Brighelli - Échec scolaire : la vengeance des fils d'immigrés

Les enfants d'immigrés réussissent moins bien que les autres, surtout les garçons. Un échec à la source de la violence et de l'islamisme, s'alarme Brighelli.

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"L'échec scolaire masculin massif des garçons issus de l'immigration maghrébine ou africaine en amène certains à se laisser séduire par des idéologies rabaissant le rôle de la femme." Photo d'illustration. © Gérard Julien / AFP

Temps de lecture : 6 min

La note du Cnesco a le mérite de la clarté : elle affirme, chiffres en main, "que les résultats scolaires des élèves issus de l'immigration se sont dégradés durant la dernière décennie et que l'écart de performance entre les jeunes autochtones et les immigrés de la seconde génération est supérieur, en France, à celui observé dans les autres pays de l'OCDE" - à ceci près que les élèves issus de l'immigration asiatique ont les mêmes résultats que les "Français de souche". Les Maghrébins-Africains seraient-ils plus bêtes ? Voilà qui ne va pas arranger, à Alger, les relations déjà tendues entre autochtones et travailleurs chinois.

Trêve de plaisanterie : le problème n'est pas ethnique. L'étude du Cnesco note par ailleurs que "les filles issues de l'immigration réussissent mieux que leurs alter ego garçons" : cela ne tient donc ni aux origines ni au milieu familial - en tout cas, pas de façon uniforme.

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Sauvons les garçons !

L'étude du Cnesco confirme de façon éclatante les travaux de Jean-Louis Auduc, que les lecteurs attentifs de ces chroniques connaissent pour son inlassable travail en faveur de la laïcité. Il est par ailleurs un lanceur d'alerte - malheureusement trop peu écouté - sur la relégation des garçons dans le système éducatif : je lui ai déjà donné l'occasion d'en parler.

"Sauvons les garçons !" de Jean-Louis Auduc (Descartes et Cie, 2009)
"Sauvons les garçons !" de Jean-Louis Auduc (Descartes et Cie, 2009)
Il y a six ans, il faisait paraître Sauvons les garçons (Descartes & Cie, 2009), dans lequel il assénait quelques chiffres éloquents : sur les 150 000 jeunes sortant sans aucune qualification du système éducatif, plus de 100 000 sont des garçons. Une excellente émission de Louise Tourret, l'année dernière, à laquelle Auduc participait, enfonçait le clou : "Dès l'école primaire, note la journaliste, les garçons manifestent un retard dans l'acquisition de la lecture et de l'écriture et engorgent les structures pour élèves en difficulté ou coupables de comportements violents. La fracture sexuée est souvent plus signifiante que la fracture sociale dans l'analyse des parcours scolaires. Les études traditionnelles, développées en termes d'inégalités économiques et culturelles, doivent évoluer pour faire une place à cette réalité dérangeante. L'échec scolaire a un sexe."

Allons bon ! On nous a tellement dit, ces dernières années, que les discriminations jouaient contre les filles, que l'on en reste ébahi : serait-il possible que les garçons soient les grands oubliés des divers programmes ? On traque les stéréotypes sexistes jusque dans les livres de maths, alors qu'en fait, c'est dans l'autre sens qu'il faudrait agir : l'école est faite par des femmes, pour les filles ! C'est du moins ainsi que le voient les garçons.

Le deuxième sexe de l'école

Sans compter que les enseignants, à 80 %, sont désormais des enseignantes. "La féminisation massive du corps enseignant [aboutit] à ce que l'instruction délivrée à l'école soit identifiée aux rôles féminins. La culture avec ses objets électifs que sont la lecture, le goût du langage châtié, c'est une affaire de filles, de meufs, de pédés. Elle est rejetée par les garçons", balançait posément Marcel Gauchet dans la revue Books de juin 2013. Il faut parfois appeler un chat un chat. Que les garçons de l'immigration maghrébine, élevés en petits rois, se sentent exclus d'un système qu'on ne leur a guère appris à respecter, rien de très étonnant.

Les Cahiers pédagogiques, inlassables avocats de la pensée conforme et du pédagogisme béat, sont bien obligés de constater que "près des trois quarts des élèves de Segpa sont des garçons, près de 80 % de garçons peuplent les classes relais, la réussite au bac est de 57 % pour les garçons, contre 71 % pour les filles. Et que, pour Jean-Louis Auduc, si on regarde les objectifs ambitieux que se fixe notre système éducatif, ceux-ci sont atteints si on ne considère que les filles". Et de voir une "provocation" dans l'affirmation de Jean-Louis Auduc : "Les garçons sont devenus, en quelques années, le deuxième sexe de l'école et occupent sans conteste la place la plus défavorable au sein du système éducatif, place caractérisée par l'échec scolaire et la sous-qualification massive."

J'ai donc soumis le problème au spécialiste. Entre deux éclats de rire, Jean-Louis Auduc ne s'est guère étonné des "découvertes" du Cnesco. "La réussite supérieure des filles issues de l'immigration maghrébine ou africaine par rapport aux garçons est un sujet bien connu. Il avait été évoqué dans une étude de feu le Haut Conseil à l'intégration, "Les défis de l'intégration à l'école" : "La réussite des filles par rapport aux garçons est édifiante. Élevées dans les mêmes milieux familiaux, elles tirent leur épingle du jeu et obtiennent avec une plus grande fréquence des diplômes de l'enseignement supérieur, à quelques niveaux que ce soit : post-bac, bac +2, bac +5, et au-delà." J'y avais moi-même consacré un article dans la revue Hommes et migrations de décembre 2011, "L'intégration à l'école respecte-t-elle la parité ?"

Violence masculine

Mais Jean-Louis Auduc ne s'en tient pas au simple constat : "Le rapport du Cnesco est malheureusement muet sur les raisons de cet écart, ses conséquences et les enjeux que cela pose à la société. On peut expliquer cet écart de réussite, notamment, par deux grandes raisons :

- L'école joue un rôle émancipateur pour les jeunes filles. Elles sont reconnues à l'école en tant que personnes à égalité avec les garçons, ce qui n'est pas toujours le cas dans le milieu familial, d'où leur investissement dans cet espace de liberté.

- L'image du père est absente ou s'est dévalorisée, compte tenu de leur situation fréquente de chômage, aux yeux des garçons qui, de plus, "petits rois" dans le milieu familial, se voient à l'école non reconnus dans leur posture dominante.

Cette situation conduit à des comportements qui actuellement ont tendance à se multiplier et qu'il faut combattre fermement. Il est regrettable que le rapport du Cnesco ne consacre aucun paragraphe à ce problème. L'échec scolaire masculin massif des garçons issus de l'immigration maghrébine ou africaine amène certains d'entre eux à se sentir humiliés par la réussite des filles et à manifester leur masculinité par la force, l'injure systématique, voire à se laisser séduire par des idéologies, des croyances radicales rabaissant le rôle de la femme. Ils ont quelquefois tendance à vouloir montrer aux filles qu'ils sont quand même les plus forts en les bousculant, les agressant physiquement et même parfois sexuellement. Cette violence masculine que toutes les enquêtes montrent en fort accroissement dans les collèges de certains quartiers est aussi alimentée par le rejet par les garçons du modèle féminin et de l'homosexualité.

Terreau de l'islamisme

Comme le dit Hamid Bozarslan, directeur d'études à l'EHESS dans un article de juillet 2011 de la revue L'Histoire : Ces garçons humiliés se replient sur le contrôle du quartier... Contrôler le quartier, c'est d'abord contrôler les femmes et les enfants, deux composantes décisives de la reproduction de l'ordre social. Un contrôle social qui passe par le regard [d'où la question du voile] et par la parole [disqualification des individus].

Devant ce constat, deux priorités s'imposent d'urgence que l'on aurait aimé trouver dans le rapport du Cnesco, poursuit Jean-Louis Auduc :

- Lutter contre l'échec scolaire précoce masculin des jeunes issus de l'immigration, terreau de l'islamisme radical avec toutes ses dérives.

- Garantir à toutes les jeunes filles leur liberté et leur réussite dans le cadre d'établissements scolaires qui soient vraiment des espaces laïques de savoir et de citoyenneté."

C'est toute la différence entre un discours porté par un angélisme dangereux, celui du Cnesco, et le regard lucide du spécialiste. Il faut de temps en temps dire les choses - et si nous ne les disons pas aujourd'hui, demain, il sera trop tard, et les fauves seront lâchés.

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Commentaires (28)

  • bigkaptain

    Outre une éducation de petit roi aux garçons donnée par les mères, alors que les filles doivent aider la mère à la maison, et donc des garçons qui n'ont pas l'habitude de l'effort, tout simplement pour se sentir plus aimés, l'article oublie de signaler deux problèmes récurrents :
    1/ dans les pays d'origine à religion mulsumane, l'autorité de la société est très forte face à la petite délinquance, ce qui n'est pas du tout le cas en France, où nos autorités cherchent toujours la victime dans le délinquant ; ceci implique, qu'au pays d'origine, l'impact de l'éducation de l'enfant-roi est moindre.
    De plus, dans la religion musulmane, l'enfant mâle de 7 ans est considéré comme'plus adulte'que sa propre mère. La mère est systématiquement infantilisée. Aussi, on comprend facilement qu'une fille issue de ce type de culture a tout à gagner, côté émancipation dans nos sociétés occidentales.
    2/ Dans les pays d'origine des migrants, la Loi, l'autorité est exercée essentiellement par des hommes. En France, l'absence de parité dans les concours nationaux favorise l'émergence de commissaires, juges, enseignants, ... , très majoritairement féminins et donc non porteurs d'autorité pour ces personnes.
    En France, et ce depuis que les femmes ont accès à la contraception, il semblerait que les hommes ont perdu leurs repères, ne désirant plus incarner la Loi, l'autorité.
    De plus, nombreux sont les hommes, qui après avoir eu un enfant (ou plus) avec une même femme, préfèrent laisser la mère s'occuper seule de l'éducation des enfants. Ils sont bien OK pour toucher'l'allocation braguette'(allocation familiale) mais pas à assumer leur rôle de père.

  • AdLib

    Ne faudrait-il pas s'interroger sur l'origine de cette violence ?

    Je ne pense pas qu'un enfant soit d'office violent : s'il le devient, c'est principalement parce qu'il souffre ou a déjà beaucoup souffert.

    Ainsi, j'ai lu un jour que, tandis que le taux normal de dyslexiques, dans une population standard, serait d'environ 1-5 %, le nombre d'enfants fréquentant l'école primaire publique, en France, et devant passer par l'orthophonie pour "troubles" du langage serait de 40 % !

    Or, aujourd'hui, nombre d'orthophonistes reconnaissent que la plupart des enfants qui leur sont adressés ne souffrent pas de dyslexie ni de dys-autre chose, SAUF qu'ils souffrent principalement de "dys... Pédagogies", qui mettent le bazar dans leurs neurones et, surtout, leurs capacités langagières.
    Combien de souffrance cela représente-t-il pour ces gosses ?

    On sait par ailleurs qu'environ 20-30 % des élèves du primaire passent au collège sans même être parvenus, en CINQ ans de primaire, à apprendre à lire, écrire et compter correctement : combien de souffrance cela engendre-t-il, quand on se traîne ainsi de classe en classe, qu'on est sans cesse largué, qu'on ne peut ni apprendre les leçons sans savoir lire, ni comprendre ce qu'on lit, vu qu'on évite surtout de devoir lire quoi que ce soit, quand, donc, on peine à "apprendre" tout le reste – l'histoire, la géographie, les sciences – et qu'on peine aussi à décrypter un énoncé de problème, bref : que toute progression, ainsi, devient chimérique ?

    Quand 20-30 % qui atterrissent au collège doivent vite, hélas, se rendre compte que le "passage" de CM 2 au collège ne les a pas rendus meilleurs lecteurs d'un coup de baguette magique, et qu'ils sont de facto bien incapables et de lire le moindre livre, et de suivre le moindre cours "de collège", d'autant que, en ne lisant pas, ils ont accumulé aussi retards de langage, retards de vocabulaire, retards de compréhension des concepts, etc. : combien de souffrance cela nourrit-il encore, de blessures ?

  • surlemail

    On constate que, dans les familles issues d'immigrés, se développe une classe moyenne qu'on reconnait tout se suite à la place occupée par la mère et à la politesse de ses enfants.

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