Un pas est franchi. Les victimes de discriminations pourront bientôt faire condamner ensemble en justice les structures coupables. Dans un entretien accordé aux lecteurs du Parisien, ce 4 mars, François Hollande prend l’engagement que l’action de groupe, aujourd’hui réservée aux biens et aux services, sera bientôt possible pour des particuliers s’estimant discriminés.
« Le racisme n’est pas que dans les stades de football. Il peut aussi être dans les transports, ou sur les lieux de travail. Je n’accepterai jamais sa banalisation », a affirmé M. Hollande. « Quand les actes se multiplient, les victimes se découragent et ne portent pas toujours plainte (…) Il ne doit y avoir aucune faiblesse face à de tels actes. Le gouvernement a introduit ce que l’on appelle l’action de groupe : elle permet à une catégorie de consommateurs ou de locataires qui se considèrent lésés par une décision d’aller ensemble en justice. Désormais, face aux discriminations, je souhaite que l’action de groupe soit également possible », a-t-il ajouté.
Le chef de l’Etat approuve ainsi sa ministre de la justice, Christiane Taubira, qui a annoncé le 18 février sa volonté de présenter prochainement au Parlement un projet d’action de groupe s’appliquant à la lutte contre les discriminations. D’ailleurs, une proposition de loi, défendue par le député de Seine-Saint-Denis Razzy Hammadi, est déjà prête à l’emploi.
Le texte donne la possibilité à plusieurs personnes s’estimant victimes d’une discrimination liée à l’origine, le sexe, le handicap, l’âge ou encore les appartenances religieuse, politique et syndicale, de saisir collectivement la justice pour obtenir réparation. Rien ne garantissait que cette idée, dans l’air depuis des années, ne voit le jour avant 2017, même si elle faisait partie des propositions du candidat Hollande en 2012.
Lutter contre les « inégalités structurelles »
À l’origine, l’action de groupe, version française de la « class action » américaine, avait été lancée en France en 2007, par le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) et son président Louis-Georges Tin. « C’était pendant la campagne présidentielle, et de nombreuses associations ont travaillé avec nous autour de cette idée que nous avons lancée », rappelle-t-il, aujourd’hui, heureux que ce dossier, que le CRAN n’a jamais abandonné, avance enfin.
Ensuite, l’idée a été reprise pour être portée politiquement. D’abord par la sénatrice EELV Esther Benbassa, qui a déposé, en 2013, une proposition de loi allant dans ce sens. Ensuite, des députés socialistes lui ont emboîté le pas.
Après les attentats de janvier, cette loi devient un moyen de lutter contre la persistance « d’inégalités structurelles ». Cette action pourra se faire par l’intermédiaire d’une association, d’un syndicat représentatif ou du défenseur des droits. Outre le fait de se prononcer sur la responsabilité de la structure, le juge créera un groupe de victimes bénéficiant de l’indemnisation. Tout cela rend la procédure moins lourde, moins onéreuse et plus sûre d’aboutir.
Simplifier la démarche pourrait permettre à la moitié des victimes qui jusqu’alors ne se manifestaient pas, selon une enquête du défenseur des droits et du Bureau international du travail, de porter collectivement un dossier. Ce qui pourrait en retour, estime Razzy Hammadi « créer un effet dissuasif fort, autrement dit une incitation majeure en faveur de l’équité, notamment auprès des établissements publics ou des sociétés qui avaient des pratiques condamnables ».
Si le député espère voir son texte discuté avant l’été, il n’est pas certain que le calendrier parlementaire le permette. Louis-Georges Tin, lui, sera vigilant aux discussions. « Des amendements peuvent tuer un texte », estime-t-il, pourtant confiant dans la qualité de la proposition.
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