Nigeria : des attaques contre les bureaux de vote

Boko Haram avait juré de perturber l'élection présidentielle qui se tient ce samedi. Il a mis sa menace à exécution dans le nord du pays, tuant 7 personnes.

Source AFP

Un système de lecteurs de cartes électorales électroniques, expérimenté pour la première fois, pourrait permettre d'éviter la fraude.
Un système de lecteurs de cartes électorales électroniques, expérimenté pour la première fois, pourrait permettre d'éviter la fraude. © Stringer/AFP

Temps de lecture : 5 min

Les Nigérians se pressaient samedi vers les bureaux de vote pour élire leur président, mais le scrutin était perturbé par des attaques contre des bureaux de vote imputées aux islamistes, ainsi que par les défaillances du nouveau système de vote électronique. Du hub pétrolier de Port Harcourt, en plein sud chrétien, à Kano, la deuxième plus grande ville musulmane du continent, en passant par la mégalopole de Lagos, 68,8 millions d'électeurs - sur 173 millions d'habitants - sont appelés aux urnes, pour des élections présidentielle et législatives. Le président sortant, Goodluck Jonathan - un chrétien du Sud de 57 ans -, brigue un second mandat, face à l'ancien général Muhammadu Buhari - un musulman du Nord de 72 ans -, son principal adversaire et le candidat d'une opposition plus unie que jamais.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Boko Haram avait menacé de perturber le processus électoral. Il a mis sa menace à exécution. Au moins sept personnes ont été tuées samedi dans plusieurs attaques menées par des islamistes présumés dans le nord-est du Nigeria contre des bureaux de vote. Deux personnes ont péri dans des attaques à Birin Bolawa et Birin Fulani, dans l'État de Gombe, quand des hommes armés ont tiré sur les files d'attente des bureaux de vote de ces deux villages voisins, vers 8 h 30 (7 h 30) en criant : "On ne vous avait pas dit de rester à distance de l'élection ?" selon un responsable local de la Commission électorale indépendante (INEC) sous le couvert de l'anonymat. Des hommes armés se sont également mis à tirer sur des électeurs devant le bureau de vote de Dukku, toujours dans l'État de Gombe, vers 11 h 30 (10 h 30 GMT), faisant trois morts, selon plusieurs témoins, puis ils ont exécuté un représentant du parlement de l'État et le chef traditionnel du village voisin de Tilen. "La fusillade a interrompu l'opération d'identification des électeurs. Puis certains bureaux de vote ont rouvert, après le départ des assaillants", a rapporté Bala Akilu, un témoin. "Mais plusieurs bureaux sont restés fermés parce que les électeurs ont fui, et ils sont trop effrayés pour revenir" a-t-il ajouté.

Abubakar Shekau, le chef du groupe islamiste armé Boko Haram, avait menacé, le mois dernier, de faire échouer le processus électoral, qu'il considère comme "non conforme à l'islam", dans une vidéo postée sur Twitter. "Ces élections n'auront pas lieu, même si nous sommes tués. Même si nous ne sommes plus en vie, Allah ne vous le permettra jamais", avait-il proféré. Une vague d'attentats-suicides visant des marchés et des gares routières, ces dernières semaines, avaient laissé craindre des attaques terroristes samedi contre les électeurs.

Des difficultés techniques

D'autres difficultés, celles-ci techniques, perturbaient le scrutin. Afin d'éviter les fraudes électorales, très répandues jusqu'ici au Nigeria, la commission électorale indépendante (INEC) expérimente un nouveau système de lecteurs de cartes électorales biométriques. Malheureusement, cette belle aventure technologique tournait samedi en déconfiture, Jonathan Goodluck ayant lui-même été victime du nouveau système de vote. Le président sortant a passé plus de trente minutes à l'intérieur du bureau de vote de son village natal d'Otuoke, dans l'État de Bayelsa (Sud), accompagné de son épouse, Patience, sans parvenir à s'inscrire, deux lecteurs de cartes biométriques successifs ayant échoué à reconnaître leurs cartes d'électeur.

Vers 11 heures locales (10 heures GMT), lui et son épouse sont revenus au bureau de vote où, après une énième tentative, ils ont finalement réussi à s'enregistrer. Des incidents du même type ont été rapportés dans d'autres localités, notamment à Maraba, dans la banlieue d'Abuja, où la reconnaissance des empreintes a finalement été abandonnée au profit des méthodes traditionnelles, selon un journaliste de l'AFP sur place. Peu avant les élections, l'Inec avait assuré que l'identification électronique ne prendrait pas plus de dix secondes par électeur. Si les machines fonctionnent dans la plupart des bureaux, on pourrait assister aux élections les plus propres de l'histoire du Nigeria. Mais s'il y a trop de dysfonctionnements et de trop longues files d'attente, cela pourrait au contraire donner lieu à des violences.

L'ex-général Muhammadu Buhari, candidat du Congrès progressiste (APC) et principal adversaire de M. Jonathan, s'est, lui, enregistré sans difficulté dans le bureau de vote de son fief de Daura, dans l'État de Katsina, vêtu d'une ample tunique blanche et d'un petit chapeau typique du nord du Nigeria, majoritairement musulman.

"Partout, c'est la pagaille"

Le scrutin doit se dérouler en deux temps. À partir de 8 heures locales (7 heures GMT), les assesseurs devaient procéder à la vérification des inscriptions sur les listes. Dans un second temps, à partir de 13 h 30 (12 h 30 GMT), les électeurs devront revenir voter. Tôt le matin, de longues files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote un peu partout dans le pays. Certains électeurs ont même raconté avoir passé la nuit sur place. À Kano, la plus grande ville du nord du pays, frappée à plusieurs reprises par des attentats meurtriers commis par les islamistes de Boko Haram, la plupart des votants sont arrivés dès 6 heures, juste après la prière du matin. "Les élections, c'est vraiment quelque chose d'important au Nigeria", témoigne l'un d'entre eux, Dahiru Badamasi. "Le pays a besoin d'être secouru du chaos dans lequel on se trouve actuellement. L'insécurité, le manque de soins médicaux, d'éducation... Partout, c'est la pagaille. Voilà où on en est."

LIRE aussi notre reportage "La grande inquiétude des chrétiens de Kano"

De part et d'autre du pays, les électeurs s'apprêtaient à soutenir leur candidat. Ainsi, à Daura, le fief du leader de l'opposition Muhammadu Buhari, Moustapha Osman était totalement investi : "Nous sommes 100 % prêts à voter, et nous allons voter pour le candidat qui protégera nos vies et l'intégrité de ce pays." À l'inverse, à Utuoke, dans le village du candidat chrétien, où Goodluck Jonathan doit voter dans la journée, Laurence Banigo, un ingénieur de 42 ans, soutenait le président sortant : "Les Nigérians qui ont pu apprécier son bon boulot devraient lui donner la chance de continuer pour quatre ans."

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération