Prière de ne pas nourrir les SDF !

Un bailleur a menacé ses locataires d'expulsion s'ils permettaient l'accès de l'immeuble ou donnaient à manger aux sans-abri, provoquant un tollé.

Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), hier. Objet du courroux des locataires des immeubles HLM (ci-dessus le 41 de la rue Dahlenne) de la ville, cette affiche a finalement été retirée.
Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), hier. Objet du courroux des locataires des immeubles HLM (ci-dessus le 41 de la rue Dahlenne) de la ville, cette affiche a finalement été retirée. (DR.) (LP/Nathalie Perrier).

    Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)



    Une petite affiche

    apposée dans les halls d'immeubles HLM de Saint-Ouen Habitat Public suscite une grosse colère. Dans ce document intitulé « Appel à votre vigilance », le bailleur informait les locataires qu'ils s'exposaient à une procédure d'expulsion pour non-respect du règlement intérieur, s'ils ouvraient « les portes d'entrée sécurisées par digicode des halls d'immeubles pour permettre l'accès aux locaux communs à des sans-abri », s'ils leur fournissaient « tout élément de logistique » ou s'ils les nourrissaient, « les incitant par là même à demeurer sur les lieux squattés ».

    Des propos jugés inadmissibles par les habitants de cette résidence située dans un quartier populaire miné par le trafic de drogue. Pour manifester son indignation, un locataire furieux n'a ainsi pas hésité à écrire mercredi soir au stylo sur l'une de ces affiches : « Bande de monstres », « C inhumain ». Devant le tollé provoqué par l'affaire, le bailleur a finalement décidé hier de retirer les fameuses affichettes.

    « Il y a, c'est vrai, l'hiver, quand il fait froid, deux ou trois sans-abri qui viennent se réchauffer dans les halls. Mais ce n'est pas aux locataires de gérer ce problème social ! s'insurge Laurence, une habitante. Nous sommes outrés par cette façon de procéder. » « Interdire aux locataires de donner à manger aux sans-abri sous peine d'être expulsés, c'est scandaleux ! » dénonce également Jacques, un retraité qui vit au 41, rue Dahlenne depuis quarante ans.

    L'affaire devient politique

    La polémique ne cesse aussi d'enfler sur les réseaux sociaux. Karim Bouamrane, le leader du PS local, a été le premier à lâcher un tweet ravageur : « A Noël, William Delannoy

    (NDLR : le maire UDI, membre du conseil d'administration de cet office HLM municipal)

    réussit à faire rimer solidarité et délation. » L'association Actifs et solidaires, proche de l'ancienne maire (Front de gauche) Jacqueline Rouillon, a aussitôt embrayé : « La mairie de droite ouvre la chasse aux pauvres ! »

    William Delannoy est finalement sorti de son silence, hier soir, pour « condamner le caractère odieux de ces propos. Saint-Ouen est une ville où le mot solidarité a un sens ». Dès le milieu de la journée, hier, le directeur général de l'office municipal, Arnaud Bonnier, a décidé de présenter ses plus sincères excuses aux locataires « qui ont pu être heurtés à juste titre par la communication pour le moins maladroite affichée cette semaine ». Les affichettes, apposées mercredi, ont été remplacées par un mot d'excuses d'Arnaud Bonnier. « Cette communication a échappé à mon contrôle et ne reflète absolument pas la position des instances dirigeantes de Saint-Ouen Habitat Public », y précise-t-il. Et d'ajouter : « Il ne s'agissait nullement de stigmatiser les plus démunis, mais bien de lutter en priorité contre les trafiquants de drogue qui profitent de la bienveillance de certains locataires pour faire prospérer leurs affaires. »