Le Parlement européen tourne la page Barroso sans regret
Le dirigeant portugais a délivré son ultime discours devant un Parlement européen déserté. La Commission Juncker devrait être investie mercredi.
Par Renaud Honoré
Avec dix années à la tête de la Commission européenne, José Manuel Barroso peut se targuer d’avoir dirigé l’exécutif européen aussi longtemps que Jacques Delors, l’éternelle référence bruxelloise. Et pourtant, mardi à Strasbourg, c’est devant un Parlement européen aux trois quarts vide qu’il a prononcé son discours testament, comme une ultime rebuffade pour quelqu’un dont le bilan a été abondamment critiqué. Quand il débute son discours au petit pupitre disposé au centre de l’hémicycle, c’est comme s’il ne parlait que pour la centaine de députés conservateurs PPE – sa famille politique - qui ont fait le déplacement, tandis que sont disséminés ici ou là dans les travées une cinquantaine de parlementaires d’autres bords sur les 751 que compte au total le Parlement européen. En levant les yeux, il pouvait constater qu’il y avait facilement deux fois plus de monde dans les travées visiteurs et journalistes.
« C’était très peu et assez surprenant », convient un membre de la Commission Barroso. « C’est l’indifférence qui domine à son égard, son bilan est plus que maigre et tout le monde a envie de le voir partir. Du coup on en a un peu oublié le respect dû à l’institution », renchérit une source parlementaire. Le chef des libéraux et démocrates européens, le belge Guy Verhofstadt, candidat malheureux à la tête de la Commission en 2004 face à… Barroso, n’avait même pas fait le déplacement dans l’hémicycle.
Contexte hostile
Dans ce contexte hostile, José Manuel Barroso a tenté tant bien que mal de défendre son bilan. Le matin, il avait déjà prêché la bonne parole en distribuant, selon plusieurs sources, à ses collègues Commissaires un épais livre de 600 pages, avec photos et discours de ce long double mandat. A ceux qui critiquent l’affaiblissement de la Commission sous sa direction, il remet en perspective, face à la crise existentielle traversée par l’Europe et l’euro. « Nous étions au bord du gouffre. (…) Mais aujourd’hui nous avons créé un nouveau système de gouvernance, beaucoup plus solide qu’auparavant », a martelé le dirigeant portugais devant les eurodéputés. Dans sa volonté de redorer son mandat, José Manuel Barroso a parfois semblé emporté par son propre élan, vantant « une croissance, qui même si elle n’est pas aussi forte qu’on le voudrait, est bien là » ou « une Europe qui est en train de gagner la bataille du commerce et de l’investissement ». Pas certain que beaucoup de dirigeants européens puissent le suivre sur ce chemin…
Pressé de tourner la page Barroso, les eurodéputés ont préféré consacrer mardi leur énergie à bâtir un accord final sur le collège de son successeur, Jean-Claude Juncker. Après le mini-remaniement imposé à l’issue des auditions mené par les eurodéputés (la slovène Alenka Bratusek recalée et remplacée par Violeta Bulc qui se voit attribuer le portefeuille des Transports, et le social-démocrate slovaque Maros Sefcovic promu à un poste de vice-président en charge de l’Union énergétique), les principales familles politiques du Parlement ont scellé un accord qui devrait déboucher sur l’investiture de la nouvelle Commission. Reste à Jean-Claude Juncker à donner une feuille de route claire pour son mandat, lors d’un débat prévu mercredi devant les eurodéputés.