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Analyse

Hong Kong ou le blocage chinois

Après l'effervescence des débuts, le mouvement de protestation s'est enlisé à Hong Kong. Pékin joue l'immobilisme et use de l'arme financière pour contraindre le territoire à se soumettre à sa loi. Une situation figée, qui n'en est pas moins dangereuse.

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Par Gabriel Grésillon

Publié le 31 oct. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Ce fut une irruption spontanée et inattendue de mécontentement, un vaste et sympathique soulèvement d'une jeunesse aspirant à la démocratie. Ce fut un événement superbement télégénique, où les parapluies se sont imposés comme le symbole de manifestants n'ayant, pour toute arme, que leurs rêves. Ce fut un de ces épisodes médiatiques qui embrasent un peu vite les esprits occidentaux : vingt-cinq ans après le soulèvement populaire de la place Tiananmen, à Pékin, on allait à nouveau assister au bras de fer opposant le pouvoir chinois à une partie de son peuple. Allait-il envoyer les chars ? Ou, au contraire, céder devant l'inéluctable marche de la démocratie ?

Un mois plus tard, il n'y a eu ni char, ni révolution, ni même réel progrès dans le blocage qui secoue la société hong-kongaise. Et aucune issue simple ne se dessine. Les manifestants démocrates ? Ils sont moins nombreux, mais continuent de se montrer inflexibles et d'exiger un suffrage universel authentique lors de l'élection de 2017. Autrement dit, ils refusent que les candidats à ce scrutin soient présélectionnés par le Parti communiste chinois. Le gouvernement ? Il se plie, par définition, au souhait de Pékin, pour qui renoncer au contrôle politique sur Hong Kong est aussi inenvisageable que le serait tout scénario d'autonomie dans les territoires du Grand Ouest chinois (Tibet et Xinjiang). Entre les deux camps, il y a un mur d'incompréhension. En apparence dynamique il y a un mois, la situation est devenue dangereusement statique.

Statique comme risque de le devenir l'économie à Hong Kong. Tandis que les prévisions de croissance sont revues à la baisse, Pékin actionne son levier le plus puissant : la contrainte financière. Depuis quelques mois, l'ancienne colonie britannique était portée par un souffle nouveau dans les milieux financiers. Le Premier ministre chinois avait promis la création d'un lien entre les Bourses de Hong Kong et de Shanghai. D'apparence technique, la mesure était en réalité majeure : elle devait permettre à des étrangers de pouvoir enfin, via Hong Kong, acheter ou vendre des actions cotées à Shanghai. L'effervescence est en train de retomber, car l'hypothèse d'une mise en service à la fin octobre, qui était dans tous les esprits, tombe. Pékin pratique avec un remarquable talent la stratégie du silence et laisse la Bourse de Hong Kong communiquer sur cette incertitude. Sans dire un seul mot, le pouvoir chinois fait passer, malgré tout, ce message très clair : plus que jamais, Hong Kong a besoin de la dynamique chinoise. A trop vouloir s'émanciper de la tutelle de Pékin, la ville pourrait tout perdre.

Statique aussi comme l'est devenue la société hong-kongaise. Derrière les aspirations politiques des étudiants, il y a une réalité économique que plus aucun analyste ne conteste réellement : à Hong Kong, la société est dangereusement polarisée. Entre une infime élite économique à la richesse débridée et des classes moyennes prises en étau devant la flambée des prix immobiliers, l'incompréhension s'est installée. Pour une partie de la jeunesse hong-kongaise, la promesse de lendemains meilleurs semble cassée. C'est probablement ce qui angoisse le plus Pékin : au-delà de la composante politique, Hong Kong apparaît comme le poste avancé d'une Chine qui entre dans une phase de son développement où la croissance, par définition, ne peut plus être aussi tonitruante. Pour un régime chinois qui a confisqué le pouvoir en échange d'une promesse implicite d'amélioration continue des conditions de vie, les mésaventures de Hong Kong sont un avant-goût amer de ce qui pourrait, un jour, lui arriver.

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Statique enfin, comme l'équation politique chinoise. Car les observateurs qui tirent de ce blocage la conclusion que Pékin va devoir, d'une manière ou d'une autre, avancer sur le chemin de la démocratie, risquent de déchanter, au moins à brève échéance. De fait, la lecture économique de la crise hong-kongaise apporte presque de l'eau au moulin du président Xi Jinping au moment où ce dernier s'emploie à concentrer les pouvoirs dans ses mains et à renforcer la tutelle de Pékin sur tous les sujets. Engagé dans une vaste campagne visant à redorer le blason du Parti communiste, le chef de l'Etat s'attaque non seulement à la corruption, mais plus globalement à la gestion que font les officiels locaux des territoires dont ils ont la charge. Après des années de dérive où le pouvoir a semblé devenir essentiellement un instrument permettant l'enrichissement personnel, Xi Jinping rappelle aux cadres que leur mission est d'être à l'écoute du peuple et de se dévouer pour ses intérêts. Dans ce contexte, le chef de l'exécutif hong-kongais, CY Leung, représente ce qu'il ne faut pas faire. Face au creusement des inégalités, il apparaît désemparé. Il est l'incarnation même de ces officiels déconnectés de la base, excessivement riches et devenus incapables de diriger correctement leur territoire. Il n'est donc pas interdit de faire l'hypothèse que, dans la perspective de Pékin, son échec donne raison à Xi Jinping.

La situation politique à Hong Kong apparaît dangereusement bloquée. Suffisamment, en tout cas, pour que les médias internationaux se lassent progressivement de ce récit à l'orientation floue. Mieux vaudrait pourtant ne pas se désintéresser de ce qui se joue sur ce tout petit bout de territoire. Car, dans sa stratégie du rapport de force comme dans son refus d'écouter les aspirations démocratiques de la jeunesse hong-kongaise, le pouvoir chinois démontre à quel point il est incapable d'accompagner la marche de l'Histoire dès lors que sa toute-puissante mainmise sur les affaires du pays est en jeu.

Les points à retenir

Pour reprendre la main, Pékin use de l'arme économique en suspendant par exemple le rapprochement entre les Bourses de Hong Kong et de Shanghai.

Hong Kong apparaît comme le poste avancé d'une Chine qui entre dans une phase de son développement moins tonitruante.

Paradoxalement, le soulèvement hong-kongais donne des arguments à Xi Jinping dans sa volonté de renforcer sa tutelle sur les territoires.

Correspondant des « Echos » à Pékin Gabriel Grésillon

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