Des Kurdes observent les combats entre jihadistes de l'EI et des combattants kurdes, le 28 septembre 2014 à la frontière avec la Syrie

Des Kurdes observent les combats entre jihadistes de l'EI et des combattants kurdes, le 28 septembre 2014 à la frontière avec la Syrie

afp.com

Chaque jour, des dizaines de Kurdes, turcs ou réfugiés de Syrie, prennent place sur les hauteurs du village turc de Mursitpinar, juste derrière les rouleaux de barbelés qui séparent les deux pays, pour suivre les affrontements qui opposent "leurs" troupes aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

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"Nous venons ici depuis que Daesh (l'acronyme arabe de l'EI) s'est approché de Kobané (le nom kurde d'Aïn al-Arab)", explique Bakir Oz.

"J'ai encore des enfants qui sont là-bas, mais ce n'est pas seulement parce que nous avons de la famille de l'autre côté que nous attendons ici", ajoute ce Kurde de Turquie, "c'est aussi parce que nous sommes un seul et unique peuple".

Même avec des jumelles, les supporteurs de la cause kurde ont bien du mal à suivre les opérations qui se déroulent à leurs pieds. A la nuit tombée, la lumière des balles traçantes vient parfois illuminer les champs qui entourent la ville. Et de temps en temps, le claquement des rafales ou d'un obus brise le silence.

Le regard tendu vers le sud, Anter Oz ne cache pas son inquiétude. "L'EI dispose d'armes lourdes. L'équilibre des forces ne peut être rétabli que si on fournit aux combattants kurdes le même type d'armement", professe-t-il, "la résistance continue mais si Kobané tombait, ce serait une catastrophe et le début d'un génocide des Kurdes".

Tout autour de l'assistance, l'armée turque a renforcé son dispositif de sécurité.

Depuis lundi, des dizaines de chars, de véhicules blindés et de pièces d'artillerie sont sortis de leurs casernes et pointent leurs canons vers Aïn al-Arab, après la chute de plusieurs obus de mortier d'origine inconnue sur le territoire turc.

- Réticences turques -

Une mobilisation de pure forme et insuffisante, tranchent les Kurdes, qui n'en finissent pas de dénoncer les ambiguïtés de la politique d'Ankara vis-à-vis des ultraradicaux de l'EI. A commencer par son refus d'autoriser les Kurdes turcs à passer en Syrie pour rejoindre la "résistance" aux jihadistes.

"La Turquie ne nous autorise pas à traverser la frontière", déplore Bozan Guclu.

"Lundi encore, les forces de sécurité nous ont chassés de la frontière et nous ont repoussés jusqu'à la ville de Suruç", grogne-t-il. "Mon frère combat à Kobané, je veux le rejoindre (...) nous ne laisserons jamais passer Daesh".

Même s'il l'a toujours nié, le gouvernement islamo-conservateur turc est accusé d'avoir longtemps soutenu, et même armé, les groupes rebelles syriens les plus radicaux, dont l'EI, avec l'espoir d'accélérer la chute du régime du président Bachar al-Assad.

Ankara s'est jusque-là refusé à rejoindre la coalition militaire réunie par les Etats-Unis pour combattre les jihadistes mais a amorcé un revirement après la libération, le 20 septembre, de 46 de ses ressortissants retenus en otage par le groupe jihadiste.

Le Parlement turc doit étudier jeudi, avant de très probablement l'adopter, une résolution qui autorise l'armée turque à intervenir en Syrie et en Irak.

Malgré cela, de nombreux Kurdes pointent du doigt les réticences de la Turquie à s'aligner aux côtés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

En première ligne du combat contre les jihadistes, le PKK mène la rébellion contre Ankara depuis 1984. Le mouvement a toutefois décrété un cessez-le-feu il y a un an et demi et mène depuis des pourparlers de paix avec le pouvoir turc.

"La Turquie ne veut pas du drapeau jaune, vert, rouge (celui de la branche syrienne du PKK) à sa frontière", tranche Mustafa Tekce. Mais il est persuadé que la cause kurde finira par triompher. "Kobané est désormais au coeur de notre combat pour l'existence".

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