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Entreprise

La tragique fin d'un patron anticonformiste

Doté d'un humour grinçant, à l'aise avec les médias, le PDG de Total, décédé à l'âge de 63 ans dans un accident d'avion à Moscou, n'avait de cesse de défendre l'image de son groupe.
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Christophe de Margerie
Christophe de Margerie, le PDG de Total est mort la nuit dernière à Moscou dans le crash du jet privé qui le ramenait à Paris.
AFP/Fred Dufour

Sidérée. C’est ainsi que la France du business s’est réveillée mardi matin, en apprenant la disparition du PDG de Total, Christophe de Margerie dans le crash de son jet. Immédiatement, les radios et les chaînes d’information continue se mettaient en "édition spéciale", et pas seulement parce que Total est la première capitalisation française. Chaleureux, bon vivant, iconoclaste, aussi naturel avec François Hollande, l’émir du Qatar qu’avec les réceptionnistes de la Tour Total, Christophe de Margerie tenait une place unique dans la galaxie patronale. D’abord parce que la silhouette de "Big Moustache", comme il était surnommé, détonait dans un monde de ventres plats conformistes.

Confessant être entré chez Total parce que son siège était le plus proche de son domicile, il y est resté ce diplômé d’une école de commerce (l’ESCP) égaré dans une galaxie d’ingénieurs des Mines. Alors qu’une grande majorité de PDG de la nouvelle génération sont des adeptes de la recette menu minceur-Isostar comme hygiène de vie, il préférait le régime "à l’ancienne" d’un Winston Churchill, alliant la célèbre formule "No sport" à quelques doigts de whisky. Et quand tous ses pairs vivent au rythme d’agendas minutés, et scrupuleusement respectés, Christophe de Margerie cultivait ses retards.

 

Pas seulement un héritage de ses négociations au Moyen-Orient, où il avait appris le sens du mot "palabre". Mais un témoignage aussi de sa capacité à s’arrêter sur un quai de gare, et prendre le temps d’échanger avec un leader syndical croisé par hasard, particulièrement s’ils avaient connu un différent. Soldat de son entreprise – il n’a jamais accepté de la voir vilipendée après le naufrage de l’Erika -, il s’est jeté dans l’arène avec cette idée simple : il ne demandait pas que Total soit "aimé", mais tout simplement "écouté", et surtout "respecté".

"Je n'aime pas donner des leçons"

Cette passion l’amenait à croiser le fer dans le plus improbable des forums de province comme sur les plateaux de télévision. Il débattait inlassablement, de tout. Des super profits de Total, des impôts, des dividendes, des prix à la pompe, mais aussi du poids des dépenses publiques, des limites de notre modèle social... Il témoignait avec cœur, et des raisonnements pas toujours très rationnels, que le monde de l’entreprise n’était pas l’enfer brossé dans un pays resté très méfiant à l’égard des dirigeants du Cac 40.

Il a d’ailleurs été le premier supporter du "Sommet de l’Economie", que Challenges organise les 4 et5 décembre au Grand Palais, avec un titre qui lui allait comme un gant : "Entreprises politiques, même combat". L’homme ne craignait pas de déplaire. "Ce n'est pas grave de se fâcher avec ses interlocuteurs, nous disait-il au printemps. Ce qui est interdit, c'est de se fâcher durablement". Margerie qui avait le tutoiement et les embrassades faciles aimait la confrontation, mais sur Total il ne lâchait rien. "Je n’aime pas donner des leçons, mais je n’aime pas en recevoir."

Alors que son prédécesseur, le très rationnel Thierry Desmarets avait une vision classiquement industrielle de l’entreprise, Big Moustache a remis le groupe pétrolier au cœur de la vie de la cité. Cette capacité à se projeter au-delà de son quotidien de road shows laissera un grand vide dans le monde des patrons. Qui d’autre réunirait à la veille de Noël quelques journalistes, comme il l’avait fait fin 2013, et leur livrerait ainsi ses espoirs pour l’année qui s’ouvrait : "Que la France retrouve la confiance, et que l’Europe soit une valeur à la hausse!" Sur ces deux points, Christophe de Margerie n’aura pas été entendu, mais son message ne restera pas égaré dans le brouillard d une malheureuse piste d’atterrissage de Russie.

 

 

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