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Crash de l'A320 : et si on prenait le temps d'informer?

Rassemblement des médias lors de la conférence de presse de François Hollande, Angela Merkel et Mariano Rajoy sur les lieux du crash le 25 mars. JEFF PACHOUD/AFP

FIGAROVOX/HUMEUR - Théophane Le Méné s'interroge sur le traitement de la catastrophe du crash A320 par les chaines d'information continue et sur les contraintes de l'instantanéité. Théophane Le Méné est journaliste.



Un avion parti de Barcelone pour rejoindre Düsseldorf et qui s'écrase au cœur des montagnes alpines. Un drame qui se transforme rapidement en énigme et à laquelle tentent de répondre, contraints par la masse journalistique, quelques experts, bien en peine de ne pouvoir fournir la moindre explication sinon une litanie d'hypothèses parmi tant d'autres. Depuis mardi dernier, ainsi tournent en boucle sur toutes les chaines d'informations ces séquences désolantes d'approximations, de solennité feinte, de démonstrations périlleuses pour tenter d'élucider l'accident aérien.

Ne plus laisser le temps au temps. Se passer des réserves et de la décence qu'exige un moment aussi dramatique.

Ne plus laisser le temps au temps. Se passer des réserves et de la décence qu'exige un moment aussi dramatique. Occulter les prémisses et en venir à des conclusions sans substances qui s'escaladent autant qu'elles divergent, pour le bénéfice d'informations qui n'en sont pas et que le futur viendra infirmer. Laisser ainsi un boulevard sur la toile aux partisans de la théorie du complot qui se gargarisent d'affirmations alternatives, péremptoires, posées par des illuminés persuadés de l'existence d'un grand marionnettiste.

Ainsi va notre siècle. Chaque événement, à plus forte raison lorsqu'il est tragique, invite chacun à composer sa partition de la vérité et à échafauder les scénarios les plus plausibles. Les journalistes arbitrent sans oublier d'émettre quelques opinions, les politiques se signalent car le casting ne saurait se passer d'eux, les savants pérorent l'air grave et les téléspectateurs livrent leur version de la catastrophe, le tout dans une iségorie parfaite qui laisse songeur. La tragédie devient une représentation qui ne semble vouloir n'en venir à rien d'autre qu'à elle-même, représentation exploitée par les chaînes d'informations où la guerre de concurrence fait rage et où la qualité de l'information se réduit à un appendice obsolète face à la course à l'audimat.

La tragédie devient une représentation qui ne semble vouloir n'en venir à rien d'autre qu'à elle-même, représentation exploitée par les chaînes d'informations où la guerre de concurrence fait rage et où la qualité de l'information se réduit à un appendice obsolète face à la course à l'audimat.

Dans une société du spectacle qui s'affirme chaque jour de plus en plus, voilà que les chaines d'information se mettent à fonctionner sur le mode de la téléréalité en faisant interagir le spectaculaire, le spécialisme, le voyeurisme, l'indécence et le public. Qu'avons-nous appris de sérieux durant tout le show cathodique de la journée d'hier? Absolument rien. La seule information sérieuses qui est venue troubler ce bien triste divertissement provenait du New York Times. Elle montre, s'il en était encore besoin, la regrettable métamorphose du journalisme français au bénéfice de la domination spectaculaire.

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79 commentaires
  • mistophore

    le

    Moi-Président tente de récupérer à tout pris et à son profit cet accident, mais là aussi c'est le fiasco complet.

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