Dorine Bourneton, un fauteuil et des ailes

La pilote d'avion Dorine Bourneton, le 19 avril 2015 à Saint-Cyr
La pilote d'avion Dorine Bourneton, le 19 avril 2015 à Saint-Cyr © AFP -

Temps de lecture : 3 min

Quand son avion s'est écrasé contre le flanc d'une montagne, elle n'avait que 16 ans. Dans l'accident, Dorine Bourneton a perdu l'usage de ses jambes et trois de ses amis. Mais pas son goût pour l'aviation, qu'elle continue de pratiquer près de 25 ans après le drame.

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Silhouette longiligne, visage souriant et bonne humeur à toute épreuve : cette Auvergnate d'origine, première femme handicapée pilote de voltige aérienne, a fait de sa passion un "combat" pour regagner sa liberté.

"L'avion, c'était un moyen de me reconstruire. Sans cela, je n'aurais pas supporté le regard des autres", explique cette admiratrice de Saint-Exupéry. "Quand on pilote, le handicap reste au sol. On oublie les contraintes".

Ce jour-là, la voltigeuse vient d'atterrir à bord d'un appareil de quatre places sur le tarmac de Roissy. Une première pour une pilote paraplégique. Alors qu'elle s'extirpe de la carlingue, un bataillon de journalistes se presse pour l'interviewer.

"On est accueillis comme si on avait traversé l'Atlantique", sourit la quadragénaire, casquette blanche et blouson d'aviateur. "J'espère qu'on aura le même accueil au Bourget", s'amuse-t-elle.

Dans quelques semaines, le 20 juin exactement, cette mère de famille fera une présentation de voltige au salon de l'aéronautique. Une initiative là encore inédite. "Je ferai des boucles, des renversements... Pour moi, c'est un super défi", assure-t-elle.

Un "défi" en forme de pied de nez à l'accident qui, le 12 mai 1991, a fait basculer la vie de cette fille de pilote amateur montée pour la première fois dans un avion "à l'âge de huit ans", dans le deuil et la souffrance.

- "Un cri et puis plus rien" -

Ce jour-là, ils étaient quatre à bord de l'appareil. Le temps était mauvais. "Le pilote a voulu faire demi-tour, mais notre avion a percuté les flancs du mont d'Alambre", raconte la native du Puy-de-Dôme.

Un lourd fracas. Les ailes de l'avion sont arrachées par les arbres. La carlingue poursuit sa chute avant de s'écraser contre un rocher. "Je me souviens d'un cri et puis plus rien. J'ai perdu connaissance", souffle Dorine.

A son réveil, le silence règne. Dans les débris de l'avion, elle cherche du regard ses trois amis. Les trois sont morts. Elle tente de s'extirper de l'appareil mais son corps est coincé. "J'ai appelé au secours. Personne ne répondait", se souvient-elle.

Les heures s'écoulent, interminables. "J'avais froid, j'avais peur", se rappelle-t-elle. Après douze heures de recherche, les secours finissent par la retrouver, presque par miracle. En pleine nuit, elle est transportée à l'hôpital.

Le verdict des médecins, quelques semaines plus tard, tombe comme un couperet : elle ne remarchera plus. Un coup dur pour l'adolescente... qui ne la dissuadera pourtant pas, deux années plus tard, de reprendre le chemin des airs.

La pilote d'avion Dorine Bourneton, le 19 avril 2015 à Saint-Cyr-l'École ©  AFP
La pilote d'avion Dorine Bourneton, le 19 avril 2015 à Saint-Cyr-l'École © AFP

"Je ne voulais pas écouter mes peurs. J'étais heureuse dans le ciel. Et puis j'étais soutenue par mon entourage", explique l'Auvergnate, qui décide alors de se battre pour faire progresser la cause des paraplégiques dans le secteur de l'aviation.

En 2003, c'est gagné! La licence professionnelle est ouverte aux personnes en situation de handicap. "C'était une vraie avancée", se félicite la pilote, qui déplore les "nombreux blocages" auxquels sont confrontées les personnes en fauteuil roulant.

Aujourd'hui installée en région parisienne avec sa fille de huit ans, la quadragénaire, fondatrice de la commission "pilotes handicapés" de l'Aéro-club de France, multiplie les entraînements pour affiner sa maîtrise de la voltige.

"Il a fallu adapter un avion. Normalement, on a des commandes aux pieds, là on les a ramenées à la main", explique son instructeur, Romain Vienne, lui-même champion du monde de voltige en planeur.

"Persévérante", "toujours souriante"... Dorine Bourneton a droit à tous les éloges de la part du jeune homme. "Elle n'est pas du tout tête brûlée, elle connaît ses limites", assure-t-il. Son handicap? "Une fois en l'air, c'est invisible: elle fait de la voltige comme si elle était valide".

22/05/2015 09:17:03 - Aéroport de Roissy (France) (AFP) - Par Valentin BONTEMPS - © 2015 AFP