Jura Quarante ans après, la férocité des Malassis a gardé toutes ses dents

Musée de Dole. La coopérative des Malassis a regroupé six peintres entre 1970 et 1978. Des tableaux qui décoiffent, à découvrir jusqu’au 8 février au musée des Beaux-Arts.
Serge Dumont - 25 oct. 2014 à 05:00 | mis à jour le 25 oct. 2014 à 08:12 - Temps de lecture :
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Serge Dumont
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La coopérative des Malassis a fonctionné de 1970 à 1978, réunissant six peintres : Henri Cueco (né en 1929), Lucien Fleury (1928-2004), Jean-Claude Latil (1932-2007), Michel Parré (1938-1998), Gérard Tisserand (1934-2010) et Christian Zimert (né en 1934). Ce dernier, qui sera démissionnaire au bout d’un an, est le seul survivant de l’aventure avec Henri Cueco. À noter que Tisserand est natif de Besançon, et qu’il a fréquenté l’école des Beaux-Arts de Dijon, avant de rejoindre la capitale en 1955. Si l’expérience n’a duré que quelques années, elle s’inscrit historiquement dans une période bien marquée, que l’on a coutume d’appeler « l’entre deux Mai ». Soit entre mai 1968 et mai 1981, date de l’arrivée de la gauche au pouvoir. « Le statut de la coopérative […] se réfère davantage au monde ouvrier qu’à celui des communautés d’artistes » relevait au sujet des Malassis Itzhac Goldberg dans le catalogue de l’exposition « Face à l’histoire » (1996).

Ils voulaient témoigner de la société dans laquelle ils vivaient

« Notre regroupement était essentiellement défensif. Nous nous sommes associés après 68 […] pour mieux résister à la menace permanente d’une rééducation » expliquait en 1977 Henri Cueco dans la revue L’Arc. « Niant l’individualisme attaché à la figure romantique de l’artiste solitaire, les Malassis ont produit un art collectif […] qu’ils exposent dans des lieux non dédiés à l’art et à la culture […] pour se tenir à distance des institutions » écrit, dans le catalogue, Amélie Lavin, directrice du musée de Dole. Les Malassis voulaient témoigner de la société dans laquelle ils vivaient. Tous s’inscrivent dans la lignée des nouveaux figuratifs qui se sont opposés à la prédominance de la peinture abstraite des années 50, avec « l’école de Paris ». Une peinture qu’ils jugeaient « froide » et « qui ne disait rien sur le monde ». Les Malassis vont s’employer à produire une peinture politique, dirigée contre la « nouvelle société » pompidolienne. Leur fresque intitulée « Le Grand Méchoui », présentée en 1972, symbolise leur démarche. à contre-courant de la peinture de chevalet

Elle demeure le point névralgique de l’exposition. « Leurs œuvres sont très souvent monumentales. L’idée est d’aller à contre-courant de la « peinture de chevalet », ces petits tableaux bourgeois que l’on met dans son intérieur » commente Amélie Lavin. Les toiles des Malassis prennent toute la place et bousculent tout, à l’instar de la couverture en papier de verre des Mémoires de Debord. Longue de 65 mètres, la fresque du Grand méchoui, qui avait été exposée en 2006 au « petit manège » de la place Precipiano, fait le procès du gaullisme et dénonce le pouvoir de l’argent, les scandales immobiliers, les violences policières, les guerres coloniales… Sur l’un des tableaux apparaît le visage de Duhamel, alors ministre de la culture (et accessoirement maire de Dole). Sur un autre, on reconnaît Robert Poujade, gaulliste et alors maire de Dijon. « Michel Parré avait été blessé à la manif de Charonne » rappelait un proche du peintre lors du vernissage. « Il boitait depuis. Cela pour dire que ce n’était pas seulement un engagement en tant qu’artiste ». Tisserand, envoyé en Algérie à 20 ans, évoquera une « parenthèse sinistre ». L’exposition montre toute la férocité des œuvres dénonciatrices des Malassis. Leur relecture du Radeau de la Méduse de Géricault (à l’occasion d’une peinture murale commandée par la ville de Grenoble, période Dubedout) ou « L’Appartemensonge », à découvrir au sous-sol du musée, gardent toute leur radicalité quarante ans après.

Duhamel est dans « le Grand Méchoui »La fresque, longue de près de 70 mètres et formée de plusieurs panneaux, dénonce la société gaulliste et pompidolienne.

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