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Quel espoir pour les enfants-soldats du Soudan du Sud?

Un jeune soldat au Soudan du Sud en mai 2012

Un jeune soldat au Soudan du Sud en mai 2012

Photo : La Presse canadienne / AP Photo/Pete Muller

Radio-Canada

La démobilisation de 3000 enfants-soldats à la suite d'une entente entre le gouvernement et le mouvement démocratique du Soudan du Sud, un groupe rebelle, a débuté cette semaine. Pour ces enfants, c'est le début d'un long et difficile chemin vers la réintégration, qui s'effectuera sous l'égide de l'UNICEF.

Une entrevue de Michel Désautels TwitterCourriel à Désautels le dimanche

Voici le résumé d'un entretien avec le directeur général du Bureau international des droits des enfants, Guillaume Landry, qui a effectué plusieurs missions de démobilisation en Afrique. Il parle des défis auxquels sont confrontés les anciens enfants-soldats.

1. Cette décision de démobiliser les enfants-soldats constitue une victoire. J'imagine que c'est à la suite de tractations considérables?

Absolument. Et c'est la force de l'UNICEF, sur place, à travers le temps, de négocier pour que le démantèlement de ce groupe armé se fasse de façon à permettre la démobilisation dans un processus bien contrôlé pour le retour à la vie civile.

Soudan du Sud : entre famine et guerre civile

Consulter le dossier complet

Des enfants-soldats au Soudan du Sud

2. La présence de la Cour pénale internationale a-t-elle une influence sur la démobilisation des enfants-soldats?

C'est un couteau à double tranchant. D'une part, le statut de Rome est un outil d'une valeur considérable parce qu'il rappelle à ceux qui sont tentés de recruter des enfants dans les conflits armés qu'ils peuvent en payer le prix en étant accusés de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité.

En même temps, pour les groupes armés qui persistent et qui continuent à utiliser des enfants, la libération sous les projecteurs est un aveu de culpabilité. Il n'y a pas d'amnistie ni de prescription pour ce type de crimes. Conséquemment, certains groupes préféreront relâcher les enfants clandestinement.

3. Pouvez-vous me décrire ce qu'on appelle le DDR : désarmement, démobilisation et réintégration?

Les premières étapes, le désarmement et la démobilisation, sont relativement simples et rapides. On enregistre, on documente l'histoire de l'enfant. On vérifie si ce n'est pas le petit voisin du village qui a trouvé des documents et qui s'enregistre pour bénéficier des avantages que la réintégration va procurer. On tente de rechercher la famille de l'enfant-soldat. Puis, il va y avoir remis des armes, si c'est nécessaire.

La phase qui est très importante, c'est la réintégration à la vie civile. Économiquement, il y a l'option d'envoyer l'enfant à l'école, mais certains enfants ont été absents très longtemps, et retourner à l'école avec des enfants beaucoup plus jeunes, ce n'est pas très intéressant. Il y a parfois des programmes accélérés et intensifs ou la formation professionnelle. On forme des maçons en quantité industrielle parce que c'est l'option la plus rapide et qu'il faut aussi reconstruire.

Il y a aussi les activités génératrices de revenus. Souvent, quand on demande aux jeunes ce qu'ils préfèrent entre retourner sur les bancs d'école ou avoir une activité génératrice de revenus, on sait quelle réponse on va obtenir. Pour des enfants qui ont été habitués à des gains rapides dans le cadre du conflit armé, ce n'est pas facile de comprendre les gains que l'éducation peut procurer à moyen terme.

Pour consulter cette carte sur votre appareil mobile, cliquez ici.  (Nouvelle fenêtre)

4. La réintégration est un long processus. J'ai lu quelque part qu'il fallait autant de temps pour réinsérer un enfant que le temps qu'il a guerroyé, c'est exagéré ou non?

C'est absolument vrai. Et c'est là qu'est le drame, parce que quand surviennent des accords de paix et des processus massifs de démobilisation, comme l'ont connu le Liberia et la Sierra Leone dans les années 90, la communauté internationale se mobilise souvent très fortement. Les projecteurs des médias se braquent et on surveille attentivement la situation. Malheureusement, on est impatients et deux ans plus tard, on se tourne vers une autre crise.

Le défi d'un enfant qui a connu ce genre de drame est de retourner à la maison et de rétablir des liens sociaux, et cela prend du temps. Au retour, l'entourage continue à voir le jeune comme un rebelle : si une mauvaise récolte survient ou qu'un vol est commis, les gens le blâmeront toujours. S'il a un commerce, on n'ira pas acheter chez lui.

Il y a toutes sortes d'obstacles; imaginez à l'échelle d'un village ou d'une région. Ce sont des situations très éprouvantes qui demandent beaucoup de patience. Les jeunes peuvent avoir le goût de retourner à la guerre parce que c'était plus facile.

5. Parlons de cette image qui voudrait que tous les enfants-soldats aient été kidnappés sur le chemin de l'école lors de raids, qu'on les ait drogués et forcés à tuer leur cousin pour leur lier les mains... je me trompe ou dans la réalité, pour certains, entrer dans un groupe militarisé était plus prometteur que de mourir de faim dans leur village?

C'est tout un défi. Il y a vraiment des gens qui ont vécu l'expérience que vous décrivez, dont les programmes humanitaires vont souvent parler. Cependant, la situation est souvent plus complexe et nuancée. On rencontre des jeunes filles qui ont quitté leur milieu parce que leur seule perspective, qui était de travailler aux champs, ne leur disait rien, et que de fabriquer des amulettes pour les soldats au front est bien plus valorisant.

On voit des garçons dont le père est tué par une faction joindre le groupe adverse pour se venger. Les histoires nombreuses, rocambolesques, compliquées, doivent toujours guider les interventions des humanitaires.

Je me souviens, quand j'étais avec la mission des Nations unies en République démocratique du Congo pour mes premières interventions de démobilisation, avoir été surpris que les enfants ne me sautent pas dans les bras. Ils avaient plutôt leur liste de questions : « Qu'est-ce qui me garantit que l'avenir sera meilleur si je quitte ce groupe avec vous? »

6. Si on considère toutes les zones de conflit en Afrique de l'Ouest, c'est bientôt par dizaine de milliers que des enfants-soldats seront démobilisés. Est-ce qu'on a hypothéqué l'avenir de ces sociétés avec ce qu'on a fait et pas fait?

C'est difficile de dire oui, j'aurais l'impression de jeter la serviette. Nous avons de la difficulté à reconnaître, nous adultes, que ces enfants ont acquis une force incroyable par ces expériences qu'ils ont traversées. Soins infirmiers, cuisine, logistique, le leadership dans le combat... il faudrait transférer ces compétences dans la vie civile.

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