L'Arabie saoudite a été frappée par un attentat sanglant, dirigé contre sa minorité chiite et revendiqué pour la première fois sur son sol par le groupe djihadiste État islamique (EI), en dépit d'une sécurité renforcée sur fond d'engagement militaire au Yémen.

Vingt-et-un fidèles chiites ont été tués et 81 blessés dans l'attentat commis dans une mosquée de l'est du royaume ultraconservateur sunnite lors de la prière du vendredi, selon le ministère de la Santé.

Son auteur est un Saoudien, Saleh ben Abdulrahmane Saleh al-Ghishaami, selon le ministère de l'Intérieur saoudien, qui a confirmé ses liens avec l'EI et affirmé qu'il avait utilisé un explosif de type RDX.

En revendiquant l'attentat, le groupe jihadiste avait identifié le kamikaze comme Abou Amer al-Najdi.

L'attaque, la plus sanglante dans le royaume depuis la vague d'attentats d'Al-Qaïda entre 2003 et 2006, a provoqué une onde de choc dans le pays où les tensions confessionnelles sont déjà palpables sur les réseaux sociaux et dans le discours de certains religieux hostiles aux chiites.

Revendiquée au nom de l'EI, elle a eu lieu malgré les mesures de sécurité préventives motivées notamment par la participation de Riyad aux raids contre ce groupe jihadiste sunnite en Syrie et sa campagne aérienne, au sein d'une coalition arabe, contre les rebelles chiites au Yémen voisin.

Les autorités saoudiennes ont en effet multiplié ces derniers mois les arrestations d'extrémistes sunnites soupçonnés de planifier des attaques pour «attiser les tensions confessionnelles».

En avril, elles ont affirmé avoir démantelé une cellule de 65 personnes liées à l'EI et cherchant à passer à l'acte, après avoir arrêté en décembre trois partisans du même groupe accusés d'avoir blessé par balle un Danois à Riyad.

Elles ont en outre élargi une zone tampon le long de la frontière nord avec l'Irak, où l'EI occupe de vastes régions, et construit une épaisse clôture pour se protéger des infiltrations d'hommes et d'armes.

Unité nationale

La classe politique, la puissante institution religieuse sunnite et les médias saoudiens ont été unanimes à condamner l'attentat perpétré à Koudeih, dans la province orientale du royaume.

Il a été également dénoncé à travers le monde, y compris en Iran, le rival chiite de l'Arabie saoudite, chef de file des nations sunnites.

«L'EI doit être vaincu» et «l'intolérance, la violence et la haine qu'il manifeste doivent être écrasés», a proclamé le Conseil de sécurité de l'ONU en condamnant l'attentat.

Fait remarquable, le grand mufti, le plus haut dignitaire religieux saoudien, a promptement réagi, dénonçant un «acte criminel» dirigé contre l'unité nationale.

Cheikh Abdel Aziz ben Abdallah Al-Cheikh a estimé que l'attentat avait été commis au moment où le «royaume traverse une passe difficile consistant à défendre ses frontières sud», avec le Yémen. Et d'accuser ses auteurs d'avoir voulu «détourner» Riyad de cette mission, consistant à contrer les rebelles yéménites pro-iraniens.

L'EI, en dépit de son hostilité profonde aux chiites, affirme que l'Arabie saoudite s'est engagée au Yémen pour l'unique raison de faire plaisir aux Occidentaux.

«Leur guerre n'est rien d'autre qu'une tentative de se faire valoir vis-à-vis de leurs maîtres parmi lesquels les juifs» et les Occidentaux, a clamé le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, dans un message audio diffusé le 14 mai.

Cinquième colonne

Les éditorialistes de la presse saoudienne ont dénoncé un acharnement de l'EI à «semer la discorde» entre Saoudiens. «Pas de place à la discorde (...) le peuple est uni», souligne le quotidien Al-Watan.

Ce constat est nuancé par des réactions de colère des chiites vendredi sur le lieu de l'attentat, dont certains ont déploré le peu de protection fournie à leur lieux de culte.

La minorité chiite se concentre dans l'est de l'Arabie saoudite, riche en pétrole, et se plaint de discrimination. Cette région a été secouée par un mouvement de contestation, dans le sillage du Printemps arabe en 2011, qui a fait une vingtaine de morts.

Les chiites d'Arabie saoudite ne se sont pas joints à la «vague de nationalisme sunnite» qui a salué l'intervention saoudienne au Yémen, fait remarquer l'analyste Frederic Wehrey, un spécialiste de l'Arabie au Carnegie Endowment for International Peace.

Les salafistes radicaux d'Arabie saoudite considèrent que les chiites saoudiens sont «une cinquième colonne» des rebelles yéménites dans le royaume, dit-il à l'AFP.

Dans ce conteste, il fallait s'attendre à des attentats antichiites, a souligné l'expert. «Malheureusement, ce n'était qu'une question de temps».

Depuis 2011, la Province orientale a connu des attaques sporadiques contre les forces de sécurité et des protestations qui ont fait une vingtaine de morts.

L'attentat a provoqué la «colère» de chiites contre le manque de protection de leurs lieux de culte, a rapporté une habitante de Qatif, Naseema Assada.

De nombreux habitants disent craindre, selon elle, la répétition de tels attentats si rien n'est fait pour contrer «les discours de haine» contre les chiites qui se répandent sur les réseaux sociaux.

«Nous ne voulons pas voir ce qui se passe en Syrie et en Irak se reproduire ici. Ceci est notre pays et nous l'aimons», a-t-elle clamé, en référence aux exactions de l'EI dans ces deux pays.

En novembre, des hommes armés avaient tué 7 chiites, dont des enfants, dans la localité saoudienne d'Al-Dalwa (est) pendant la célébration du deuil chiite de l'Achoura.

Les autorités saoudiennes ont multiplié ces derniers mois les arrestations d'extrémistes sunnites soupçonnés de planifier des attaques pour «attiser les tensions confessionnelles» dans le pays.

Le mois dernier, elles ont ainsi annoncé le démantèlement d'une cellule de 65 personnes soupçonnées de liens avec l'EI et cherchant à perpétrer des attentats.

En décembre, elles avaient aussi arrêté trois partisans de l'EI accusés d'avoir blessé par balle un Danois à Riyad.