JUSTICELe démarrage difficile de la contrainte pénale

Le démarrage difficile de la contrainte pénale

JUSTICELa réforme pénale initiée par Christiane Taubira entre partiellement en vigueur ce mercredi, non sans inquiétudes et contretemps…
La ministre de la Justice Christiane Taubira sort du palais de l'Elysée à Paris, le 25 septembre 2014
La ministre de la Justice Christiane Taubira sort du palais de l'Elysée à Paris, le 25 septembre 2014 - Lionel Bonaventure AFP
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

C’est la mesure phare de la réforme. La contrainte pénale, c’est la nouvelle peine de probation, une condamnation sans prison mise en place pour les délits passibles d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Elle instaure un suivi renforcé du condamné, assorti d'obligations et d'interdictions à respecter et s’accompagne d'injonctions thérapeutiques, de stages de citoyenneté ou encore de travaux d'intérêt général. Plutôt bien accueillie sur le fond, la contrainte pénale inquiète les personnels policiers et judiciaires chargés de l’appliquer, qui redoutent une entrée en vigueur à la va-vite et une surcharge de travail.

Une application sur fond de précipitation

Il y a moins d’un an, le 9 octobre 2013, la garde des Sceaux Christiane Taubira présentait son projet de réforme en conseil des ministres. Adoptée le 17 juillet, la loi était promulguée un mois plus tard, pour une entrée en vigueur ce 1er octobre. Des délais serrés qui ont pris de court les personnels concernés. Ainsi, les notes de cadrage, qui expliquent les modalités d’application de la réforme, n'ont été envoyées que vendredi dernier, le 26 septembre. Quant aux quatre cents premiers conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), les personnels chargés d’assurer le suivi des condamnés concernés, ils n'ont commencé leur formation que le 1er septembre et seront «opérationnels dans deux ans seulement», souligne Jean-François Forget, le secrétaire général de l'UFAP-Unsa, premier syndicat pénitentiaire.

Du côté des acteurs du monde judiciaire, l’inquiétude domine. Céline Parisot, secrétaire nationale de l'USM, premier syndicat de la magistrature, conteste la réforme qu’elle juge «précipitée». «Il est inadapté de la mettre en œuvre actuellement», a estimé la magistrate au micro d’Europe1 ce mercredi. «Les services ne vont pas suivre. Donc au fur et à mesure, la qualité du travail va y perdre, notamment dans le suivi de certains condamnés», a-t-elle poursuivi.

Le manque d’effectif pointé du doigt

Malgré les embauches annoncées, le gouvernement a promis la création d'un millier de postes dans les services de probation jusqu'en 2016, magistrats et policiers dénoncent une surcharge de travail et un manque d'effectif sur le terrain. S’il n’est pas opposé sur le fond aux nouvelles mesures, Jean-François Forget évoque pourtant une «usine à gaz», estimant que le projet crée «une surcharge de travail et s'assoit sur les difficultés actuelles» des services de probation, dont les conseillers gèrent en moyenne une centaine de dossiers chacun. «La réalité c’est qu’au 1er octobre on nous demande de mettre en œuvre cette réforme à moyens constants», déplore Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM).

La chancellerie estime qu'entre 8.000 et 20.000 contraintes pénales pourraient être prononcées, sur 600.000 condamnations annuelles pour des délits.

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