L'attaque contre le Parlement du Canada a surpris beaucoup de monde. Le pays semblait épargné jusque-là par la violence terroriste...

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Le Canada se réveille brutalement en effet. Les images de l'attaque perpétrée mercredi montrent un Parlement très peu protégé. C'est une tradition ici. On se méfie de la sécurité à outrance. Les personnalités politiques sont peu protégées. Elles se doivent d'être proches des gens. Déjà, la fusillade de Montréal, par un individu présenté comme déséquilibré, contre Pauline Marois en 2012, le soir de son élection, avait montré cette impréparation. La leçon n'a pas été tirée; comme si les attaques terroristes ne pouvaient concerner que les autres. Mais pourquoi serions-nous épargnés par le fléau du djihadisme mondialisé?

Les auteurs de l'attaque d'Ottawa, mercredi, et de l'assassinat d'un militaire, lundi, sont présentés comme des déséquilibrés...

Oui, mais ce type d'individus trouve facilement un exutoire dans une dérive sectaire. Et la "cause" en vogue du moment est le djihadisme. Martin Rouleau-Couture et Michael Zehaf-Bibeau ont en tout cas tous les deux un profil similaire aux cas que vous avez connus en Europe. Des jeunes au parcours erratique, dotés d'un petit casier judiciaire, récemment convertis puis radicalisés.

Un profil différent des islamistes radicaux des années 2000. Ceux-là étaient passés par la Bosnie, l'Afghanistan ou l'Algérie des GIA. Ils avaient un certain charisme, une certaine aura. Plusieurs d'entre eux ont été liés au Gang de Roubaix, d'anciens combattants islamistes de la guerre de Bosnie, qui ont semé la terreur dans le Nord de la France en 1996. Certains sont, depuis revenus au Québec après avoir purgé leur peine.

Y a-t-il des différences quant au mode de radicalisation?

Ici, le moteur de la radicalisation est moins lié à des facteurs sociaux, à des problèmes d'intégration; il est plus lié à la politique étrangère, à l'engagement d'Ottawa au sein des coalitions militaires occidentales, à l'impact de nos actions, en Afghanistan ou en Irak, ou de de nos inactions, à Gaza où en Syrie par exemple. Ben Laden avait déjà menacé le Canada pour son implication en Afghanistan. Mais le pays a jusque-là échappé aux attaques terroristes qui ont touché l'Europe et les Etats-Unis.

On assiste en revanche au même phénomène de filières dématérialisées, aux mêmes dynamiques d'autoradicalisation.

Les deux auteurs des attaques faisaient partie d'une liste d'environ 90 candidats au djihad repérés par les autorités canadiennes...

Le nombre de personnes concernées est difficile à mesurer, parce que nous n'avons pas de contrôle au départ du pays. Plusieurs Canadiens en tout cas sont morts au combat en Syrie. Deux Canadiens faisaient partie du commando contre le complexe gazier d'In Amenas. Mais la police et la justice canadiennes ont jusqu'à présent eu du mal à prendre au sérieux ce péril, au point d'agacer les autorités judiciaires françaises. Les deux attaques de cette semaine vont peut-être les amener à plus de vigilance.

>> Fabrice de Pierrebourg a publié Montréalistan- Enquête sur la mouvance islamiste . Editions Stanké, 2007. et Taupes - infiltrations, mensonges et trahisons, co-écrit avec Vincent Larouche, Éditions La Presse

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