Les huissiers de justice s’érigent contre la remise à plat de leurs tarifs
Huissiers, commissaires-priseurs et mandataires judiciaires pourraient fusionner.Bercy cherche à faire baisser les tarifs.
Par Marie Bellan
Nicolas Sarkozy avait rêvé sous le précédent quinquennat d’une « grande profession du droit ». Avant de se raviser devant la complexité du dossier. Plus modestement, Emmanuel Macron souhaite, lui, constituer une « grande profession de l’exécution » judiciaire. Huissiers, commissaires-priseurs et mandataires judiciaires ne formeraient à terme plus qu’une seule profession, avec une formation commune et des activités, y compris monopolistiques, qui seraient ouvertes à ces trois métiers. Pour le ministre de l’Economie, il est plus que jamais impératif de déverrouiller ces professions juridiques réglementées, dont l’organisation, pour certaines d’entre elles, remonte au XIXe siècle. Sur ce point, il a le soutien d’une partie des intéressés, puisque les huissiers ont eux-mêmes poussé cette idée, voyant dans cette grande profession de l’exécution le moyen de diversifier leurs activités. Les commissaires-priseurs (ils sont 400 dans l'Hexagone) et les mandataires judiciaires (un peu plus de 300) sont beaucoup moins enthousiastes, craignant de se faire purement et simplement avaler par les 3.200 huissiers de justice.
Cette résistance n’est toutefois pas la plus préoccupante pour le gouvernement. C’est sur la révision des tarifs que les discussions sont les plus vives. La Chambre nationale des huissiers de justice a fait réaliser à cet effet une étude par le cabinet Ernst & Young sur le coût des différents actes. Les conclusions sont bien différentes de celles de l’Inspection générale des finances. Notamment sur la rentabilité des études qui serait de 25 % en moyenne selon Ernst & Young, là où l’Igf (qui a travaillé à partir des données de la DGFiP) avance des chiffres qui vont de 33 % à 47 % selon la structure capitalistique et la taille des études. Ces écarts peuvent s’expliquer par la taille de l’échantillon étudié par Ernst & Young : 11 offices ont été visités et 69 sondés par questionnaire, sur un total de 1.840 études en France. Toujours selon l’étude d’Ernst & Young, 53 % du chiffre d’affaires des huissiers sont constitués par des actes monopolistiques, « où la marge réalisée est très faible, voire nulle ». Cela est vrai pour la signification des actes pénaux, qui se fait à perte pour les huissiers, mais d’autres activités monopolistiques viennent compenser cette perte. Selon l'Igf, un acte de signification portant sur un recouvrement de 1.000 euros est facturé 80 euros, dont 60 euros de rémunération pour l’huissier. De même, une assignation en justice pour un litige supérieur à 1.280 euros revient à 62 euros, dont 44,50 euros de rémunération pour l’huissier.
Le fait d’avoir des tarifs qui sont parfois très rentables, parfois déficitaires par rapport au coût de revient plaide pour une remise à plat complète selon Bercy, qui veut faire acte de transparence. C’est d’ailleurs la tâche qui a été confiée à l’Autorité de la concurrence, dont l’avis est attendu pour le mois de décembre.