Candidat à la présidence de l'UMP, Nicolas Sarkozy a déjà commencé à détailler son futur programme pour la France. « Il est temps que l'opposition reprenne l'initiative sur le terrain des idées », annonce-t-il jeudi 2 octobre au Figaro Magazine. De la fonction publique au référendum, en passant par la gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicalement assistée (PMA), les propositions de l'ancien chef de l'Etat ont pourtant souvent un air de déjà-vu.
1. Les nouveautés 2014
La dépense publique
Ce qu'il dit :
Nicolas Sarkozy propose d'instaurer dans la Constitution un verrou qui empêche un gouvernement de « consacrer plus de 50 % du PIB à la dépense publique. Tout gouvernement qui atteindrait ce seuil se heurterait à l'interdiction d'augmenter la dette ou les impôts ».
Pourquoi c'est étonnant
A la fin de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait déjà annoncé une mesure similaire : il voulait inscrire dans la Constitution une « règle d'or » obligeant l'Etat à tendre vers l'équilibre budgétaire. François Hollande avait finalement choisi d'instaurer cette règle par une loi organique.
Ce nouveau « verrou juridique » proposé par le candidat à la présidence de l'UMP est étonnant au regard de la conception du pouvoir qu'il développe par ailleurs. Il donnerait aux juges du Conseil constitutionnel un outil puissant pour limiter la marge de manœuvre du gouvernement, qui aurait l'interdiction de mener une politique de dépense publique, même si la situation économique (une nouvelle crise mondiale, par exemple) l'exigeait. Paradoxal, alors que M. Sarkozy évoque par ailleurs longuement sa volonté de redonner le pouvoir au peuple par le recours au référendum. Sans compter que l'Europe impose déjà une trajectoire de redressement des finances publiques à caractère obligatoire.
La PMA et la GPA
Ce qu'il en dit :
« Il faudra inscrire dans la Constitution des verrous juridiques pour réserver la PMA aux couples hétérosexuels infertiles et interdire complètement la GPA. »
Pourquoi cela ne changerait rien
Nicolas Sarkozy ne propose ici rien de neuf, uniquement de renforcer la législation actuelle en lui donnant valeur constitutionnelle, pour limiter la capacité d'un futur gouvernement à légiférer sur ces questions. La procréation médicalement assistée (PMA), qui consiste en une insémination artificielle avec un donneur de sperme anonyme, est actuellement réservée aux couples hétérosexuels infertiles. Mais la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) puis la Cour de cassation française ont estimé que les enfants nés de PMA pratiquées à l'étranger pouvaient être adoptés par des couples homosexuels.
La gestation pour autrui (GPA), qui consiste à faire porter l'enfant par une autre femme que la mère génétique (généralement pour des raisons d'infertilité liée à l'absence d'utérus), est, elle, en revanche déjà totalement interdite en France.
Ces deux questions n'étaient pas présentes dans les projets de Nicolas Sarkozy en 2007 et en 2012. Début 2012, celui qui était alors encore président de la République s'était prononcé contre le mariage des personnes de même sexe et leur possibilité d'adopter. Rappelons en outre qu'en 2010, l'UMP s'était interrogé sur la GPA, la ministre Nadine Morano s'y disant alors favorable dans certaines conditions. L'ex-chef de l'Etat entretient aujourd'hui le flou sur cette question, constatant dans Le Figaro que « notre électorat est très partagé » et assurant qu'il souhaite « rassembler les Français sur une position conforme à nos valeurs, sans rouvrir les plaies ».
Le cumul des mandats
Ce qu'il en dit :
Sans se prononcer clairement sur l'abrogation de la loi sur le non-cumul des mandats, votée en 2013 par la majorité socialiste, Nicolas Sarkozy marque sa circonspection : « A-t-on pris le temps d'expliquer aux Français que si on interdit le cumul entre maires et députés, la conséquence immédiate sera de doubler le nombre d'élus ? Mais je ne veux pas fermer le débat aujourd'hui, sur ce point comme sur d'autres. »
Pourquoi c'est exagéré
Selon les données de l'Assemblée nationale, seuls 206 députés sont également maires. L'interdiction du cumul, qui est censée s'appliquer en 2017, ne « produira » donc au maximum que 206 élus supplémentaires.
En outre, il ne faut pas penser que « doubler le nombre d'élus » aurait pour conséquence de doubler le coût pour l'Etat, puisque les députés cumulards peuvent aujourd'hui cumuler leur indemnité de parlementaire et de maire (dans la limite de 2 757,34 euros par mois). Si le non-cumul s'applique, cette double rémunération sera divisée entre les deux élus.
2. Les propositions déjà vues
L'âge légal de départ à la retraite
Ce qu'il propose :
« Il faudra sans doute passer à 63 ans rapidement »
Recyclage
Un relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite à 63 ans avait déjà été évoqué par Nicolas Sarkozy quand il était président de la République. Le Monde avait révélé en mai 2010 que le chef de l'Etat envisageait à l'époque cette piste pour un horizon 2030. La réforme de 2010 a finalement fixé l'âge légal à 62 ans. M. Sarkozy justifie aujourd'hui avoir pris cette décision « plutôt que 63 ans en 2022 car cela rapportait davantage à la Sécurité sociale ». Rappelons au passage qu'en 2007, le candidat Sarkozy avait assuré que « le droit à la retraite à 60 ans [devait] demeurer ».
Un de ses futurs adversaires pour la primaire de l'UMP, François Fillon, propose un passage de l'âge légal à 65 ans. Une mesure à laquelle Nicolas Sarkozy n'est pas favorable : « Il y a des arguments en faveur d'une telle mesure mais cela signifierait d'avoir 70 ans pour un départ à taux plein. »
Le recours au référendum
Ce qu'il propose :
Nicolas Sarkozy estime « venu le temps de nous réapproprier la pratique du référendum ». Lors de son meeting à Lambersart (Nord), il cible deux sujets : la réforme du parlement et des collectivités territoriales. Dans son entretien au Figaro Magazine, il élargit les sujets de consultation à toutes les « questions importantes qui concernent [le] destin » de la France, et précise qu'il souhaite organiser ces consultations « en même temps que le premier tour des élections législatives qui suivront l'élection présidentielle ».
Recyclage
Le recours au référendum n'est pas une nouveauté pour Nicolas Sarkozy. En 2012, avant d'être officiellement candidat à sa succession à l'Elysée, il envisageait déjà de « consulter les Français par référendum ». Et il en a fait le premier point de son programme pour l'élection présidentielle.
Pourquoi c'est compliqué
Selon le constitutionnaliste Pascal Jan, ce souhait est « techniquement possible, mais extrêmement compliqué » à réaliser. S'il n'y a pas de délai minimum pour organiser un référendum, rappelle-t-il, il faut suivre un processus avant de pouvoir convoquer le corps électoral. Il faut d'abord attendre une proposition formelle du gouvernement, comme le précise l'article 11 de la Constitution, puis organiser un débat (non consultatif) devant le Parlement, et enfin attendre l'avis du Conseil constitutionnel sur la question. Or, en période électorale – ce qui serait le cas entre l'élection présidentielle et les législatives –, le parlement ne siège pas. Le président devrait alors convoquer par décret « une législature où il n'aura pas la majorité », rappelle Pascal Jan, qui estime le projet à peu près irréalisable en l'espace d'un mois.
Lire aussi : « Le référendum n'est pas un mode de gouvernement », selon des juristes
3. Les propositions qui musclent des promesses antérieures
Les fonctionnaires
Ce qu'il propose :
Nicolas Sarkozy souhaite appliquer la règle du non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite à toute la fonction publique (Etat, collectivités et en partie pour l'hôpital). Il promeut en outre la création d'un « nouveau contrat de cinq ans dans la fonction publique » pour certains postes de l'administration, en excluant les enseignants et les policiers.
Recyclage
La règle du « un sur deux » fut l'une des politiques marquantes du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Mais malgré le non-remplacement de 150 000 fonctionnaires d'Etat, les objectifs d'économies affichés n'avaient pas été atteints. L'ancien chef de l'Etat souhaite donc rétablir et amplifier cette règle en l'appliquant aux deux autres corps de la fonction publique : les collectivités territoriales et la fonction publique territoriale. La proposition est plus radicale qu'en 2012, quand le président-candidat proposait de l'étendre seulement aux collectivités plus de 30 000 habitants.
Le contrat de cinq ans dans la fonction publique, qui mettrait fin au très symbolique « emploi à vie » des fonctionnaires, n'est pas non plus une idée neuve. Dès 2007, dans son discours de Nantes, Nicolas Sarkozy proposait qu'on « laisse le choix aux nouveaux entrants entre le statut de fonctionnaire ou un contrat de droit privé négocié de gré à gré » pour « certains emplois de la fonction publique ». Une mesure jamais mise en place.
Ce nouveau contrat ferait figure d'exception dans le droit du travail français, puisque les CDD sont pour l'instant limités à deux ans au grand maximum.
Les 35 heures
Ce qu'il propose :
« Que les entreprises qui voudraient sortir des 35 heures par une négociation interne à l'entreprise puissent le faire. » Nicolas Sarkozy propose également de rétablir les heures supplémentaires déchargées et défiscalisées.
Recyclage
L'opposition de Nicolas Sarkozy aux 35 heures n'est pas nouvelle. L'ancien chef de l'Etat avait formulé exactement la même proposition en novembre 2007, quand il était à l'Elysée, en souhaitant que des entreprises puissent « s'exonérer des 35 heures en échange d'augmentations de salaires ». En l'absence d'accord, ce serait la durée légale qui s'appliquerait.
Cette proposition avait donné lieu à une loi moins ambitieuse qu'annoncée. Promulguée en 2008, elle ne change pas la durée légale du temps de travail ni son plafonnement à 48 heures, mais permet à une entreprise de négocier en interne le nombre maximum d'heures supplémentaires, qui nécessitait auparavant l'aval de l'inspection du travail. Pendant la campagne présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy avait de nouveau qualifié les 35 heures d'« erreur historique », affirmant ne pas les avoir supprimées « pour ne pas faire travailler les gens 39 heures payées 35 ».
Fin août 2014, le nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, a lui aussi déclaré au Point qu'il était favorable au fait d'autoriser « les entreprises et les branches à déroger » aux 35 heures.
Concernant les heures supplémentaires, comme il le rappelle lui-même, la proposition de Nicolas Sarkozy ne vient pas de nulle part. La loi du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), adoptée au début de son quinquennat en 2007, avait permis aux employeurs de bénéficier d'une suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires ainsi que de défiscaliser ces dernières. La gauche a supprimé cette mesure dès son arrivée au pouvoir, expliquant qu'elle constituait un frein à l'embauche et qu'elle coûtait cher (5 milliards d'euros, dont environ 1,5 milliard pour l'exonération sur l'impôt sur le revenu).
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu