VIDEO. Profession croque-mort : il livre les plus belles perles de son métier

Toussaint. Guillaume Bailly raconte son quotidien d'employé des pompes funèbres à travers une foule d'anecdotes, drôles ou dramatiques, réunies dans un livre qui vient de paraître.

Cimetière du Montparnasse(Paris XIVe), jeudi. Guillaume Bailly apprécie le côté humain de son métier qui n’était pas une vocation  : «?Je suis entré par hasard dans la professionet j’y suis resté par passion. »
Cimetière du Montparnasse(Paris XIVe), jeudi. Guillaume Bailly apprécie le côté humain de son métier qui n’était pas une vocation  : «?Je suis entré par hasard dans la professionet j’y suis resté par passion. »

    Dans d'autres vies, Guillaume Bailly a été vigile, conseiller financier, agent immobilier, vendeur de voitures sans permis... Jusqu'au jour où, il y a une douzaine d'années, en Bretagne, il a répondu à une offre d'intérim : porteur de cercueils et de couronnes de fleurs lors des enterrements. « Comme la plupart de mes collègues, ce n'était pas une vocation, je suis entré par hasard dans la profession et j'y suis resté par passion. C'est un observatoire idéal de la sociét?, explique celui qui prend soin des défunts, ceux-là même que des millions de Français honoreront aujourd'hui et demain à l'occasion de la Toussaint.

    Le gaillard de Landerneau (Finistère) a été formé à la conduite de corbillard, à la mise en bière avant d'enfiler le costume de maître de cérémonie et de conseiller funéraire. Pendant une décennie, celui qui est devenu la plume du magazine « Funéraire Info » s'est invité à quelque 2 000 enterrements, soit presque autant d'histoires à pleurer ou à rire, racontées avec bienveillance dans son livre*. Ses mémoires de jeune croque-mort de 38 ans ont déjà été vendues à près de 25 000 exemplaires en trois semaines

    Au menu de ces incroyables tranches de vie : les deux fils qui débarquent ivres morts aux obsèques de leur mère, les enfants héritiers qui demandent à ce qu'on accélère l'inhumation pour être à l'heure au rendez-vous avec le notaire, la maîtresse éplorée qui croise la veuve légitime ou la levée de corps d'un vieux défunt coquin au club échangiste. « De vraies situations de vaudeville ! Et quand il y a des conflits, comme ce frère et cette soeur qui se battent dans l'église sous les yeux d'un curé de 80 ans qui menace de faire un infarctus, c'est que le porte-monnaie est souvent derrière », résume-t-il.

    Surtout, l'auteur enterre les clichés qui collent à la peau du croque-mort. « Non, il ne se fait pas du fric sur le malheur des gens. Moi, au bout de dix ans, je gagnais 1 400 â?¬. Mourir, ce n'est pas gratuit. C'est comme naître. La différence, c'est que la naissance est remboursée par la Sécu. » Autre idée reçue : l'employé des pompes funèbres serait un « imbécile alcoolique qui n'a rien foutu à l'école ». « Totalement faux ! J'ai rencontré tous les profils : de l'ouvrier qui a perdu son boulot au séminariste qui a perdu la foi. On est dans un milieu technique, juridique, clinique. Les gothiques sont malheureux chez nous, car il n'y a pas de chauve-souris dans les funérariums », sourit-il.

    « Un bon croque-mort doit faire preuve d'empathie et d'intelligence émotionnelle. Si on pleure avec les familles, à raison de deux enterrements par jour, on ne finit pas la semaine. » Il est quand même des images qui l'obsèdent. Comme celle, poignante, de cette fillette qui appelle (feu) sa maman devant la tombe.

    Guillaume voit aussi de près les évolutions du marché, les effets de la crise avec des clients qui demandent une ristourne, la tendance à la personnalisation des funérailles. Il se souvient d'un « vieil anarchiste » qui a eu droit sur son cercueil à des copeaux de « Charlie Hebdo » plutôt qu'à des pétales de fleurs. Il a dû parfois s'adapter à des exigences de mauvais goût  : diffuser le tube préféré du défunt, « Allumez le feu » de Johnny... au crématorium, oui « I Believe, I Can Fly » (« J'imagine que je peux voler ») de R. Kelly, qu'adorait ce malheureux qui s'est défenestré. Il jure n'avoir jamais eu de fous rires, mais reconnaît s'être mordu la lèvre plus d'une fois. « Dans ce métier, il faut un sens du recul très prononcé. » Mieux vaut savoir relativiser quand on doit rédiger l'éloge funèbre d'un homme qui s'est fâché avec tout le monde, ses fils en particulier, qui souhaitent qu'on présente « papa » comme un « abruti »... « Ce qui est gratifiant dans le boulot, c'est quand la famille nous dit à l'issue de la cérémonie : Merci, c'était vraiment très bien ! »

    * « Mes sincères condoléances, les plus belles perles d'enterrements », de Guillaume Bailly, Editions de l'Opportun, 9,90 â?¬.

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