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Nétanyahou en « mission » au Congrès américain

Le premier ministre israélien est à Washington. Il doit y dénoncer la menace iranienne, au risque d’aggraver le différend avec Obama.

Publié le 01 mars 2015 à 20h51, modifié le 19 août 2019 à 13h17 Temps de Lecture 4 min.

Le premier ministre israélien se recueille au Mur des lamentations à Jérusalem avant son départ aux Etats-Unis.

A la veille de son départ pour Washington, Benyamin Nétanyahou a apposé ses mains sur le mur des Lamentations, samedi 28 février. Priait-il pour sa propre survie politique, face à une adversité sans précédent, à deux semaines des élections législatives ? Ou bien pensait-il à Israël, confronté à la « menace existentielle » que représente selon lui le programme nucléaire iranien ?

Sur le tarmac de l’aéroport Ben Gourion, le premier ministre a défendu dimanche, une ultime fois, l’opportunité du discours controversé qu’il tiendra mardi 3 mars devant le Congrès américain, où il sait être en terrain conquis, à l’invitation du « speaker » républicain de la Chambre des représentants, John Boehner. Une initiative dont la Maison Blanche n’a été informée que quelques instants avant qu’elle soit rendue publique, le 21 janvier, au mépris des usages. « Je me sens l’émissaire de tout le peuple d’Israël », a expliqué le chef du gouvernement. M. Nétanyahou se dit en « mission historique ». Il se voit comme l’ultime pourfendeur du « mauvais accord » avec l’Iran sur ses capacités nucléaires qui pourrait émerger d’ici à la fin mars.

Lire aussi : Nétanyahou prêt à plaider à Washington contre les négociations sur le nucléaire iranien

Mais le prix de cette « mission » est une dégradation sans précédent de la relation avec le grand allié américain, la puissance protectrice qui n’a jamais fait défaut à Israël. Un paradoxe pour celui qui a longtemps fait de sa parfaite connaissance de la société américaine un atout politique. Dore Gold, président du Centre de Jérusalem pour les affaires publiques, est l’une des rares voix à défendre la démarche du premier ministre, dont il a été jusqu’en décembre le conseiller pour la politique étrangère. Selon lui, les analyses sur la crise israélo-américaine seraient trop catastrophistes. « Il s’agit d’un désaccord au sein d’une famille, et non pas d’un débat sur la pertinence de l’existence de cette famille », assure-t-il.

Le président Obama et le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou le 20 mars 2013 en Israël.

Si les relations n’ont jamais été cordiales entre M. Obama et M. Nétanyahou, l’exaspération a atteint des niveaux inédits. Le président américain, placé devant le fait accompli, a fait savoir de longue date qu’il ne recevra pas le premier ministre, arguant de la règle qui interdit les rencontres de ce type à la veille d’une échéance électorale. Une prise de distance qui risque de s’étendre jusqu’à la fin de son second mandat, en janvier 2017. Le vice-président Joe Biden, président du Sénat, a fait en sorte d’être absent mardi, comme de nombreux élus démocrates choqués par le traitement infligé au président. Le 26 février, la conseillère à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Susan Rice, a même fustigé une initiative « destructrice pour les bases mêmes des relations américano-israéliennes ».

Mme Rice devait s’exprimer lundi en compagnie de l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, Samantha Powell, à la conférence annuelle de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le puissant lobby pro-israélien, à laquelle assistera également M. Nétanyahou.

L’Aipac, qui défend la démarche du premier ministre, est embarrassé par le clivage partisan qu’elle a introduit alors qu’il s’efforce toujours de faire d’Israël un terrain d’entente entre démocrates et républicains. De son côté, la Maison Blanche a beau jeu d’assurer que le lien singulier entre Israël et les Etats-Unis ne saurait se réduire aux bonnes relations entre le Likoud et le Parti républicain.

Autre signe des tensions en cours, la presse israélienne a rapporté que Washington avait cessé de partager le détail des négociations conduites avec les Iraniens, lassé par leur exploitation politique par M. Nétanyahou. « Notre niveau de connaissance est d’une assez haute résolution », assure une source haut placée dans l’administration israélienne, selon laquelle les « écarts ont tendance à se réduire » entre les parties. D’où l’inquiétude croissante de M. Nétanyahou, qui compte informer les élus américains des derniers détails des négociations, selon son entourage. Mais les soutiens du premier ministre se font rares, y compris dans l’appareil sécuritaire. Un groupe de 180 anciens hauts gradés de l’armée, les Commandants pour la sécurité d’Israël, a tenu une conférence de presse dimanche à Tel-Aviv pour dénoncer le coup porté par le premier ministre à la relation stratégique avec Washington.

Agenda sécuritaire

Dans le propre camp de M. Nétanyahou, beaucoup craignent l’isolement croissant d’Israël et l’impact électoral du discours, alors que l’agenda sécuritaire est la partition traditionnelle, pour ne pas dire unique, du Likoud. Seul Naftali Bennett, le chef du parti d’extrême droite Foyer juif, défend l’adresse au Congrès et sera présent aux côtés du premier ministre devant l’Aipac.

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Dans les intentions de vote, le Likoud se maintient au même niveau que l’opposition de centre-gauche. Ces dernières semaines ont pourtant été catastrophiques pour M. Nétanyahou, confronté à des scandales à répétition. Répit bienvenu pour lui, le procureur général Yehuda Weinstein a reporté après les élections une enquête sur les dépenses de fonctionnement extravagantes en faveur de la résidence du premier ministre. Le magistrat souhaite éviter un « cirque » pendant la campagne.

Un rapport du contrôleur d’Etat, Yosef Shapira, vient de souligner la hausse des prix de l’immobilier : 55 % entre 2008 et fin 2013. Un chiffre terrible. Mais les réseaux sociaux ont surtout réagi avec fureur au commentaire de M. Nétanyahou posté sur son compte Twitter. « Quand on parle du prix des logements, du coût de la vie, je n’oublie pas un seul instant la vie elle-même. Le plus grand défi dans nos vies est la volonté actuelle de l’Iran d’acquérir les armes nucléaires. »

Ce contexte difficile explique en partie la focalisation du premier ministre sur ce dossier iranien qui lui inspire maintes métaphores bibliques, et sur la tribune que va lui procurer le Congrès américain. Quel qu’en soit le prix. Déjà lors de la campagne électorale de 2013, M. Nétanyahou ne s’était pas privé d’utiliser les images de son intervention au même endroit, deux ans plus tôt.

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