L'exécution de Serge Atlaoui différée, mobilisations à Paris et Metz

Le parquet général de Jakarta affirme que Serge Atlaoui sera fusillé dans un second temps, après une première vague d'exécutions. Son avocat avait auparavant confié au Parisien.fr que son exécution serait différée.

L'exécution de Serge Atlaoui différée, mobilisations à Paris et Metz

    L'exécution de Serge Atlaoui, Français condamné à mort en Indonésie pour trafic de drogue, est retardée, affirme samedi à la mi-journée le parquet général de Jakarta, confirmant une information du Parisien.fr. Neuf autres condamnés, dont huit étrangers, ont en revanche reçu leur notification d'exécution.

    Interrogé par l'AFP qui lui demandait si Serge Atlaoui allait être exécuté avec les autres étrangers, dont deux Australiens et une Philippine, le porte-parole du parquet, Tony Spontana a répondu : «Non». «Nous venons de finir les notifications à chaque condamné, neuf personnes», a-t-il également déclaré. Si la date de l'exécution des neuf condamnés n'a pas été communiquée officiellement, l'avocat de la Philippine concernée a annoncé ce samedi que sa cliente devait être exécutée mardi.

    La nouvelle du sursis accordé à Serge Atlaoui nous avait était confiée plus tôt par Richard Sédillot, son avocat, qui la tenait d'une source «très informée en Australie». «J'accueille avec la prudence qui s'impose cette nouvelle qui serait un soulagement», avait déclaré le conseil du Français de 51 ans. Selon sa femme citée par Me Sédillot, Serge Atlaoui n'avait «pas été transfér?à la prison où les condamnés sont habituellement exécutés, à la différence des huit autres étrangers présents sur la liste.

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    Ce que nous avait confirmé le Quai d'Orsay. «Les autorités indonésiennes n'ont pas donné instruction aux services compétents de le transférer», avait indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal. L'ambassade de France s'est entretenue dans la nuit avec un Serge Atlaoui «inquiet mais combatif», a-t-il précisé à l'AFP.

    «Bon signe», selon son avocat

    C'est le recours déposé par Serge Atlaoui devant la Cour administrative, en réaction au rejet de la grâce présidentielle en janvier, qui l'écarterait de la liste des condamnés dont l'exécution est imminente. «La procédure n'est pas encore terminée, voilà la raison», a dit un porte-parole du ministère indonésien des Affaires étrangères, Armanatha Nasir. «On sait que cette procédure est vouée à l'échec, donc je pense que c'est bon signe», avait réagi Richard Sédillot.

    Ce retournement de situation explique pourquoi l'ambassade de France à Jakarta, contrairement aux autres représentations diplomatiques, n'avait, samedi encore, reçu aucune convocation pour se rendre à la prison de Nusakambangan où est incarcéré Serge Atlaoui.

    Des responsables consulaires de différents pays - notamment l'Australie, le Brésil et les Philippines - se sont rendus samedi à Cilacap, ville portuaire d'où les visiteurs accèdent au complexe pénitentiaire surnommé «l'Alcatraz indonésien». Ils ont été convoqués par les autorités indonésiennes pour y rencontrer des responsables et détenus en attente d'exécution.

    Ces convocations ne sont pas obligatoires. Ce sont des courtoisies diplomatiques. Seule la notification au condamné de son exécution au minimum 72 heures au préalable est obligatoire, selon la législation indonésienne.

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    Des manifestations à Paris et Metz

    En France, deux  rassemblements de soutien à Serge Atlaoui, ont eu lieu samedi à Paris et Metz (Moselle), d'où est originaire le condamné. Dans la capitale, le rendez-vous était donné à 15 heures, place Edmond-Michelet, à proximité du centre Beaubourg. A l'initiative de l'association Ensemble contre la peine de mort ,quelque 200 personnes, soulagées après l'annonce qu'il ne figurait pas sur la liste des condamnés dont l'exécution est imminente, ont scandé : «Espoir, Espoir, Espoir». «Nous devons rester vigilants, il est toujours dans les couloirs de la mort, il n'est pas aujourd'hui sauvé», a déclaré l'avocat français de Serge Atlaoui, Richard Sedillot. «Ce que je réclame c'est que se tienne le procès auquel il a droit, et qu'il soit jugé devant des juges qui l'écoutent enfin», a-t-il ajouté.

    Environ 300 personnes se sont également rassemblées à 17h30 place d'Armes à Metz à l'initiative de l'un de ses frères, André Atlaoui. «Nous devons continuer à maintenir une pression constante sur l'Indonésie», a-t-il plaidé, exhortant l'Union européenne à «ne pas rester inerte».

    L'eurodéputé Edouard Martin était parmi les manifestants.

    Au terme de discrètes démarches pour arracher la clémence des autorités indonésiennes, la France a décidé de changer nettement de ton ces derniers jours, alternant menaces voilées et accusations d'irrégularités judiciaires pour tenter de sauver Serge Atlaoui. Avant de quitter Bakou (Azerbaïdjan) samedi, François Hollande a menacé l'Indonésie de rappeler l'ambassadeur et de suspendre les discussions économiques.

    «Notre mobilisation va s'intensifier. Nous ne cédons ni au renoncement, ni au fatalisme», a déclaré Romain Nadal. La France souhaiterait poursuivre ses discussions aux niveaux bilatéral, européen et multilatéral. «Il faut profiter de ce délai pour faire pression sur l'Union européenne pour qu'elle ne se contente pas des déclarations et des condamnations que tout le monde connaît déjà», insiste Richard Sédillot. L'avocat souhaite que l'Europe fasse respecter son accord avec l'Indonésie «qui fait des droits de l'Homme une condition essentielle de son application».

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    Appels à la clémence

    Alors qu'est désormais connue la date de la deuxième vague d'exécutions de l'année en Indonésie, après celle de janvier (six condamnés dont cinq étrangers fusillés), les appels à la clémence se multiplient. Notamment en Australie, dont deux ressortissants font partie de la lisre. La ministre australienne des Affaires étrangères, Julie Bishop, a réitéré samedi les appels à la clémence de Canberra en demandant au président indonésien, Joko Widodo, de «changer d'avis», lui qui se montre intransigeant sur l'exécution de condamnés à mort pour trafic de drogue.

    La soeur du condamné à mort australien Myuran Sukumaran a elle aussi lancé un émouvant appel visant à sauver la vie de son frère, dans une vidéo sur YouTube où celui-ci apparaît sur une photo prise lorsqu'il était écolier. «Mon frère a fait une erreur il y a dix ans, et il a ensuite payé chaque jour pour cette erreur. Du fond de mon coeur, s'il vous plaît président Widodo, ayez de la compassion pour mon frère, changez le châtiment en humanité», a déclaré Brintha Sukumaran.

    Les membres de la famille de la Philippine Mary Jane Veloso, elle aussi condamnée à la peine capitale pour trafic de drogue, sont arrivés à Cilacap, où ils ont dû se frayer leur chemin face à de nombreux journalistes. «S'il arrive quoi que ce soit de mal à ma fille, je tiendrai beaucoup de gens pour responsables, ils nous doivent la vie de notre fille» a déclaré à une radio la mère de la condamnée, Célia Veloso, 55 ans. «J'espère que mon appel sera entendu par le président Widodo», a-t-elle dit. «Nous faisons tout notre possible pour sauver la vie de Mary Jane», a déclaré de son côté un porte-parole de la présidence philippine.

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