L’Etat islamique (EI) a officiellement revendiqué vendredi 22 mai son premier attentat-suicide contre l’Arabie saoudite. L’attaque a été perpétrée à l’intérieur d’une mosquée chiite de la province de Qatif, dans l’est du pays, durant la grande prière de la fin de semaine. Le ministère de la santé a indiqué, vendredi soir, que l’attentat avait fait 21 morts et 81 blessés.
L’explosion est l’œuvre d’un kamikaze saoudien, parvenu à se mêler aux fidèles, d’autant plus nombreux ce jour-là que l’on célébrait la naissance de l’imam Hussein, l’une des figures les plus révérées du culte chiite. La déflagration a dévasté la grande mosquée d’Al-Qudeeh, une localité au nord de Qatif, la capitale des chiites saoudiens. Cette minorité, qui constitue environ 10 % de la population du royaume, souffre de discriminations, à l’origine d’un mouvement de protestation en 2011, violemment réprimé par la police.
En plus de s’attribuer la paternité de l’opération, l’EI a déclaré la création d’une nouvelle province, dans le Najd, la région de Riyad, qui est le berceau du wahhabisme, la version ultra rigoriste de l’islam, en vigueur en Arabie saoudite.
En tant que gardien autoproclamé de l’orthodoxie sunnite, le royaume est le concurrent numéro un d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’EI, sur le terrain religieux. Celui qui se prétend « calife » et « prince des croyants » ne cesse d’appeler au soulèvement contre les dirigeants saoudiens qu’il qualifie d’usurpateurs, à la solde des « Croisés » et des « Juifs ». Conscient du danger qui croît à sa frontière nord, Riyad a intégré la coalition internationale conduite par les Etats-Unis et participe à des raids aériens contre les positions des djihadistes. Le risque de contamination est d’autant plus élevé que des milliers de ressortissants saoudiens ont rejoint les rangs de l’EI ces dernières années.
Rhétorique sectaire
En novembre déjà, une autre fête du calendrier chiite avait été ensanglantée. Des hommes masqués avaient ouvert le feu sur une procession de l’Achoura, la commémoration du martyre de l’imam Hussein, dans un village de l’est, tuant huit personnes. La fusillade n’avait pas été revendiquée, mais les autorités l’avaient attribuée à l’EI.
Au mois d’avril, deux policiers en patrouille dans les rues de Riyad ont été abattus par balle et un troisième a été assassiné dans des circonstances similaires début mai. Cet enchaînement d’attaques ranime la crainte d’un retour aux années de plomb, la période 2003-2007, durant laquelle Al-Qaida avait multiplié les attentats dans le pays.
La montée des périls est alimentée par la rhétorique sectaire qui prospère dans les médias et sur les réseaux sociaux, depuis l’entrée en guerre de l’Arabie saoudite contre les milices houthistes du Yémen, pro-iraniennes. « L’attentat-suicide ne m’a pas surprise, affirme Nassima Al-Sadah, une militante des droits de l’homme de Qatif. Twitter est truffé d’insultes à l’encontre des chiites. Un quotidien a récemment publié une caricature nous présentant comme une cinquième colonne, aux ordres de Téhéran. Et le gouvernement laisse faire. »
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