A Achères, les armées de Louis XIV ont préparé la guerre de Hollande
C'est une trouvaille majeure dans l'histoire militaire de l'époque moderne. En 2010, des fouilles préventives réalisées dans le cadre des travaux de modernisation de l'usine du syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (Siaap), l'une des plus grandes stations d'épuration d'Europe, ont permis de mettre au jour l'existence du fort Saint-Sébastien. Un vaste camp militaire étendu sur près de 200 ha où les armées de Louis XIV ont préparé, entre 1689 et 1670, la fameuse guerre de Hollande.
Jusqu'alors, rares étaient les traces de ce fort dit « éphémère », remblayé et remis en culture dès 1671. « C'est un site d'entraînement dont on avait presque tout oublié, explique Séverine Hurard, l'archéologue en charge des fouilles. Quelques passionnés d'histoire locale en avaient bien entendu parlé et nous avions connaissance de l'existence d'un document cartographique vulgairement conservé sous verre à la mairie d'Herblay (Val-d'Oise). Mais tout restait à découvrir. »
Au total, près de 35 archéologues ont oeuvré pendant dix mois, entre octobre 2011 et août 2012, pour tenter de tirer un maximum d'informations sur une parcelle de 28 ha. Mais la majeure partie du site, essentiellement composé de fossés, de talus et d'un réseau de tranchées d'approche, n'a pu être exploitée en raison des délais imposés par la loi. « C'est évidemment un peu frustrant mais on a déjà récolté énormément de données, notamment sur le mode de vie de la communauté militaire », reprend Séverine Hurard qui remettra son rapport définitif aux services de l'Etat en juin. « C'est un site remarquable car on a pu travailler sur la guerre de siège moderne, jusque-là peu étudiée, remarque-t-elle encore. Il s'agit d'une période charnière dans la rationalisation des pratiques militaires. » Selon les estimations les plus précises, près de 25 000 hommes ont fréquenté le camp en deux ans. « Des fantassins, des cavaliers, mais essentiellement des troupes d'élite comme les gendarmes, les gardes du corps et les mousquetaires du roi », précise Séverine Hurard. Et parmi eux « très probablement », un certain comte d'Artagnan, lequel était alors capitaine des mousquetaires. On sait également que Louis XIV s'est souvent rendu sur les lieux, en compagnie de membres de la cour et même de certaines dames, afin de diriger des exercices ou de passer les troupes en revue. « On n'était qu'à deux heures de cheval de Saint-Germain et le roi était très féru des pratiques militaires, reprend Séverine Hurard. L'image du roi combattant était extrêmement importante. Il allait d'ailleurs régulièrement sur les lignes de front et participait aux choix stratégiques. » En 1672, la guerre est déclarée aux Provinces Unies. L'année suivante, Maastricht tombe aux mains des armées du Roi-Soleil au terme d'un siège express, grâce sans doute à une tactique élaborée par Vauban au Fort-Sébastien. Un fait d'armes retentissant pour le roi de France qui lui permettra d'asseoir son autorité en Europe et de devenir, dixit François Boulet, professeur d'histoire au lycée international et président des sociétés historiques des Yvelines, « le premier roi militaire au monde ». Sur son lit de mort, Louis XIV consentira tout de même : « J'ai trop aimé la guerre ». Sébastien Birden
L'archéologue présente ses travaux
Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur ce fort éphémère, Séverine Hurard, l'archéologue de l'Inrap responsable du chantier de fouilles il y a trois ans, reviendra sur ses recherches dans deux mois à l'occasion des journées nationales de l'archéologie. Elle animera une conférence organisée à la bibliothèque d'Achères et intitulée : « Le fort Saint-Sébastien d'Achères - 1669-1670 : la préparation de la guerre de siège des troupes de Louis XIV vue par l'archéologie ». Le cinéma Pandora diffusera ensuite le film documentaire « Louis XIV, l'énigme du fort Saint-Sébastien ».
Vendredi 19 juin de 20 heures à 22 heures. Gratuit.
