Le rôle du conducteur du chasse-neige, la responsabilité des aiguilleurs du ciel, ainsi qu'une possible erreur des pilotes et la météo, sont au centre des investigations des enquêteurs russes et de ceux du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), après la mort du PDG de Total, Christophe de Margerie, dans un accident d'avion, à l'aéroport de Moscou.
Les trois enquêteurs du BEA sont arrivés mardi 21 octobre au soir à Moscou pour "3, 4, 5 jours, le temps qu'il faudra", accompagnés par deux conseillers techniques de la compagnie Unijet et un conseiller de Dassault Aviation, constructeur de l'appareil.
Ils devront déterminer pour quelles raisons le Falcon 50, livré en 2006, a pu heurter une déneigeuse qui se trouvait sur la piste de décollage de l'aéroport de Vnoukovo, près de Moscou, tuant le PDG de Total, les deux pilotes et un personnel de cabine.
Dans un premier temps, le comité d'enquête russe a évoqué "une erreur des aiguilleurs du ciel et les actes du conducteur de la déneigeuse", qui "était en état d'ivresse". Il a aussi avancé "les mauvaises conditions météorologiques et une erreur de pilotage".
Un aiguilleur novice
Selon une source au sein de l'aéroport de Vnoukovo parlant à l'AFP sous couvert de l'anonymat, l'aiguilleur du ciel qui contrôlait le décollage de l'avion de Total était une jeune recrue. "C'est une jeune fille qui avait été embauchée en août", a indiqué cette source à l'AFP.
Selon la presse russe, elle sortait tout juste de l'Ecole supérieure de l'Aviation d'Oulianovsk, sur la Volga, et était "stagiaire".
Mais toujours selon la presse, elle opérait toutefois sous l'oeil vigilant d'un contrôleur du ciel réputé, Alexandre Krouglov, connu surtout pour avoir empêché le crash d'un avion en 2007 à Vnoukovo.
Perte de repères
Le conducteur du chasse-neige a pour sa part déclaré avoir "perdu ses repères" et n'a pas entendu l'avion arriver sur son véhicule.
Placé en garde à vue pour 48 heures, cet homme de 60 ans qui, selon la chaîne russe Pervyi Kanal, travaille à l'aéroport moscovite de Vnoukovo depuis 10 ans, est apparu pour la première fois dans des images "amateur" réalisées au moment de son interrogatoire par des enquêteurs.
"J'ai perdu mes repères et je ne me suis pas rendu compte que j'entrais sur la piste de décollage", déclare l'homme sur ces images apparemment prises par un téléphone portable.
"L'avion était en train de décoller, je ne l'ai pratiquement pas vu ou entendu parce que ma machine fonctionnait (et faisait du bruit), qu'il n'y avait pas de lumière", ajoute-t-il sans qu'il soit possible de déterminer s'il parle des feux de position du Falcon 50 ou de balises lumineuses sur la piste.
"Et il y a eu le choc", conclut le conducteur qui doit être présenté devant un juge dans la journée.
Pour sa part, l'avocat du conducteur, Alexandre Karabanov, a affirmé que son client souffrait d'insuffisance cardiaque chronique. Il a ajouté que le conducteur avait pu consommer "quelques gouttes" d'alcool.
Mardi, l'avocat avait pourtant affirmé que le conducteur "ne boit jamais, cela peut être confirmé par sa famille, comme par les médecins", selon l'agence Interfax.
La succession s'organise
Le géant pétrolier Total doit faire face à la disparition brutale de son emblématique patron qui devrait être inhumé dans l'intimité dans une petite commune de la Manche.
Le processus est d'ores et déjà engagé pour combler le vide laissé par ce PDG, renouvelé en 2012 pour trois ans à la tête de la première entreprise française par ses bénéfices, et alors qu'il n'avait pas publiquement désigné de successeur.
Un conseil d'administration exceptionnel est organisé ce mercredi à 10H30 au siège de Total à Paris, selon des sources syndicales. Il vise à mettre en oeuvre la transition à la tête du groupe pétrolier, première entreprise française par ses bénéfices. Le président d'honneur Thierry Desmarest figure en bonne position pour assurer l'intérim.
Selon François Pelegrina, responsable du syndicat CFDT au sein du groupe, Thierry Desmarest "peut assurer sans souci" un intérim car "il fait partie des sages de ce groupe qu'il a dirigé".
Le secrétaire général, Jean-Jacques Guilbaud, a déjà garanti que le colosse de l'énergie était "organisé pour faire face à cet événement tragique".
Des noms qui circulent
Parmi les responsables de Total susceptibles de succéder à Christophe de Margerie, les noms de Patrick Pouyanné, directeur général de la branche Raffinage-Chimie et de Philippe Boisseau, qui dirige la branche Marketing & Services et Energies nouvelles, reviennent souvent.
Le futur patron du géant pétrolier aux 100.000 employés, qui affichait en 2013 un chiffre d'affaires de 189,5 milliards d'euros, devrait en tout cas être choisi en interne, une tradition chez Total.
Il sera confronté aux défis importants d'une croissance moindre de la production d'hydrocarbures, d'une crise du raffinage en Europe et des retards pris dans le développement de certains projets.
Le groupe a d'ailleurs déjà commencé à s'y attaquer, en annonçant fin septembre un plan de réduction des coûts et une baisse de ses investissements, que le successeur de Christophe de Margerie devra orchestrer.
Il aura aussi à trouver une solution pour réduire les surcapacités dans le raffinage en Europe, une volonté également affichée fin septembre mais non détaillée, même si aucun plan social ne devrait toucher la France.
Christophe de Margerie, qui avait sillonné le monde et les plus de 130 pays où Total est représenté, sera inhumé dans l'intimité à Saint-Pair-sur-Mer (Manche), "a priori après une cérémonie officielle avec des personnalités à Paris", selon des sources officielles concordantes.
(Avec AFP)