Législatives en Tunisie : «La femme fait encore peur»

Emna Ben Othmane, tête de liste pour le Parti républicain (Al-Joumhouri) lors des législatives 

Législatives en Tunisie : «La femme fait encore peur»

    Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes ce dimanche en Tunisie où plus de 13 000 candidats sont en lice pour briguer les 217 sièges du nouveau Parlement tunisien. Pour ces premières législatives depuis la révolution de 2011, les listes présentent quasiment autant d'hommes que de femmes en raison de la parité des candidatures imposée par la Constitution. Pourtant, le prochain hémicycle sera dominé par les hommes. «On a seulement 15 % de femmes têtes de liste», déplore Chawki Gueddes, professeur de droit constitutionnel. «Même les partis progressistes ne jouent pas le jeu. La Tunisie est encore une société patriarcale», explique Amar, un jeune militant de la société civile.

    En moyenne, sur les 33 circonscriptions, les partis ne présentent que 4 ou 5 femmes en tête de liste. «C'est trop peu», reconnaît Emna Ben Othmane, en première position sur une liste d'Al-Joumhouri (Parti républicain). «La femme fait encore peur ici. Certains pensent qu'elle ne sera pas à la hauteur pour mener une campagne», précise cette enseignante d'histoire-géographie.

    Seule formation qui se distingue réellement : l'Union pour la Tunisie (UPT), une coalition de gauche qui présente 13 femmes. «Nous avons toujours milité pour une parité poussée», explique Nawel Achour, doctorante en droit de 26 ans.

    «Les femmes et les jeunes doivent avoir leur mot à dire !»

    Elle-même est candidate, derrière un élu de l'Assemblée constituante qui se représente. «Je n'ai pas beaucoup hésité. C'est le moment où jamais pour participer à la construction de la nouvelle Tunisie. Les femmes et les jeunes doivent avoir leur mot à dire !» assure-t-elle avec enthousiasme, malgré la fatigue accumulée pendant la campagne.

    La Tunisie se targue régulièrement d'être à la pointe en matière de droits des femmes. La Constitution de janvier dernier consacre ainsi l'égalité entre citoyen et citoyenne. «Mais le combat continue. Ces acquis, on ne va pas les regarder et sourire toute notre vie comme des idiotes», s'amuse Neila. Pendant des semaines, cette retraitée très dynamique est allée dans les quartiers populaires, les régions reculées pour sensibiliser les futures électrices aux enjeux du scrutin.

    Désormais, le corps électoral tunisien compte 50,5 % de femmes, contre 47 % en 2011. Cet été, elles ont été légèrement plus nombreuses que les hommes à s'inscrire sur les listes électorales. «Ã?a démontre un engagement indéniable ! La citoyenne tunisienne est plus sensibilisée», fait valoir Khameyel Fenniche, membre de l'instance chargée de l'organisation des élections.

    Un engagement de façade ? «En 2014, la femme est encore instrumentalisée à des fins politiques. Elle est mise en avant sur les photos, dans les meetings... Mais, au final, elle n'a que très peu de chance d'être au Parlement», lâche un ancien député, qui a préféré raccrocher.

    Le 23 novembre, les Tunisiens doivent retourner aux urnes pour élire leur président. Vingt-sept prétendants sont en lice : 26 hommes et une seule femme.