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La dernière bataille de Germani

« L’homme le plus recherché de France » a été arrêté jeudi, après trois ans de cavale. Cette figure du milieu corse était recherchée notamment dans le cadre de l’affaire du cercle Wagram.

Par  et

Publié le 27 novembre 2014 à 20h19, modifié le 19 août 2019 à 14h11

Temps de Lecture 5 min.

On l’a dit au Congo, en Italie, en Corse. L’un des hommes les plus recherchés de France a finalement été arrêté à la Défense, dans les Hauts-de-Seine. Des kilos en plus, une barbe de trois jours et une queue-de-cheval. C’est un Jean-Luc Germani transformé par trois ans de cavale que les policiers de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la police judiciaire parisienne ont interpellé jeudi 27 novembre, aux environs de 17 heures, dans l’ouest parisien.

Considéré comme l’héritier de Richard Casanova, l’un des piliers du gang bastiais de « la Brise de mer », Jean-Luc Germani avait été condamné en appel en octobre à six ans de prison dans l’affaire du cercle de jeux parisien Wagram.

Lire : Le cercle Wagram, tirelire du grand banditisme corse, devant la justice

Cela faisait plusieurs semaines que les enquêteurs de la BRI et leurs homologues de la Brigade nationale de lutte contre la criminalité organisée corse surveillaient l’activité de Dominique Luciani, un Corse installé à Paris, sans aucun antécédent judiciaire mais suspecté de prêter main-forte aux fugitifs insulaires.

Dominique Luciani a pris soin mercredi de couper son portable avant de rencontrer un homme portant une casquette gavroche. Malgré une apparence physique différente des derniers clichés connus de lui, les policiers identifient l’homme à la casquette. Jeudi après-midi, alors que les deux hommes circulent à bord d’une BMW sous la Défense, les forces de l’ordre procèdent à l’interpellation.

Placé en garde à vue au 36, quai des Orfèvres, les divers mandats d’arrêt de M. Germani devaient lui être notifiés jeudi soir et le truand devait être écroué dans la foulée. Son éternel complice, Stéphane Luciani – sans lien de parenté avec le premier – avait été interpellé à Bastia en septembre.

A force de chercher le fugitif, les policiers le voient partout

Jean-Luc Germani était officiellement en fuite depuis le mois de juin 2011. A cette époque, les gendarmes opèrent un contrôle de routine auprès de deux hommes qui se présentent comme un couple d’homosexuels, en vacances dans un camping-car en Haute-Corse. Mais les touristes, Jean-Luc Germani et Stéphane Luciani, pointent un pistolet à visée laser sur les militaires avant de prendre la fuite.

A force de chercher le fugitif, les policiers le voient partout. Ainsi au printemps 2012, quand ils apprennent que sa femme et ses enfants partent en voyage en Afrique lestés de nombreux bagages, les policiers s’imaginent que la petite famille déménage et s’en va le retrouver en cavale. Mais, à l’arrivée au Cameroun, les enquêteurs perdent la trace de la mère et des enfants. Aujourd’hui encore, ils se demandent si M. Germani les attendait bien au Cameroun.

Jean-Luc Germani – 49 ans, 1,76 m et un accent corse prononcé – est l’homme-clé des rivalités qui déchirent le banditisme insulaire depuis 2008. Il était d’ailleurs recherché pour l’assassinat, en 2008, de Jean-Claude Colonna, cousin de l’ancien parrain du sud de l’île, Jean-Jé Colonna, mort, lui dans un accident de la route.

« Obnubilé par la vengeance »

L’ascendant pris par Jean-Luc Germani s’explique par sa proximité avec Richard Casanova, baron de la Brise de mer et cerveau présumé du « casse du siècle » – 125 millions de francs dérobés, et jamais retrouvés, à la banque UBS à Genève en 1990. M. Casanova vivait avec Sandra, la sœur de M. Germani, avant d’être assassiné en 2008. Depuis Jean-Luc Germani, qui portait le cercueil de son beau-frère, aurait été « obnubilé par la vengeance », selon une source judiciaire. Plusieurs membres de la Brise de mer, en froid avec Casanova, ont été assassinés dans les mois qui suivent le décès de leur ancien associé.

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Lire notre enquête : Ainsi a fini la Brise de mer

Le 19 janvier 2011, Jean-Luc Germani prenait de force, avec des complices, le cercle de jeux Wagram, en chassant sans ménagement les proches de la Brise de mer. Depuis, les rescapés du gang vivent dans la peur. Dans une voiture sonorisée par la police, Angelo Guazzelli, le propriétaire en sous-main du Wagram, officiellement producteur de l’huile d’olive Terra Rossa, s’écrie : « Si je vais à Terra Rossa, je suis mort (…) Terra Rossa, chez moi, à la maison, ça fait deux ans que j’ai pas mis les pieds ! » Un des amis de M. Guazzelli a raconté aux policiers : « Il est obnubilé par la mort. Il pense qu’il va se faire tuer parce que tous ses potes et son frère ont été assassinés et que Germani traîne et veut le tuer. »

« Confiance à personne »

La mainmise supposée sur le milieu corse de Jean-Luc Germani s’explique aussi par ses liens très anciens avec une autre équipe, celle des « bergers braqueurs » de Venzolasca, un village de la plaine orientale. À sa tête, les frères Federici, des amis d’enfance. La mère de Jean-Luc Germani tenait un bar où se rendaient les Federici et ils ont commis leurs premiers braquages ensemble en 1995.

Deux ans plus tard, en 1997, les policiers soupçonnent le fugitif d’avoir participé à l’attaque d’un fourgon blindé à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes) puis, le 7 mars 2003, à l’évasion de la maison d’arrêt de Borgo (Haute-Corse) du braqueur et récidiviste de l’évasion, José Menconi.

En 2005, un rapport de police consacré à l’assassinat du parrain marseillais Francis Vanverberghe, dit « le Belge », présente Jean-Luc Germani comme l’associé dans les machines à sous d’un jeune caïd ambitieux, Farid Berrhama, dans le secteur de L’Etang-de-Berre (Bouches-du-Rhône). Le 4 avril 2006, le jeune caïd est tué avec deux de ses lieutenants dans un bar marseillais. Cet épisode dit de la « tuerie des Marronniers » vaudra trente ans de réclusion à un vieil ami de Jean-Luc Germani, Ange-Toussaint Federici, le chef du clan des bergers braqueurs.

Lire aussi : Tuerie des Marronniers : vingt-huit ans de réclusion pour Ange-Toussaint Federici

Lors de sa dernière garde à vue, le 25 novembre 2009, Jean-Luc Germani avait justifié sa vie de fugitif : « Je ne fais confiance à personne car j’ai peur pour ma vie suite à l’assassinat de mon beau-frère Richard Casanova. (…) Plutôt que d’attendre qu’on me tue, j’ai préféré me cacher. »

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