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Infanticides: 18 ans de réclusion requis contre Dominique Cottrez

Dominique Cottrez lors de l'ouverture de son procès pour huit infanticides aux assises du Nord. PHILIPPE HUGUEN/AFP

VIDÉO - Jugée aux assises du Nord pour huit infanticides, l'accusée a fondu en larmes à l'énoncé des réquisitions des avocats généraux, ce mercredi.

Envoyé spécial à Douai

Qu'il est difficile de requérir contre Dominique Cottrez, 51 ans, sans sévérité cruelle ni compassion angélique. Annelise Cau et Eric Vaillant, les deux avocats généraux qui ont tenté l'exercice, mercredi aux assises de Nord, ont cherché le juste milieu pour cette accusée singulière qui répond de huit infanticides.

M. Vaillant, procureur de la République de Douai, a suivi en cette qualité l'instruction de bout en bout et il est venu en personne soutenir l'accusation. Pédagogue, il explique aux jurés le cheminement de ce dossier depuis le 24 juillet 2010, date à laquelle il se transporte dans la maison de Villers-au-Tertre où deux cadavres de nourrissons viennent d'être exhumés. Il n'élude pas la question de la prescription, soulevée par la défense au motif que sept des huit bébés ont indéniablement été tués avant juillet 2010, la datation restant floue (entre mai et septembre 2010) pour le dernier. Il ne cache pas non plus qu'il avait demandé trois fois, sans succès, la mise en examen de Pierre-Marie Cottrez, époux de l'accusée.

A cet instant, le magistrat commet une faute de goût: il a obtenu, juste avant le procès, qu'un état-civil soit établi pour les huit bébés, auxquels des prénoms ont été attribués, qu'il énumère gravement, «mais pas pour des raisons d'émotion», prétend-il. Or, tous les experts intervenus dans le dossier sont formels: pour Mme Cottrez, quoi qu'on pense de ses actes, les nourrissons qu'elle a étranglés immédiatement après avoir accouché n'avaient pas, pour elle, d'existence concrète - c'est l'une des spécificités de ce genre d'assassinat, très bien expliquée ici par plusieurs praticiens. Vouloir à tout prix les nommer revient à ajouter à des débats pénibles un pathos administratif déplacé et même, pourrait-on dire, à modifier les scènes de crime: les victimes de Dominique Cottrez, au moment où elle a décidé de ne pas leur donner la vie, n'avaient pas de noms et n'en auraient jamais, sans quoi elle ne les aurait pas supprimés.

Cela dit, le réquisitoire à deux voix est parfaitement charpenté et ne dénature pas le contenu des débats - même si, bien sûr, il en présente l'éclairage cru du ministère public. Mme Cau revient, sans se vautrer dans la facilité des détails horrifiants, sur les huit accouchements clandestins. Pour elle, à l'exception peut-être du premier, les crimes étaient prémédités, tant Mme Cottrez a fait preuve de «détermination, de sens de l'organisation, de sang-froid», le tout «en pleine conscience». Elle a multiplié les «dissimulations», de sorte que son entourage n'y a vu que du feu.

Ce qui frappe, dans le propos des deux avocats généraux, c'est la place importante qu'ils accordent à ce que le code pénal d'autrefois appelait les «circonstance atténuantes». Nulle volonté de faire passer l'accusée pour un monstre ou une sorcière. Un authentique respect de sa personne. Mme Cau parle des huit bébés entreposés dans des sacs en divers endroits de la maison comme de la «famille cachée» de Dominique Cottrez. Une expression finement trouvée, qui fait écho à une réponse, dans la matinée, de la mère infanticide à une question de la présidente: elle avait dû, un beau jour, transférer deux des cadavres dans le garage et, craignant qu'ils ne prennent froid, avait recouvert d'une couverture les sacs en plastique dans lesquels ils reposaient... En évoquant une «famille cachée», l'avocate générale démontre que certains étranges ressorts psychologiques détraqués de Mme Cottrez ne lui ont pas échappé, ni «ses souffrances et sa tragédie silencieuses».

Mais elle ne laisse pas pour autant échapper l'«ambivalence» d'une femme qui impliquera, à l'instruction, son mari et ses filles avant, certes, de se rétracter aussitôt, la «rancœur» qu'elle manifeste à l'encontre d'un époux qui ne s'intéressait à elle que pour le devoir conjugal, les «mensonges» derrière lesquels elle s'était abritée, à commencer par une histoire d'inceste qui visait son propre père, et qu'elle n'a réfutée que lundi dernier.

M. Vaillant veut bien «comprendre», mais à condition de ne «pas tout excuser». Il bat sa coulpe pour avoir, comme tout le monde, cru à l'inceste qui «rassurait et endormait aussi», car il offrait une clé de compréhension commode aux crimes incompréhensibles. Admettant l'idée qu'«on ne comprendra pas tout», il fustige des «mensonges» (sur le supposé inceste) qui ont «sali son père, un brave homme, son mari fidèle, ses filles». Mais, non sans élégance, l'avocat général demande aux jurés de ne pas excessivement «retenir cela à charge», car «ce mensonge est une énième manifestation des troubles psychiques dont souffre Mme Cottrez».

Et d'embrayer sur la formidable déposition du psychiatre Roland Coutanceau, en brossant le portrait psychologique d'une Dominique Cottrez «hyper névrosée, hyper fragile», complexée par une obésité précoce - il aurait pu parler, sur sa lancée, d'hyper obésité -, et une hantise du milieu médical depuis l'accouchement de sa première fille, marquée par les remarques vécues comme humiliantes d'une «sage-femme à l'ancienne» qui l'interpelle brusquement sur son embonpoint. De sorte que la grossesse de sa deuxième fille est dissimulée pendant au moins six mois, et que les suivantes s'achèveront tragiquement, dans les toilettes du domicile familial. Et même, pour l'une d'elle, dans les toilettes d'un hôpital où Mme Cottrez avait été admise après une crise d'épilepsie, et où aucun personnel soignant n'avait constaté qu'elle était enceinte de neuf mois.

Pour ces raisons, M. Vaillant requiert un peine lourde: 18 années de réclusion criminelle - on aurait pu croire que le tableau du parquet allaient plutôt le conduire vers 12 à 15 ans. L'accusée fond en larmes. Pour les deux avocats de la défense, cette peine présentée par le ministère public comme équilibrée, est bien trop élevée. Jeudi matin, ils vont se battre pour l'amoindrir. Puis, les six jurés et trois magistrats professionnels seront confrontés au plus difficile des devoirs: juger Dominique Cottrez «avec intelligence et humanité», s'ils veulent suivre l'ordonnance délivrée à la barre par le Dr Coutanceau. Le verdict est attendu pour la fin de l'après-midi.

Infanticides: 18 ans de réclusion requis contre Dominique Cottrez

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87 commentaires
  • SERGIO2416

    le

    Ce n est qu une victime de cette société de malade 9 ans de prison c est dégueulasse , car en plus de déruire cette femme ils détruise sa famille aussi .
    Des Elus sont responsable de crise financière du pays et ont mis plus d un foyés en difficulté voir des pères de famille ainsi que des mères qui n avaient pas d autres choix que le suicide ou le divorce ou créer ou aggraver des pathologie a cause du stresse ou plus de moyen pour se soigner C est bien pire ce que cette femme a commis Et lors les a t on mis en prison Je pense que si la société ce veut égal alors il faut qu elle n ait rien a se reprocher et c est loin d etre le cas Le péché peut etre par pensée par action ou par omission . Dieu doit etre seul juge de l acte de chacun . Que Dieu pardonne cette femme et aide sa famille Compté pas sur moi pour la lapider en public les arracheurs de dents

  • cynmi

    le

    Une mère comme les autres selon sa fille, whoua...

  • niclan

    le

    Elle n'est pas la seule responsable, personne n'a vu ses différentes grossesses? je n'y crois pas trop, le mari n'a rien vu venir pourtant il vivait avec elle au quotidien. Son médecin n'a rien vu non plus? Difficile à croire ou alors pauvre femme elle était bien seule face aux responsabilités. La mettre en prison ne changera rien, la justice est bien plus clémente avec les vrais bandits, délinquants, violeurs et autres spécimen de ce genre

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