Dépêche

Mexique: la recherche erratique des 43 étudiants disparus

Cocula (Mexique) (AFP) - La recherche de 43 étudiants disparus n'a donné aucun résultat en plus d'un mois, mais les autorités mexicaines ont réussi, par un enchaînement d'erreurs et de contradictions, à écorner l'image d'efficacité qu'elles cherchent à donner depuis l'arrivée au pouvoir du président Enrique Peña Nieto.

Neuf jours se sont écoulés entre le 26 septembre, date de l'attaque d'étudiants par des policiers corrompus d'Iguala (sud) et des membres du cartel des Guerreros Unidos, puis de la mystérieuse disparition de 43 d'entre eux, et le moment où les autorités judiciaires fédérales ont pris le dossier en main.

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Pendant cette période, le maire d'Iguala, accusé d'être l'instigateur de l'attaque et son épouse, soeur de trois narcotrafiquants, ont pris la fuite sans qu'on ait réussi depuis à les capturer.

"Il y a eu une lenteur, une négligence initiale de la part du gouvernement fédéral. Dans une enquête scientifique, chacun sait que les premières 48 heures suivant la disparition sont cruciales", souligne Alejandro Hope, analyste des questions de sécurité et ancien membre du renseignement mexicain.

Le gouvernement fédéral a pris la relève des autorités judiciaires de l'Etat de Guerrero, dont les enquêtes se sont distinguées par des informations erratiques et des recherches aussi spectaculaires que stériles.

'Un bâton d'aveugle'

Environ 2.000 policiers fédéraux et militaires ont été envoyés dans les environs d'Iguala pour rechercher les 43 élèves de l'école normale rurale d'Ayotzinapa.

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Ils le font avec des hélicoptères, des chevaux et des chiens dans les zones montagneuses, et même des équipes de plongeurs lors d'opérations qui, pour le moment, paraissent aléatoires.

"Ils cherchent n'importe où, sans savoir du tout ce qui s'est vraiment passé. La recherche devient un problème pour le gouvernement parce qu'elle génère une perception d'incompétence", selon Hope.

Les pistes suivies sur la base des aveux des 56 détenus dans l'affaire - fonctionnaires, policiers et narcotrafiquants - ont mené à une dizaine de fosses clandestines dans différents points de la zone montagneuse du Guerrero.

Dans les premières fosses on a trouvé 28 corps et dans les autres au moins une dizaine, qui sont toujours analysés par des experts.

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Initialement, le ministère de la Justice, chargé de l'enquête, a dit qu'aucun des étudiants disparus ne figurait parmi les 28 premiers corps. Mais il a ensuite nuancé en indiquant qu'il fallait encore attendre confirmation par les analyses indépendantes menées par des experts argentins.

Au-delà des difficultés techniques des autopsies, "le problème est que (les détenus) ne leur disent pas véritablement ce qui s'est passé et donc ils cherchent avec un bâton d'aveugle", estime Samuel Gonzalez, ancien procureur anti-drogue du Mexique.

"Il faut négocier avec les témoins efficaces pour qu'ils te disent la vérité. Tout est un problème de négociation, mais le gouvernement ne veut pas le faire par crainte des réactions de la société civile", estime Gonzalez. Selon lui, cette affaire terrible est le fruit "de la négligence de l'Etat" face à la situation de la région du Guerrero, une des plus pauvres du pays et au plus fort taux d'homicides.

Une mauvaise communication

Parallèlement, la communication erratique du gouvernement est mise en cause par les familles et les proches des victimes qui, méfiantes et sceptiques, ont exigé une enquête indépendante d'experts argentins.

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La gestion de la communication a été aussi critiquée par les médias, qu'on invite de manière répétée à des conférences de presse sans substance.

L'annonce lundi de pistes importantes dans une décharge publique de Cocula, près d'Iguala, a été l'exemple le plus étrange.

Les autorités judiciaires ont déplacé depuis Mexico une équipe réduite de reporters photographes sur un lieu, présenté comme décisif pour l'enquête, mais où il n'y avait ni trace de fosse, ni le moindre indice de restes humains.

"Il y a eu un problème d'évaluation des attentes. Le gouvernement se sent piégé par la pression publique et s'est vu obligé de donner des informations de peu de valeur pour ne pas donner une impression d'indolence", analyse Alejandro Hope.

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"Je n'ai souvenir d'aucune affaire dans laquelle les recherches prennent tant de temps avec toutes les informations dont ils disent disposer. A mon avis, il leur faut une stratégie d'enquête différente", pense Gonzalez.

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