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Récit

Le campement de Roms de Bobigny démantelé, plusieurs familles à la rue

Roms : la gauche face à ses contradictionsdossier
Environ 200 personnes habitaient ce bidonville. Une petite moitié seulement s'est vue proposer des solutions de relogement.
par Sylvain Mouillard et Kim Hullot-Guiot
publié le 21 octobre 2014 à 13h58
(mis à jour le 21 octobre 2014 à 21h54)

Ils espéraient pouvoir passer une nuit au calme et au sec. Mais la police en aura décidé autrement. Ce mardi soir vers 21h40, alors qu'une cinquantaine de Roms, dont une vingtaine d'enfants, s'étaient réfugiés à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, «entre 30 et 50 CRS» sont entrés dans le hall de l'établissement pour les en déloger. «Si on ne sort pas, ils vont nous sortir», résumait quelques minutes plus tôt Baptiste, médiateur scolaire de l'Association pour la scolarisation des enfants tsiganes du 93, présent sur place et contacté au téléphone par Libération«On attend le commissaire, les familles sont en train de rassembler leurs affaires», avait-t-il précisé. Vers 21h50, la cinquantaine de personnes étaient délogées, selon Baptiste, qui nous racontait, cette fois par sms : «On est dehors, les CRS se marrent». Peu avant 22 heures, les CRS – le médiateur a compté 17 cars et un bus – avaient levé le camp.

Plus tôt dans l'après-midi de mardi, l'expulsion du campement des Coquetiers à Bobigny (Seine-Saint-Denis), où habitaient environ 200 Roms, s'était déroulée dans le calme. Depuis l'aube, les familles attendaient cette opération annoncée la veille par la préfecture de Seine-Saint-Denis. Une large partie des occupants avaient même commencé à vider leurs cabanes et caravanes, transportant leurs effets personnels dans des Caddie. Une petite moitié des familles (soit une trentaine) vont bénéficier de solutions de relogement. Les autres se retrouvent à la rue. «Elles sont libres de circuler dans toute l'Europe», a martelé Philippe Galli, le préfet de Seine-Saint-Denis. En début de soirée, la cinquantaine de Roms se trouvaient place de la République, à Paris, espérant obtenir un hébergement d'urgence, avant de conversger vers l'hôpital Saint-Louis.

Le bidonville des Coquetiers, l'un des plus anciens du département, est devenu emblématique des tensions entre les pouvoirs publics et les associations de défense des populations roms. Son existence a fait irruption dans le débat à la suite d'un événement dramatique, la mort de la petite Melisa, 7 ans, dans l'incendie du bidonville en février.

Des diagnostics sociaux bâclés ?

Quelques semaines plus tard, lors de la campagne municipale, le candidat UDI, Stéphane de Paoli, promet, s’il est élu, de fermer un site qu’il juge insalubre et dangereux. Installé dans le fauteuil de maire en lieu et place du Parti communiste (au pouvoir depuis 1944), il s’empresse de passer aux actes. Il engage une procédure accélérée pour faire reconnaître le caractère illicite de l’occupation des terrains municipaux, et obtenir une évacuation dans les plus brefs délais. Malgré un rejet du tribunal, la municipalité prend un arrêté d’expulsion mi-août. Les associations locales tentent de contester cet arrêté via des référés, mais sont déboutées.

Pour Didier Leschi, le préfet délégué pour l'égalité des chances auprès du préfet de Seine-Saint-Denis, tout a été fait dans les règles. Le diagnostic social préalable à toute expulsion, rendu obligatoire par la circulaire du 26 août 2012, a été réalisé à deux reprises, en février et en août, par le Groupement d'intérêt public habitat et interventions sociales (GIP HIS). Il explique que la grosse «trentaine de familles» repérées à cette époque seront toutes prises en charge. Une dizaine de familles disposant de «revenus stables» ou de «CDI» ont ainsi obtenu un logement social dans le département, selon les autorités. Moins selon les associations, qui regrettent que les diagnostics sociaux aient été faits à la légère. N'ayant pas été prévenus, de nombreux habitants n'étaient pas présents lors de la venue du GIP HIS.

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