Le tremblement de terre de magnitude 7,8 survenu samedi au Népal a fait a fait au moins 3600 morts, selon un dernier bilan publié par le service de gestion des catastrophes du ministère népalais de l'Intérieur. Dans une zone à risques, était-il possible d'empêcher ce drame? Les explications de Rémy Bossu, responsable du Centre Sismologique Euro Méditerranéen (CSEM).

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Pourquoi le Népal est-il une zone à risque?

Le sous-continent indien se déplace vers le nord. La plaque indienne remonte, d'environ 4 centimètres par an, passant sous la plaque eurasienne avec laquelle elle est entrée en collision Il y a quelque 50 millions d'années. Cette collision est à l'origine de la formation de la chaîne montagneuse de l'Himalaya. A intervalles relativement réguliers, la pression accumulée entre les deux plaques provoque une rupture, à l'origine des ondes qui en se propageant créent un séisme comme celui que le Népal vient de connaître. Ce séisme a provoqué un déplacement de plusieurs mètres de matière rocheuse sur 120 à 150 km de large. Le point de rupture se situe à quelque 15 km de profondeur, là où les deux plaques entrent en collision.

La nature du sol est-il lié à la gravité des effets d'un tremblement de terre?

Oui. L'effet d'un séisme dépend de la nature des couches géologiques supérieures de la terre. C'est ce qu'on appelle l'effet de site. Dans les bassins ou les vallées sédimentaires, comme celle du Népal, la vitesse des ondes est ralentie, mais leur amplitude accentuée. C'est le cas aussi à Los Angeles ou à Grenoble.

Est-il possible de prévoir un séisme?

Non. Aujourd'hui, on ne sait pas le faire. Pas à une échelle de temps qui soit utile pour la prévention, l'évacuation des populations.

On sait cependant qu'un séisme important augmente la probabilité d'autres séismes, pendant des semaines, voire des mois. La rupture perturbe le milieu rocheux. La plupart du temps on assiste à des répliques qui permettent le réajustement des masses rocheuses. En général, les répliques diminuent en magnitude et en fréquence. Mais dans certains cas, un séisme peut être suivi d'un autre séisme de même importance, comme à Ferrara (Italie) en 2012.

Les travaux des sismologues ont pourtant permis d'avancer dans la connaissance de la récurrence des phénomènes sismiques...

Oui, mais les mouvements tectoniques mettent en parallèle deux échelles de temps. Le temps géologique qui se mesure en millions d'années, et le temps des séismes qui est l'affaire de minutes, de secondes.

On sait en revanche que lorsqu'une portion d'une faille a cassé sur 100 ou 150 km comme cela vient de se produire, que l'énergie accumulée des deux côtés de cette zone reste à libérer et pourra générer de nouveaux séismes. Reconstituer l'historique des séismes anciens dans une région donnée peut aider à évaluer la possibilité d'autres ruptures.

C'est-à-dire?

Chaque zone sismique a ses particularités. Pour l'Himalaya, des recherches récentes dans le secteur du tremblement de terre survenu samedi, ont montré que la période de retour -la durée moyenne entre deux séismes équivalents- oscille entre 600 et 800 ans. Mais cette régularité, à échelle géologique, peut varier de plusieurs dizaines, voire centaines, d'années.

L'expérience de Parkfield, en Californie, illustre la difficulté de prévoir les mouvements tectoniques. Une série de séisme de magnitude équivalente (environ 6 sur l'échelle de Richter) s'étaient produits tous les 20 ans à six reprises entre 1857 et 1966 sur le même segment de la faille de San Andreas. Des sismologues ont donc installé, dans les années 1980, des instruments pour essayer de déterminer, justement, s'il était possible de détecter des signes précurseurs d'un nouveau séisme. Ils ont dû attendre 2004, soit un quinzaine d'années de plus que l'intervalle prévu pour assister à un nouveau séisme équivalent aux précédents.

Quel moyen reste-t-il, alors, pour éviter de nouvelles catastrophes?

La seule protection efficace est d'éviter que les bâtiments ne s'effondrent. On ne meurt pas d'un tremblement de terre mais de l'effondrement des bâtiments qu'il provoque. Or, la plupart des habitations des pays pauvres sont extrêmement fragiles en cas de séisme... Avec l'explosion de la population mondiale au cours des deux derniers siècles, on a construit énormément de bâtiments peu adaptés au risque sismique.

Agir contre les séismes, c'est comme agir contre le réchauffement climatique. On sait que la menace est réelle, inévitable. Mais on préfère consacrer des moyens à ce qui peut sembler plus urgent.




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