INTERVIEWClaude Quétel: «Le docteur Petiot a été livré à la guillotine par son propre avocat»

Claude Quétel: «Le docteur Petiot a été livré à la guillotine par son propre avocat»

INTERVIEWSoixante-dix ans après l’arrestation du célèbre tueur, l’historien estime qu’il était fou et qu’il n’aurait jamais dû finir à l’échafaud…
Photo prise en novembre 1946 lors de l'arrestation du docteur Marcel Petiot (c)
Photo prise en novembre 1946 lors de l'arrestation du docteur Marcel Petiot (c) - Archives AFP
William Molinié

William Molinié

Dans une passionnante enquête*, l’historien Claude Quétel, repose la question de la responsabilité pénale de Marcel Petiot. Ce dernier a été arrêté jour pour jour, il y a soixante-dix ans, le 31 octobre 1946, pour le meurtre de 27 personnes, principalement des Juifs cherchant à fuire la Gestapo.

Si leurs restes ont été retrouvés dans son hôtel particulier parisien de la rue Le Sueur (16e), jamais Petiot n'a reconu être l’auteur de ces 27 meurtres. Mais il se targuera auprès des enquêteurs d’en avoir tué d'autres, une soixantaine.



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Le premier grand criminel de l’après-guerre finira sur l’échafaud de la guillotine au terme d’un procès au cours duquel aucune preuve directe, ni témoin n’aura permis de faire la lumière sur ces corps. En pleine Occupation, l’affaire avait rempli les rubriques «faits divers» des journaux.

Qu’est-ce qui a poussé l’historien à s’intéresser à ce fait divers?

C’est surtout en tant qu’historien de la folie que je me suis intéressé à Petiot. Avec une question centrale: Petiot était-il fou? Si oui, pourquoi l’avoir envoyé à la guillotine? Sur les 17 ou 18 enquêtes écrites sur le Docteur Petiot, pas une seule n’avait été prise sous cet angle avec les bases de l’investigation historique.

Et au terme de ces recherches, votre intime conviction est que Petiot était fou…

Effectivement. Je me suis intéressé aux archives policières que l’on peut trouver à son sujet pendant son enfance. Il a 17 ans quand il est arrêté pour des vols dans des boîtes aux lettres. Il n’y aura pas de procès car les psychiatres le considèrent comme irresponsable en raison de sa démence. Deuxième antécédent psychiatrique en 1917 en pleine guerre, alors qu’il est engagé sur le front. Il est relâché dans la vie civile car les médecins militaires le jugent psychotique. Pendant 14 mois, il va passer par plusieurs hôpitaux de campagne du front, ce qui va avoir des conséquences sur son psychisme. Pendant son procès, Petiot raconte n’importe quoi. Il prétend avoir créé un réseau de résistance , appelé fly-tox, du nom d’un insecticide. Aucune trace de ce réseau. En prison, il rédige un livre sur les probabilités, qu’il nomme «Le hasard vaincu»… Bref, il se défend comme un fou.

A l’époque tout le monde pense qu’il joue au fou pour éviter la guillotine?

Oui, qu’il simule… Mais je suis persuadé qu’il était cinglé. Ou alors, il sait très bien imiter la folie. Mais jouer aussi bien la folie, c’est être fou. Son attitude est constamment équivoque. D’ailleurs, le premier article retrouvé sur lui date de la période pendant laquelle il était maire de Villeneuve-sur-Yonne (Yonne). L’hebdomadaire local titrait «Petiot, le maire Fou».

Pourquoi son avocat n’a-t-il pas mis en avant la folie, ce qui lui aurait épargné la peine de mort?

Dans cette affaire, la justice n’a pas fait son travail. Et encore moins son avocat, Me René Floriot, pourtant un illustre avocat reconnu. C'est lui qui l’a envoyé sous la guillotine. Je ne peux pas croire qu’il soit passé à côté de l’article 64 et de l’irresponsabilité pénale de son client [«Il n'y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pas pu résister», ndr]. Ma conviction est qu’il y a peut-être eu entente entre le parquet et l’avocat pour satisfaire l’opinion publique en livrant Petiot au bourreau. Je ne dis pas qu’il n’a pas tué ces 27 personnes. Au contraire, je pense que c’est bien lui. Mais il n’aurait pas dû être condamné. Ça pose évidemment cette question: Qu’est-ce être fou devant la justice?

Le tueur, en passant sous la guillotine, emporte avec lui tous ses secrets…

Oui, on ne sait même pas comment Petiot tuait ses victimes. Autre interrogation, le butin, évalué à 50 millions d’euros, n’a jamais été retrouvé. Cette affaire est une nuée de mystères.

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