Coup d'Etat au Burkina Faso : divergences à la tête de l'armée

 

Coup d'Etat au Burkina Faso : divergences à la tête de l'armée

    Si l'armée a bel et bien pris le pouvoir au Burkina Faso après la démission de Blaise Compaoré, la situation était confuse vendredi soir. A priori, des tractations étaient en cours, menées par  le numéro 2 de la garde présidentielle, le lieutenant-colonel Isaac Yacouba Zida, selon «Libération» pour remplacer le chef d'état-major des armées, Honoré Traoré, qui s'était autoproclamé vendredi en milieu d'après-midi «chef de l'Etat». Ce dernier semble loin de faire l'unanimité dans l'opinion burkinabèe.

    Demandant le soutien de la communauté internationale, le lieutenant-colonel Zida, soutenu par des officiers a annoncé, place de la Nation à Ouagadougou que «la Constitution du 2 juin 1991

    (était, Ndlr)

    suspendue », en promettant la mise en place d'un «nouvel organe» pour gérer une transition, «la plus brève possible». Dans un communiqué, il a fait par ailleurs état de «la fermeture des frontières aériennes et terrestres» du pays.

    Juste avant, Honoré Traoré avait annoncé dans un communiqué : «Constatant la vacance du pouvoir ainsi créée, considérant l'urgence de sauvegarder la vie de la nation (...), j'assumerai à compter de ce jour mes responsabilités de chef de l'Etat», a poursuivi le général de division, au lendemain d'une journée agitée au cours de laquelle le Parlement avait été incendié.

    VIDEO. Honoré Traoré, le patron de l'armée, se proclame chef de l'Etat

    Compaoré a quitté la capitale

    Le président Blaise Compaoré, lui, avait fait annoncer sa démission vendredi à la mi-journée. «Dans le souci de préserver les acquis démocratiques, ainsi que la paix sociale (...), je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place d'une transition», avait-il écrit dans un communiqué lu par une journaliste à la télévision privée BF1. L'ancien homme fort du Faso, à sa tête pendant 27 ans, appelle à des élections «libres et indépendantes» sous 90 jours.

    Selon la diplomatie française, Blaise Compaoré «est parti vers le sud. Il est toujours dans le pays. Il va vers Pô», une ville proche de la frontière avec le Ghana. Blaise Compaoré devrait pouvoir trouver un point de chute assez facilement, n'étant pas mis au ban de la communauté internationale. L'ex-chef d'Etat n'a pas demandé à se réfugier en France et la question d'un tel exil n'est pas d'actualité.

    La démission a aussitôt été saluée par la présidence française. La France a rappelé «son attachement à la Constitution et donc à la tenue rapide d'élections démocratiques». Pour Paris, Blaise Compaoré devrait pouvoir trouver un point de chute assez facilement, n'étant pas mis au ban de la communauté internationale. L'ex-chef d'Etat n'a pas demandé à se réfugier en France et la question d'un tel exil n'est pas d'actualité, ajoute-t-on de même source.

    «Honoré Traoré démission», scandait la foule

    Si Honoré Traoré assure «procéder sans délai à des consultations avec toutes les forces vives de la Nation» en vue du «retour à une vie constitutionnelle normale», sa prise de pouvoir va à l'encontre de la volonté de dizaines de milliers de manifestants. Alors qu'elles s'étaient rassemblés vendredi matin devant l'état-major pour réclamer l'aide de l'armée contre Blaise Compaoré, les personnes présentes s'étaient formellement prononcés contre le chef des armées, qui avait annoncé la veille l'instauration du couvre-feu et la dissolution du gouvernment et du Parlement, considéré comme trop proche du chef de l'Etat sortant.

    Le slogan «Honoré Traoré démission» alternait ainsi déjà avec celui de «Blaise dégage» et surtout «Kouamé Lougué au pouvoir», du nom d'un général en retraite, ancien ministre de la Défense et chef d'état-major des armées, qui bénéficie d'un fort capital de sympathie au sein de la population. Après avoir rencontré jeudi les plus hauts gradés de l'armée, ces derniers l'auraient écarté par ces derniers, ont indiqué des sources militaires.

    «Nous ne souhaitons pas que le général Traoré soit aux affaires. Il faut quelqu'un de valable. Traoré est l'homme de main de Blaise Compaoré», avait accusé Monou Tapsoaba, un militant du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP - opposition).

    Dans l'histoire du pays burkinabè, l'armée a souvent tenté de prendre le pouvoir, et y est parvenue parfois.

    Arrivée d'un médiateur de l'ONU

    Les Burkinabès ne sont pas seuls inquiets de la suite de cette révolte dans leur pays. L'ONU a dépêché un médiateur, Mohamed Ibn Chambas, qui devrait arriver aujourd'hui à Ouagadougou pour tenter de résoudre la crise. L'Union africaine (UA) a appelé «toutes les parties concernées à faire preuve de la plus grande retenue». L'Union européenne a lancé un appel à «engager rapidement un dialogue» et à mettre fin aux violences.

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