Les Etats-Unis et leurs alliés ne sont plus en train de perdre
la guerre contre l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie : au Moyen-Orient, c’est déjà un réel progrès.

En Syrie, la ville kurde de Kobané, jugée quasiment perdue il
y a deux semaines, est parvenue à contenir les attaques des djihadistes grâce aux dizaines de
frappes aériennes étrangères et aux armes et munitions
américaines larguées en urgence le week-end dernier. Tandis qu’en Irak l’armée n’abandonne plus ses positions autour de
Bagdad et a même lancé des offensives de petite envergure à la
périphérie de la capitale. Si elle n’a pas regagné beaucoup de terrain, au
moins, elle n’en cède plus à l’EI.La stratégie porte ses fruits

Sur le front politique, le nouveau gouvernement irakien a
enfin réussi à faire entériner la nomination du ministre de la Défense (un
sunnite) et du ministre de l’Intérieur (un chiite) après un mois d’impasse – une étape qui devrait permettre à Bagdad de commencer à reconstruire ses forces
armées et de monter une offensive terrestre à plus grande échelle.

Ces événements ont suffi pour que des responsables du
gouvernement Obama, oubliant toute prudence, se targuent d’une petite victoire. “Cette stratégie est en train de porter ses fruits”, a déclaré la
semaine dernière le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest. L’annonce est d’autant plus compréhensible en cette période électorale [les législatives de mi-mandat auront lieu le 4 novembre] que le
président n’a guère de bonnes nouvelles à mettre en avant. Mais est-elle
fondée ?Statu quo

Pour avoir un point de vue impartial, je me suis adressé à
Douglas A. Ollivant, ancien officier de l’armée de terre
et ancien haut fonctionnaire de la Maison-Blanche. “On est
au point mort”, m’a-t-il dit. Un statu quo obtenu par un usage relativement limité de la puissance militaire américaine :
541 frappes aériennes du 8 août ou 19 octobre, soit une moyenne de 7 frappes
par jour.

Certains faucons se plaignent que les Etats-Unis ne
fassent pas suffisamment appel à l’armée de l’air. “Je viens de l’armée de terre et je ne suis pas un partisan de la force aérienne, mais je ne
pense pas qu’on utilise les frappes aériennes à plein”, estime M. Ollivant. Les autorités militaires américaines ont fait savoir qu’elles pourraient réaliser davantage de frappes
aériennes – et des frappes plus efficaces – si elles disposaient de contrôleurs
aériens avancés – ou spotters – sur le terrain, aux côtés des soldats
irakiens.

Le président Obama continue de s’opposer à l’envoi de forces
terrestres pour participer aux combats, redoutant un glissement vers une guerre de plus grande ampleur. Le problème est que les frappes aériennes ne
permettent pas à elles seules de s’emparer d’un territoire ; pour cela, il
faudrait des troupes au sol. Obama et ses collaborateurs veulent que cette tâche soit accomplie par des forces locales – l’armée
irakienne et, éventuellement, les rebelles syriens modérés. Sauf que l’armée
irakienne n’est pas prête et que, concrètement, il n’existe pratiquement pas de
Syriens modérés.Comment y mettre un terme ?

Voilà pourquoi l’objectif fixé par Obama, “affaiblir et, à terme,
détruire” l’EI, en est encore à sa première phase : l’affaiblissement. En privé, certains
responsables jugent la “destruction” impossible. Il y a quelques semaines, John R. Allen, chargé de coordonner la stratégie contre
l’EI, a produit une note demandant à ses subalternes d’utiliser plutôt le terme
“défaire”, un objectif légèrement moins ambitieux.

Cela vaut surtout pour l’Irak. Les perspectives sont
beaucoup plus sombres en Syrie, où les rebelles soutenus par les Etats-Unis
restent faibles et désorganisés. La semaine dernière, leurs responsables
politiques ont tenté en vain – et ce n’était pas la première fois – de se réunir autour d’un seul leader.

“A long terme”, m’a confié un responsable, “nous serons
toujours confrontés à la même question : et maintenant, comment terminer ?” C’est
une vieille question. En 2003, c’est déjà ce que demandait le général à la retraite
David H. Petraeus, alors qu’il commandait la 101e division aéroportée
en Irak.