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Interview

Stéphane Le Foll : « Les points soulevés par Martine Aubry méritent débat »

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Stephane Le Foll

Par Elsa Freyssenet, Étienne Lefebvre

Publié le 20 oct. 2014 à 19:11

Après Arnaud Montebourg, Martine Aubry souhaite désormais une réorientation de la politique économique. Y a-t-il une fracture entre deux socialismes ?

Il y a des points de vue différents, il y en a toujours eu depuis 1981 et les points soulevés par Martine Aubry méritent débat. Les états généraux du PS sont l’occasion d’une réflexion collective bienvenue pour peu que tout le monde garde en tête l’objectif de notre réussite collective et qu’on ne confonde pas réflexion et confrontation. Alors débattons ! Martine Aubry ne propose pas de laisser filer sans limite les déficits publics et le président de la République a déjà choisi d’adapter le rythme de réduction de ces déficits au contexte de faible croissance. Il cherche à convaincre l’Europe depuis deux ans d’engager une politique de soutien à la croissance et il commence à être entendu. La réorientation est en cours à l’échelle européenne.

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Mais c’est en France que Martine Aubry réclame une réduction et un meilleur ciblage des aides aux entreprises…

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On ne peut pas cibler le Cice pour deux raisons. D’abord, il n’est pas si simple de départager les entreprises soumises à la concurrence internationale et celles qui ne le sont pas : par exemple, même sur un marché agricole local, vous pouvez être concurrencé par des produits importés. Ensuite, l’Europe considère que les aides aux entreprises doivent être globales et horizontales et elle a raison car nous serions les premiers à critiquer des aides sectorielles appliquées par d’autres pays à notre détriment. Mais le plus important est que le CICE sert à baisser le coût moyen de production afin que les entrepreneurs puissent innover, embaucher et former : c’est ce qu’on appelle la compétitivité hors coût. Ce sont des défis de moyen terme essentiels pour l’avenir de la production et des services en France. Donc, il ne faut pas remettre en cause les 20 milliards du CICE. Si on ajoute les 10 milliards de baisse de charges sur les bas salaires, il y a pour moi un socle de 30 milliards intangible.

Si 30 milliards sont intangibles, cela veut-il dire que l’on peut discuter sur les onze autres milliards ?

Je ne rentrerai pas maintenant dans ce débat qui existe déjà au parlement. En revanche, j’aimerais que le Medef porte ses efforts à la hauteur de l’enjeu. Plutôt que de quémander toujours plus, il devrait s’assurer que ses entreprises investissent et ne profitent pas du CICE pour faire baisser les prix de leurs sous-traitants ou de leurs fournisseurs. Le patronat a une responsabilité. Au niveau de la gauche, le débat est récurrent : peut-on ou non faire confiance aux entreprises ? Je pense que oui, si les aides vont de pair avec un renforcement du dialogue social et une stratégie de création de richesse et d’emplois.

Comment expliquez-vous alors une si forte contestation au sein de la gauche ?

Nous avons fait des choix un peu différents de l’histoire économique de la gauche. Traditionnellement, la gauche s’appuyait sur une redistribution keynésienne pour faire progresser les droits sociaux. Aujourd’hui, c’est pour ne pas remettre en cause les droits sociaux que nous devons aider notre appareil productif. Nous savons depuis 1981 qu’une relance dans un seul pays ne marche pas, sauf à s’extraire de l’Union européenne et à perdre notre rang dans la mondialisation. Je pense que Martine Aubry comprend cela. On ne pourra jamais aller à l’idéal si on fait fi du réel.

Pensez-vous, comme Emmanuel Macron, que la France évitera un rejet de son budget par la Commission européenne à la fin du mois ?

Je ne crois pas qu’il y ait un risque de rejet ou de sanction. Le gouvernement français s’engage à réaliser 50 milliards d’économies ce qui est sans précédent : je suis sûr que notre bonne foi sera reconnue. On ne peut pas nous demander d’aller au-delà. L’Europe est en train de bouger, elle est consciente du bien fondé de notre démarche, à savoir trouver le bon équilibre sur le rythme de réduction des déficits et le soutien aux investissements.

Il n’y a pas de plan B en préparation ?

Non, il n’y aura pas besoin d’économies supplémentaires, il n’y a pas de plan B.

Y a-t-il des messages de Martine Aubry que vous souhaitez retenir ?

Il faut être clair sur le travail du dimanche : ce que nous proposons consiste à élargir les dérogations pour développer certaines zones d’activités, il s’agit et s’agira d’exceptions car le repos dominical reste la règle. J’entends Martine Aubry lorsqu’elle recommande de la mesure afin de préserver une conception de la société qui ne tourne pas seulement autour du consumérisme . Plus globalement, je pense qu’elle a raison de poser la question du sens des réformes. Nous ne devons jamais cesser de rappeler l’objectif que nous poursuivons: rendre notreéconomie productive et durable pour pérenniser notre modèle social et républicain.

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Rappeler l’objectif des réformes, c’est un conseil à François Hollande ?

C’est un conseil qui s’adresse à nous tous.Dans les débats il ne faut jamais confondre les objectifs et les outils.Prenons l’exemple des seuils sociaux : cet outil n’a de sens que s’il permet la représentation syndicale. , ce qui veut dire qu’on peut discuter de leur déclenchement ou pas à condition d’atteindre l’objectif : renforcer la représentation des salariés partout notamment dans les petites entreprises. De même, discuter de l’assurance chômage ne peut se faire qu’en regardant comment permettre de la souplesse dans le marché du travail et des garanties pour les chomeurs.

Comment appréhendez-vous le vote au Parlement des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale ?

Ils seront approuvés de manière assez large. Il y avait un débat sur la branche famille et il a été tranché favorablement par la modulation des allocations.

Cela fait beaucoup pour les quelque 15% de familles concernées, après les deux coups de rabot successifs sur le quotient familial…

Mais ce sont ces avantages fiscaux bénéficiant aux plus aisés qui étaient beaucoup trop favorables et coûteux auparavant. J’ajoute que ces économies ont été en partie réinvesties dans l’allocation de rentrée scolaire et les places en crèche. Et puis arrêtons les débats caricaturaux, ce n’est pas parce qu’une famille gagnant 6.000 euros par mois va perdre une centaine d’euros d’allocations que cela va remettre en cause le dynamisme de la natalité.

Le Parlement pourra-t-il amender le texte, par exemple pour éviter les effets de seuil ou la pénalisation des familles où les deux parents travaillent ?

Il y a un débat qui s’ouvre et le Parlement pourra bien sûr apporter sa contribution, mais le cap de la réforme est tracé.

Faut-il instaurer une vignette pour taxer les camions étrangers en transit dans l’Hexagone ?

Il y a un vrai problème qui est posé à juste titre par Ségolène Royal : ces poids-lourds en transit doivent contribuer au financement des infrastructures. On ne peut cependant appliquer une vignette de manière différenciée aux camions étrangers car ce serait discriminatoire. Nous recherchons des solutions fonctionnelles.

Pourquoi n’avoir pas engagé la grande réforme fiscale que vous aviez promise ?

En fait, nous l’avons engagée sans le dire. Nous avons rééquilibré la fiscalité du travail et du capital. Et s’agissant des ménages, 75% de l’effort fiscal est supporté aujourd’hui par les 20% des ménages les plus aisés. Il y a donc une justice fiscale. Ceux qui préconisent la fusion de l’IR et de la CSG oublient qu’elle risquerait de peser sur les classes moyennes.

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