Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'ĂŞtes pas inscrit sur Le Monde ?

Ben Bradlee, rédacteur en chef du « Washington Post », est mort

A la tête du «  Washington Post » de 1965 à 1991, il est une figure légendaire du journalisme. Il s'est éteint mardi à 93 ans.

Par  (Washington, correspondant)

Publié le 22 octobre 2014 à 03h26, modifié le 23 octobre 2014 à 11h22

Temps de Lecture 4 min.

Ben Bradlee, Ă  Paris le 6 mai 1973.

Il n'est pas donné à tout journaliste de se voir porté à l'écran, a fortiori quand l'acteur qui vous interprète obtient un Oscar du second rôle masculin. Patron du Washington Post pendant le Watergate, Ben Bradlee, mort à 93 ans le mardi 21 octobre à Washington, avait eu ce privilège en 1976, avec Les Hommes du président. Un parmi d'autres d'une riche carrière emblématique de ce que le journalisme américain peut donner de meilleur.

Benjamin Crowninshield Bradlee naît le 26 août 1921 à Boston (Massachusetts), dans une famille aisée, toutefois affectée par la crise financière de 1929. Deuxième d'une fratrie de trois enfants, il est frappé par la poliomyélite à l'âge de 14 ans, une maladie rapidement surmontée, mais qui lui permet d'apprécier les vertus de la ténacité. Un an plus tard, il fait ses premières armes comme reporter stagiaire dans un journal du Massachusetts où il a pu entrer grâce aux relations de son père, The Beverly Evening Times.

CORRESPONDANT PARISIEN DE « NEWSWEEK »

Passé par Harvard, comme de nombreux membres de sa famille, il obtient ses diplômes en grec et en littérature anglaise en août 1942. Depuis quelques mois, les Etats-Unis sont entrés en guerre et Ben Bradlee, tout juste marié, rejoint la Navy où il se découvre des talents de meneur d'hommes. Trois ans plus tard, il rejoint une première fois le Washington Post. C'est parce qu'il s'ennuie dans ce journal fondé en 1877 et aux ambitions alors très modestes qu'il accepte un poste d'attaché de presse à l'ambassade des Etats-Unis à Paris.

Il en subit les contraintes deux ans et demi avant d'être rattrapé par sa passion. Un nouveau magazine, Newsweek, cherche un correspondant en Europe, ce sera lui. Il couvre la guerre d'Algérie, les tumultes du Proche-Orient ou le mariage de Grace Kelly et du prince Rainier de Monaco. Il n'aura de cesse, une fois aux affaires à la tête du Post, d'enrichir son réseau à l'étranger.

En 1957, Ben Bradlee, retourne aux Etats-Unis au bras d'une nouvelle épouse, Antoinette Pinchot, rencontrée dans une soirée. Installé dans la capitale fédérale, il convainc le propriétaire du Washington Post, Philip Graham, d'acheter Newsweek, alors à vendre. Cette opération le propulse au cœur du quotidien en même temps qu'elle lui procure une aisance financière compte tenu de la rétribution dont il est gratifié. Le flair et la chance sont ses amis. Dans son quartier de Georgetown, le journaliste avait fait la connaissance d'un ancien d'Harvard, un jeune sénateur ambitieux, John Kennedy. Ce dernier est élu à la présidence des Etats-Unis quelques mois avant l'achat de Newsweek.

Avec Katharine Graham, en 1971 devant le tribunal de Washington.

C'est en 1965 que la propriétaire du Post, Katharine Graham, qui gère le titre depuis le suicide de son mari, décide d'en confier la direction à Ben Bradlee. Ce dernier, nez de boxeur et chemises classieuses Turnbull & Asser dont il roule invariablement les manches, administre alors un traitement de choc au quotidien, embauche des journalistes aguerris et crée en 1969 un supplément, Style, qui accompagne cette mue.

LA DÉMISSION DE RICHARD NIXON

Si le nom du patron du Post est avant tout attaché au scandale du Watergate, ce dernier ne saurait éclipser le rôle joué par les « Pentagon Papers », des documents relatifs à la guerre du Vietnam dans laquelle les Etats-Unis se sont enlisés. Dans cette affaire, le Washington Post a été devancé par le prestigieux New York Times, mais une fois son retard comblé dans l'obtention des documents, Ben Bradlee ferraille aux côtés du quotidien new-yorkais pour obtenir de la justice le droit de continuer à diffuser ce récit sans concession d'un fiasco politique et militaire.
C'est fort de cette victoire comme du soutien indéfectible de Katherine Graham que Ben Bradlee décide de couvrir deux de ses reporters, Carl Bernstein et Bob Woodward, qui s'intéressent en 1972 au cambriolage de locaux du Parti démocrate à Washington. Deux ans d'enquête appuyée sur les confidences d'une source, « Deep Throat » (« Gorge profonde »), aboutiront au plus grand scandale politique de l'histoire des Etats-Unis et à la démission du président républicain Richard Nixon. Le Washington Post de Ben Bradlee est alors au sommet de sa réputation, rétribué en son poids de prix Pulitzer.

Barack Obama remet à Ben Bradlee la médaille présidentielle de la liberté, en novembre 2013 à la Maison Blanche.

Remarié une troisième fois en 1978 avec une journaliste de Style, Sally Quinn, de vingt ans sa cadette, le patron du Post connaît cependant son plus grand déboire professionnel en 1981 lorsque l'une de ses journalistes, Janet Cooke, doit rendre un Pulitzer récompensant un reportage inventé de toutes pièces sur le quotidien d'un enfant de 8 ans drogué à l'héroïne.

Ben Bradlee avait quitté le Post en 1991, à 70 ans, et publié des livres à succès notamment sur sa relation avec John Kennedy. Ces livres avaient entretenu une légende auquel son quotidien, racheté il y a un an par Jeff Bezos à la famille Graham, a rendu un dernier hommage en « une », sur quatre colonnes, mercredi 22 octobre.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

RĂ©utiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă  la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez Ă  lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.