Jeunes Lunellois morts en Syrie : "C’est un échec pour nous tous"

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  • Tahar Akermi travaille auprès des jeunes de Lunel depuis 27 ans.
    Tahar Akermi travaille auprès des jeunes de Lunel depuis 27 ans.
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    Jeunes Lunellois morts en Syrie : "C’est un échec pour nous tous"
Publié le
CAROLINE FROELIG

Éducateur à Lunel, Tahar Akermi a connu tous les jeunes morts en Syrie. Il rappelle tous les adultes à leurs responsabilités.

Vous avez vu passer dans vos activités les quatre jeunes qui sont morts le week-end dernier en Syrie. Quelque chose laissait-il imaginer que cela pourrait leur arriver ?

Effectivement, ces jeunes ont pratiqué de temps à autre des activités qu’on leur a proposées. Et non, quand on connaît des jeunes comme ça, on ne peut l’imaginer. Franchement, on est choqué. Personnellement, je suis choqué, choqué, choqué ! Qu’on en arrive là, avec des jeunes qui ont entre 19 et 25 ans, c’est un drame, c’est un échec pour nous tous.

Selon vous, peut-on et doit-on chercher des responsabilités ailleurs que dans un choix personnel ?

On ne peut pas se permettre de dire que des gamins - à mon âge je peux me permettre de le dire - de 19 ans, de 22 ans, auraient fait des choix personnels. Je suis désolé, ce n’est pas ça. Il y a eu à un moment donné, une déviance dans leur parcours. Qui est difficile à analyser. Alors je préfère retourner la responsabilité aux adultes que nous sommes. Nous en avons tous une part. Je me sens un peu responsable parce que je travaille sur cette ville depuis pratiquement 27 ans.

Franchement, j’ai une boule au ventre et je me dis : “Quelque part, tu as raté un truc “. Je pense que j’ai une responsabilité, comme tous les adultes qui sont autour. Que ce soit la famille, l’Éducation nationale, tous ceux qui sont censés être responsables de la jeunesse. Il faut être adulte et lucide pour se dire que nous sommes tous responsables.

Le fait que les gens ne veuillent pas parler, dans Lunel, est-il lié à un mal-être, un sentiment de ce type ?

Il ne faut pas oublier que l’on a une communauté qui est déjà stigmatisée par la problématique de cette société : le chômage ! Avec aussi des conditions sociologiques hypercompliquées. Alors en plus à partir d’un drame, les gens n’ont pas envie de parler. D’autant plus qu’aujourd’hui il faut être honnête, tout ça ne se passe pas à Lunel, pas en France, mais sur la planète ! Il se trouve que la religion musulmane est sous les projecteurs - personne ne va le nier - et dès qu’une problématique concerne cette communauté-là, tout le monde se sent concerné. Alors les gens n’ont pas nécessairement envie de s’exposer.

Avec mon expérience, je me permets de parler, parce que je me dis que nous avons cette responsabilité, nous, la majorité silencieuse, la communauté des gens de Lunel. Nous devons donner notre point de vue. Ce n’est pas en se retranchant, que nous allons trouver des solutions et avancer vers des choses meilleures.

Que faire pour éviter que d’autres jeunes ne connaissent un même sort ?

C’est compliqué et sensible. J’ai constaté à travers mon boulot qu’à partir de 10 ans, puis pour tous les jeunes que je rencontre jusqu’à 25 ans, la confrontation à l’adulte est complètement absente. Si on laisse un jeune se construire à travers la télévision et internet, regardez ce que ça donne...

Tout le monde doit en prendre conscience, notamment les gens qui s’engagent, sur le plan associatif et politique. S’engager, c’est prendre sa part de responsabilité et s’adresser à la population. Pas uniquement à la masse. Il y a des gens plus fragiles que d’autres, qui nécessitent de la rencontre et du face à face. Du vrai débat. Aujourd’hui, les jeunes sont demandeurs. Mais il ne faut pas débattre après un drame. Ça ne sert à rien. Laissons l’émotion redescendre. Après, on pourra réfléchir, avec des gens qui se sentent responsables.

Selon vous, ce drame peut-il provoquer un sursaut ou une réaction positive, à terme ?

Je suis quelqu’un de positif. C’est ce qui me donne la flamme pour continuer à travailler dans ce milieu. Moi, je crois à l’être humain. Des fois, il suffit de pas grand-chose. On demande juste du temps aux gens, qu’ils soient des professionnels ou de simples citoyens. Ce que l’on a perdu dans cette société, c’est l’échange avec l’autre. Il est important que les points de vue soient donnés et que les gens puissent échanger.

En France, notre société est en train de se disloquer et ma grande crainte, c’est que les gens se referment. Évitons le communautarisme. Pour moi, ce n’est pas trop tard. Tout le monde a envie de paniquer parce qu’on a tous les projecteurs sur notre ville. Mais cela ne m’effraie pas. Il y a un drame. Les caméras se rapprochent, c’est notre société qui veut ça. Mais il faut rester lucide. L’être humain a cette capacité de rebondir et de passer à autre chose. Il peut surprendre. Dans le bon sens.

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