L'agresseur était connu pour des antécédents psychiatriques. Photo d'illustration.

Une centaine de détenus sont fichés par le renseignement pénitentiaire pour leurs liens avec la mouvance islamiste.

L'Express

Derrière les barreaux prospère l'islam radical. Le constat n'a rien d'inédit -le problème a déjà été soulevé lors des cas Nemmouche et Merah- mais il y aurait, à en croire Guillaume Larrivé, des raisons nouvelles de s'inquiéter. Dans un rapport parlementaire, dont Le Figaro a publié des extraits ce jeudi, le député UMP note que "les signes extérieurs de radicalisation ont presque totalement disparu" en milieu carcéral. Selon lui, le prosélytisme est désormais "plus discret et difficile à répérer." Un phénomène d'autant plus inquiétant que l'ensemble des prisons compteraient 60% de détenus de culture ou de religion musulmane.

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Comme le rappelle Metronews, ces chiffres sont évidemment approximatifs. D'abord, parce que les statistiques ethniques et religieuses sont interdites en France. Ensuite, parce que l'élu se fonde sur les chiffres du rapport "L'islam en prison" de Farhad Khosrokhavar, eux-mêmes émis selon des indices (ramadan ou non, repas halal ou non...) et non un recensement. En outre, "ce chiffre de 60% fait référence à certaines prisons, celles jouxtant les grandes villes, pas toutes. Il ne faut pas faire peur aux gens", nuance le sociologue, joint par L'Express. "Quant au passage à une radicalisation introvertie, il s'est opéré de façon progressive, depuis les années 2004-2005 déjà. Il n'y a rien de neuf."

Un service de renseignement en sous-effectif

Ce ne serait donc pas la poussée récente du nombre de candidats français au djihad en Syrie et en Irak qui a provoqué le changement de paradigme. Ni la politique, jugée trop laxiste par l'UMP, de la ministre de la Justice Christiane Taubira, comme le laisse entendre Guillaume Larrivé. "Les détenus ont compris d'eux-mêmes que c'était dangereux pour eux, qu'il fallait mieux dissimuler que surexhiber pour ne pas être séparés ou isolés par l'administration", fait valoir Farhad Khosrokhavar. L'un des 169 aumôniers du culte du musulman, Yaniss Warrach, se souvient par exemple d'un prisonnier à Nanterre qui se comportait comme un "émir." "Il avait rempli sa cellule de tapis et de rideaux et recevait d'autres détenus en audience. Résultat: il a été écarté et est devenu plus discret."

La capacité des prisonniers à verser dans le fondamentalisme sans se faire remarquer constitue néanmoins bel et bien un problème pour l'administration pénitentiaire. Elle a pourtant son propre service de renseignements, indépendant de la DCRI mais avec qui elle reste en contact permanent. Il répond au nom très mystérieux de EMS-3 (état major de sécurité-3). Selon Le Parisien, le service a été créé en 2004, au lendemain des attentats de Madrid, où 191 personnes ont péri dans l'explosion de bombes. Le journal rapporte qu'il ne compte que 75 fonctionnaires pour 191 prisons à surveiller. Le député PS Jean-Jacques Urvoas, spécialiste des questions de sécurité, est beaucoup plus mesuré et parle sur son blog "d'une douzaine de personnes." Ces derniers sont en lien direct avec les surveillants, chargés de signaler tous comportements suspects.

Une tâche d'autant plus ardue que la surpopulation carcérale, estimée à 119,6% en juin 2013, ne cesse de bondir. "Il y a quelques années, cette surveillance était relativement facile. Les islamistes portaient la barbe, la djellaba et n'hésitaient pas à lancer des appels collectifs à la prière", expliquait en 2012 un agent de l'EMS-3 au Parisien. Aujourd'hui, les signes à surveiller sont plus insidieux: discours trop virulents, refus de serrer la main ou de croiser le regard par exemple. "Les détenus qui refusent d'être dans la même pièce qu'une femme peut être aussi un indice probant. La pudeur est un bon élément", note l'aumônier Yaniss Warrach. Sont également scrutés les éventuels jeux d'influence entre prisonniers au parloir ou lors des promenades.

Des moyens d'écoute et d'interception limités

810 détenus sont régulièrement suivis les renseignements pénitentiaires, selon le député Jean-Jacques Urvoas. 250 pour des liens avec le terrorisme et un peu moins de 100 pour des liens avec la mouvance islamiste. Les agents ont bien des moyens juridiques et techniques de surveillance en sus, comme la fouille des cellules pour confisquer la littérature salafiste ou l'écoute des conversations téléphoniques, si elles ne sont pas tenues avec un avocat et si elles sont contrôlées par le parquet. Mais comme le rappelle l'élu socialiste, ils sont limités; les fouilles sont "très encadrées" et l'interception des correspondances implique "des moyens humains", ce que n'a pas le ministère de la Justice.

Dans son rapport pourtant, le député Guillaume Larrivé souhaite aller plus loin. Outre l'instauration d'unités de "déradicalisation", sans que l'on sache à quoi cela réfère exactement, il propose notamment d'installer des micros dans toutes les salles propices au prosélytisme: bibliothèques, salles de sport, ateliers de travail... Une mise en oeuvre qui passerait par les directeurs de prisons, qui, du coup, acquièreraient le statut "d'officiers de police judiciaire." Une mesure qui suscite déjà la polémique: des magistrats, cités par Le Figaro, y voient "une provocation." Et pas sûr qu'une telle proposition passe le tamis du Conseil constitutionnel.

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