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Dans le Sinaï, escalade guerrière entre l’Egypte et l’Etat islamique

De violents combats ont eu lieu dans le nord du pays entre l’armée et les djihadistes, qui tirent parti, pour recruter, de la répression des Frères musulmans par le président Sissi.

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Publié le 02 juillet 2015 à 12h20, modifié le 02 juillet 2015 à 11h35

Temps de Lecture 4 min.

De la fumée s’élève dans le nord du Sinaï, en Egypte, vu depuis la frontière avec la bande de Gaza, le 1er juillet.

La longue guerre d’usure entre le pouvoir égyptien et les groupes djihadistes a cédé le pas à une guerre ouverte. Deux ans jour pour jour après la destitution du président islamiste Mohammed Morsi par l’armée, les combattants affiliés à l’Etat islamique (EI) semblent déterminés à entraîner les nouvelles autorités dans une escalade meurtrière. Encore sous le choc de l’attentat qui a coûté la vie au procureur général au Caire lundi, l’Egypte a subi, mercredi 1er juillet, une nouvelle offensive contre ses forces de sécurité qui a fait des dizaines de morts dans le nord de la péninsule du Sinaï.

Les rares témoignages et comptes rendus militaires des combats meurtriers qui ont secoué cette région, soumise depuis plus d’un an à un quasi black-out médiatique, livrent une image encore parcellaire. Quelques minutes avant la levée du couvre-feu, à 6 heures du matin, 70 combattants armés ont attaqué plusieurs positions de l’armée dans la région d’Al-Arich, chef-lieu du Nord-Sinaï, et de Cheikh Zouweid, utilisant des voitures piégées et des roquettes, selon des sources sécuritaires.

La « Province du Sinaï », le nom pris par le groupe Ansar Beit Al-Maqdis (« Les partisans de Jérusalem ») après son allégeance à l’EI en novembre 2014, a revendiqué l’attaque de 15 postes de contrôle, dont trois par des kamikazes. Les djihadistes se seraient emparés d’armes et de véhicules blindés.

Bilan meurtrier

Les combats se sont poursuivis pendant près de huit heures à Cheikh Zouweid où les djihadistes ont assiégé le commissariat, prenant la ville de 60 000 habitants en otage. Ils ont miné les environs du bâtiment pour empêcher l’arrivée de renforts, avant de prendre position sur les toits des immeubles alentours et d’attaquer le bâtiment avec des lance-roquettes, des mortiers et des mitrailleuses, selon des sources sécuritaires.

Les forces de sécurité égyptiennes n’ont réussi à reprendre le dessus qu’avec l’appui de l’aviation et notamment le déploiement inédit de chasseurs F-16, auquel Israël a donné son feu vert conformément aux dispositions prévues par les accords de paix de 1979.

Le bilan de 17 soldats tués et 100 djihadistes abattus, fourni mercredi soir par l’armée, a été accueilli avec réserve par les observateurs. Des sources médicales et sécuritaires citées par les agences de presse parlent plutôt d’au moins 70 soldats et civils tués, le bilan le plus meurtrier essuyé à ce jour par les forces de sécurité.

« Lors des précédentes attaques, l’armée a masqué la réalité des faits. Nos sources indiquent qu’au moins 25 à 30 soldats ont été tués dans l’attaque de postes de contrôle, et 8 à 12 autres kidnappés », indique Shérif Mohie Eddin, chercheur en contre-terrorisme à l’Initiative égyptienne pour les droits individuels. Un civil ayant refusé de laisser l’accès à son toit aurait été tué par les djihadistes, poursuit-il.

« Revers pour l’armée »

Ces attaques, jugées sans précédent au vu du nombre de forces mobilisées et de l’armement utilisé, soulignent l’incapacité des autorités égyptiennes à enrayer l’insurrection djihadiste dans le Sinaï, qui a déjà coûté la vie à des centaines de soldats et de policiers depuis deux ans. « C’est un revers pour l’armée qui commençait à engranger des victoires sur le terrain et à imposer son contrôle sur de larges pans de territoires entre Al-Arich et Rafah », indique M. Mohie Eddin. La « Province du Sinaï », forte de 300 à 500 combattants aguerris, selon les experts, dont certains anciens officiers de l’armée, a su s’adapter et perfectionner une stratégie d’attaques sophistiquée initiée en octobre 2014.

La défiance envers le pouvoir central s’est accrue, alimentée par cinquante ans de marginalisation politique et économique.

La stratégie contre-insurrectionnelle des forces de sécurité égyptiennes et la gestion sécuritaire de la population sont mises en cause par les experts. Au sein de la population locale, majoritairement bédouine, la défiance envers le pouvoir central s’est accrue, alimentée par cinquante ans de marginalisation politique et économique. La population paie un lourd tribut dans les opérations coups de poing de l’armée, les offensives aériennes aveugles, les restrictions au passage des nombreux postes de contrôle déployés sur les routes du Sinaï. La ville de Rafah a même été détruite pour établir une zone tampon à la frontière avec la bande de Gaza. Cette politique pousse chaque jour de nouvelles recrues dans les bras de l’organisation.

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Le meurtre du procureur général Hicham Barakat, lundi 29 juin, également attribué à l’EI par les experts, et les attaques dans le Sinaï font craindre une dangereuse escalade en Egypte, après les attentats perpétrés en Tunisie et au Koweït. Par la voix de son porte-parole, l’organisation a appelé à lancer des attaques massives pendant le mois de ramadan, entré dans sa troisième semaine.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Le procureur général égyptien tué dans un attentat au Caire

La politique répressive imposée par les autorités égyptiennes aux Frères musulmans et aux islamistes alimente la détermination des djihadistes de la « Province du Sinaï » et décuple leurs capacités de recrutement jusque dans les autres provinces égyptiennes.

Durcissement sécuritaire

La réponse des autorités égyptiennes à cette nouvelle escalade meurtrière ne s’est pas fait attendre. Le Caire a choisi le durcissement sécuritaire et l’amalgame entre les sympathisants de la confrérie des Frères musulmans et les djihadistes du Sinaï. En réponse au meurtre du procureur général, le président Abdel Fattah Al-Sissi a promis mardi de durcir la législation et d’exécuter les responsables des Frères musulmans, condamnés à la peine capitale dans plusieurs procès.

Ces promesses ont été mises à exécution mercredi, avec le vote par le cabinet d’une nouvelle loi antiterroriste qui prévoit « des procédures pour assécher les sources de financement du terrorisme » et doit « offrir une justice rapide et venger nos martyrs », selon un communiqué.

Les forces de sécurité égyptiennes n’ont pas attendu pour mettre à exécution leur détermination. Mercredi, un haut responsable des Frères musulmans, Nasser Al-Houfi, et huit membres de la confrérie islamiste ont été tués dans un raid policier dans la cité du 6-Octobre, près du Caire. Dénonçant un « meurtre de sang-froid », les Frères musulmans ont appelé à la « rébellion pour défendre le pays » et « détruire les citadelles de l’oppression et de la tyrannie ».

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