lequel il a reçu un blâme en 2009, est une nouvelle fois passé sur le grill. C'est le président qui l'interroge en premier. Il le questionne notamment sur le fait qu'à aucun moment, les policiers n'ont montré les albums photos avec Daniel Legrand aux enfants Delay. «Un élément de réponse, c'était aussi d'éviter la multiplication d'auditions sur des enfants très jeunes...», a fini par répondre, après un silence long et embarrassé, Fabrice Burgaud.

    Philippe Dary pointe aussi le fait que, dans la plupart des cas, les albums photos qui étaient présentés aux personnes interrogées, victimes ou agresseurs présumés, ne comprenaient que des personnes impliquées dans le dossier. Elles n'étaient pas mélangées avec des personnes étrangères aux faits, comme cela se pratique d'ordinaire dans les enquêtes de police pour déceler les déclarations fantaisistes. Fabrice Burgaud en rejette la faute sur les services de police, avant d'admettre qu'il aurait été «plus souhaitable» de panacher.

    D'autre part, Philippe Dary a relevé que Daniel Legrand père et fils ne sont ni «"Dany" Legrand, ni Belges, ni patrons de sex-shop...», alors que c'est ainsi que Myriam Badaoui, la mère incestueuse condamnée, avait décrit un des hommes, qu'elle accusait d'avoir participé aux viols de ses enfants. Est-ce lui, Fabrice Burgaud, qui a donné le nom de Daniel Legrand à Myriam Badaoui? Une nouvelle fois, Burgaud assure que non.

    Burgaud peine à se défendre

    Autre négligence relevée : «Daniel Legrand fils est mis en examen sans période de faits», souligne le président, Philippe Dary. «Comment peut-on se défendre face à des accusations qui ne sont pas marquées dans le temps?» s'est interrogé le président. «Il aurait été préférable de préciser des périodes...», admet Fabrice Burgaud : «Je pense que ce n'était pas possible par rapport aux auditions qu'on faisait...»

    Sous le feu des critiques, il se défend derrière «le peu d'expérience qui était la (s)ienne». Quand il a pris en charge l'affaire Fabrice Burgaud, même pas 30 ans, n'avait que huit mois d'expérience.

    Jeudi, Cherif Delay, l'un des enfants reconnus victimes, a chargé Daniel Legrand dans une déclaration très confuse. Pour la première fois, il l'a désigné comme agresseur mais aussi comme victime de viols. S'il comparaît pour la période où il était âgé de 16 à 18 ans, Daniel Legrand a en revanche été acquitté, avec 12 autres des accusés d'Outreau, des accusations de viols postérieurs à sa majorité.

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